Seuls les démons

Chapitre 0

Des cris.

De la fumée et une odeur de brulée.

Ainsi, j'avais été tiré du monde des rêves. Rêves auxquels j'aurais aspiré rester. 

J'étais un héros avant de me réveiller. Avant d'être interrompu par tout ce bruit et tout cette cacophonie. Cette odeur... La peur. La mort.

Dans mon lit fait de paille et de brindilles, je m'étais réveillé en réalisant n'être en aucun cas un héros pour ne plus être aux côtés de cette Reine puissante à laquelle j'étais en train de servir de défenseur contre les ogres et gobelins, créatures infâmes, qui voulaient pénétrer le château et voler la couronne.

Reine imaginaire, forces du mal irréelles. Des comptes pour enfants.

L'imagination d'un petit garçon de quatre ans pouvait contenir bien des idéaux malgré son innocence. Ou peut-être ne l'étais-je pas autant, innocent? Je l'avais été uniquement pour ne pas avoir eu la conscience de reconnaitre les véritables forces du mal. Elles n'étaient pas que gobelins, ogres et géants. Les forces du mal, malheureusement, étaient bien moins évidentes que cela. Elles étaient beaucoup plus subtiles et beaucoup plus vices et cruelles que tout ce qu'un garçon de quatre ans pouvait s'imaginer.

C'était elles-mêmes qui m'avait éveillé cette nuit-là. Elles étaient venues pour répandre leur maléfice, telle une malédiction. Me forçant, moi, jeune créature innocente, à les confronter.

**

Je me levai et marchais à pas hésitant vers la sortie lorsque je remarquai papa et maman absents de leurs lits.

À l'extérieur de la tente, les gens s'écriaient de panique. Une cohue s'était emparée des villageois et tous couraient en tout sens, ne semblant plus où aller ni se tourner.

Étaient-ils dehors eux aussi?

Je quittai notre abri, voulant ainsi à tout prix les retrouver et comprendre le grabuge extérieur.

En sortant, je remarquai que la lune, irrégulièrement peu haute dans le ciel, semblait si près que l'on avait l'impression de pouvoir la toucher. Distrait par son apparence et sa présence, je n'avais plus prêté attention à l'urgence pressante des voisins qui se hâtaient d'amasser leurs prévisions avant de défiler tous vers la même direction, l'Est.

-Maman? Appelais-je faiblement en me frottant les yeux pour y voir un peu plus clair.

Après tout, je venais de me réveiller d'un rêve où sensiblement, un combat s'annonçait entre gobelins et moi. C'aurait tout aussi bien pu être un rêve encore. Et puis, la lune était juste là. À proximité. Une proximité si irréaliste...

J'identifiais soudainement l'origine de cette odeur de fumée qui m'avait irrité les narines et extirpé de mon sommeil. Juste devant moi, il y avait en fait, tout ce que je n'aurais jamais dû voir.

Non. Je ne pouvais pas être responsable de cette vision. Avec certitude, je savais ne plus rêver.

Attachés à nos amis les arbres, il y avait Raven, Jeremiah et Bikarden en train de bruler.

Leurs cris... L'odeur...

Une peur viscérale envahissait alors mon esprit et mon âme. Toutes les réponses à mes questions se trouvaient là, devant mes yeux. Il ne fallait que regarder. Tout comme le faisait la lune. De terribles choses étaient en train d'arriver... et la lune regardait. Tout comme moi. Incapable d'agir. Incapable de comprendre pourquoi tout cela arrivait et je me sentais incroyablement impuissant. 

Je chancelai sur mes jambes que je sentis soudainement trop petites. Trop petites pour courir et fuir. Trop petites pour agir comme je l'aurais fait.

En tournant la tête, je vis d'autres massacres se produire tout droit sous mes yeux.