𝙿𝚛𝚎𝚖𝚒𝚎̀𝚛𝚎 𝚙𝚊𝚛𝚝𝚒𝚎

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Bonne lecture !

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Jean ne se considère pas forcément comme un mauvais ami.

Bon, il n'est pas le meilleur, c'est clair, mais disons qu'il fait ce qu'il peut : il répond au téléphone à trois heures du matin quand il sonne, apporte de la bouffe si jamais l'un de ses potes s'est fait larguer, et il ne râle pas trop quand quelqu'un rentre dans sa caisse avec les pieds sales (bon, d'accord, ça c'est un peu faux). Il a des défauts, mais estime que ceux des autres sont pires et que donc il n'a pas à s'excuser pour quelques remarques un peu trop méchantes ou alors un ménage bâclé dans les parties communes de sa coloc'. Un appartement en centre-ville coûte cher, et son boulot le paye apparemment aussi bien que celui de Sasha, Ymir et Connie, puisqu'ils se partagent la facture (et il ne tape par sur le mur avant minuit dans ses abrutis d'amis font trop de bruit, histoire de ne pas faire le vieux grincheux).

Donc, il n'est pas non plus un ami trop pourri. Mais là, c'est quand même un peu trop lui demander.

— Je te jure que tu me revaudras ça jusqu'à la fin de ta vie.

— Je sais, Jean. Tu me l'as déjà dit quinze fois au moins.

— Je le dis encore une fois, alors, histoire que tu t'en souviennes bien.

Si Jean a un problème dans la vie, c'est bien les films. Ce n'est pas vraiment qu'il déteste ça, il en a déjà vu, encore heureux, mais il ne prend décidément pas le même plaisir que tout le monde à se poser sans bouger pendant des heures. Il ne regarde qu'un certain type de film, quand il y a de l'action et de quoi le tenir éveillé.

Mais son ami, son meilleur ami depuis le collège, a malheureusement décidé que Jean Kirschtein était la seule personne encore disponible pour l'accompagner à la première représentation d'un foutu film d'auteur de 3h45.

Non pas que Marco en soit fan, Jean est bien placé pour savoir que ça le fait chier aussi, mais lui n'a vraiment pas le choix. Le père de Marco, au cas où tout le monde ne soit pas encore au courant étant donné que c'était l'une des raisons pour lesquelles tout le monde voulait traîner avec Marco au collège et au lycée (pas la seule, bien sûr), est plus ou moins pété de thunes. Jean n'a jamais compris le principe de son boulot, même en y mettant la meilleure volonté du monde, mais il sait au moins que ça consiste à déplacer de l'argent d'un point A à un point B pour que le point B rapporte un max.

Et apparemment cette fois, le point B est la sponsorisation d'un film d'auteur de 3h45 à laquelle son film est obligé d'aller, pour faire bonne figure. Et même si Marco est gentil, un peu comme un ange tombé du ciel, il ne l'est quand même pas tant que ça, et ne peut décidément pas se faire chier pendant 3H45 tout seul.

— Je veux mourir, souffle Jean.

— T'en fait un peu trop quand même.

— Ton truc va nous achever.

— C'est bon, c'est pas le festival de Canne, non plus. Tu pourras toujours taper une sieste si vraiment il est si chiant.

— J'ai lu le résumé, Marco. Je vais sûrement m'endormir avant l'apparition du titre.

Marco lève les yeux au ciel, ce qui n'est pas très conseillé quand on conduit une voiture. Mais bon, Jean n'est pas vraiment à ça près : autant qu'ils finissent dans un fossé si ça lui permet de louper cette première débile.

— Je te hais, souffle-t-il.

— Tu m'adores. Peut-être pas tout de suite parce qu'on va se faire chier comme des rats morts, mais tu veux que je te dise ? J'ai un secret.

Jean hausse un sourcil. Son costume est parfaitement coupé, et il est obligé de s'asseoir d'une manière très précise pour ne pas le froisser (c'est ce qu'a dit le père de Marco avant-hier en lui tapant sur l'épaule « ravi de t'avoir avec nous, Jean, mais arrive avec un costume froissé et je serais obligé de dire que tu es le serveur »).

— Ah oui ?

— Bien sûr. Ça fait des années que j'accompagne mon père à ce genre de soirée.

— Dis-moi.

— Alors arrête de râler.

— Si ton conseil en vaut la peine, alors je dirais plus rien devant toi et je pourrais même sourire poliment en serrant quelques mains.

Car malheureusement, ce n'est pas la première fois qu'il l'accompagne : parfois c'est drôle, et parfois ça l'est moins.

— Il y aura un apéritif avant la première. Bon, il y en aura un aussi après, mais celui d'avant est plus important.

Marco sourit.

— Quatre verres du champagne servit par les serveurs en cravate blanche, et t'auras déjà loupé une heure du film.

Une seconde passe, la radio offre une chanson pop assez vieille, et Jean éclate de rire.

— D'accord, je note. Et j'arrête de me plaindre : ton conseil vaut le coup.

— Incroyable. Quelle chance, j'ai.

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Des bisous !

The night belongs to || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant