Chapitre 17

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Je me laisse tomber au sol, m'affalant contre ce carrelage si froid au contact de ma joue. Je me sens privée de toute force, comme exténuée d'une telle fureur que je ne peux ni parler ni penser de façon lucide. Tout me semble si loin, si grand ; ma salle de bains a comme pris une autre dimension, elle s'est agrandie ou bien j'ai rétréci. Je crois toujours entendre du bruit, comme un lointain écho.

La voix finit par se faire plus distincte : Est-ce que quelqu'un m'entend ? Cette phrase se répète de façon incessante, avec toujours ce timbre grave qui me file des frissons.

Je ne sais pas qui c'est, ni même ce que c'est.

Aussi absurde que cela puisse paraître, je ne me sens pas effrayée mais plutôt désorientée. Une violente et soudaine fatigue me prend, je m'y adonne. Je n'ai plus envie de lutter.

La pression d'une force s'exerce sur mon épaule, m'entraînant dans une réalité immensément floue. Je me réveille donc, loin de ma salle de bains, debout, sans savoir ce qu'il se passe. La pression sur mon épaule me tire de ma réflexion, qui est-ce !? Je me retourne abruptement mais ne voit personne. Je suis donc plantée en plein milieu de nulle part, c'est à ni rien comprendre. Il y a encore cinq minutes j'étais étalée par terre, suffoquant. Garde ton calme Emy. Je m'arrête et observe ce qui m'entoure. Je me fige à la vue de l'étendue blanche qui m'entoure. Du blanc partout, sans limite, sans repères...

La même force que tout à l'heure me presse l'épaule, cette fois ci c'est sur la droite. Je fais un bond en avant sous l'envie de me défaire de cette « chose ». Je constate qu'il n'y a toujours personne qui daigne se présenter.

- Qui êtes-vous ?

Un silence fracassant répond à mon inquiétude, me laissant dans l'incompréhension la plus totale. Où est-ce que je suis ? Peut-être dans le 1er box ? Mais ça n'a pas de sens, pourquoi serai-je dans un box, seule, sans Séléa ? Puis, qui, par-dessus le marché, ose me toucher sans se montrer ?

- Je vous préviens, vous me touchez encore une fois sans me prévenir, je hurle jusqu'à ce que vous cédiez !

Un ricanement méprisant brise le calme régnant jusqu'ici.

- Je ne vois pas en quoi c'est drôle. Dis-je avec, à mon tour, une moue dédaigneuse.

- Ne t'offense pas ! J'ai juste besoin de parler à quelqu'un.

- Excusez-moi pour la brutalité mais je n'en ai strictement rien à faire.

- Vous témoignez, chère Emy, d'un brave soutien à mon égard.

- Je ne vous ai pas sonnée si ? Vous, la grande Voix de la sagesse, m'avez littéralement dénuée de toute force physique pour ensuite me transférer dans ce vaste paysage démentiel. En plus de cela, vous osez me toucher sans vous manifester pour ensuite vous moquer de moi ! Mais quel culot alors oui, je n'en ai strictement rien à faire de vous et de vos petits soucis !

- Je souhaite seulement te délivrer un message. La voix, toujours imperceptible à l'œil nu, prend un ton mielleux.

Je lâche un soupir d'exaspération face à son insistance. Je n'ai pas confiance, pas peur non plus. Pourtant, intuitivement, je sens que cette voix sera seule maître de mon départ de ce paysage devenant anxiogène. Cette étendue blanchâtre commence à me faire peur.

- Où suis-je ? Pourquoi m'avez-vous amenée ici ?

- Personne ne le sait. Je crois bien te l'avoir déjà dit. Cesse de me vouvoyer, je ne te veux aucun mal.

Rassurant...

Je reste prostrée un moment, ne sachant quoi répondre. Je me retrouve dans un endroit surréaliste, avec une chose qui me parle et qui joue de son pouvoir afin que je l'écoute. J'ai toutes les raisons du monde pour l'ignorer et pourtant je lui parle. Absurdité passagère, espérons.

- Bien ! Je vais te tutoyer, en revanche, une fois que tu m'auras délivré ton message, je souhaite retourner chez moi. Dis-je d'un ton peu convaincant.

- Entendu ! Je savais bien que tu serai trop curieuse.

Cette chose me tape sur les nerfs avec sa médisance et ses provocations.

- Emy, si je t'ai amenée ici c'est pour te parler de quelque chose d'important. Quelqu'un t'attend, quelque part. Il ne faut pas que tu abandonnes, jamais. Cela mettrait en péril le destin d'un être qui t'est cher. Promets-moi de ne pas abandonner ta quête.

Je suis estomaquée par ce que je viens d'entendre.

- Quel proche ? Quelle quête ? Qui êtes-vous à la fin ?

- Un proche, la quête que tu as déjà entreprise. Je ne suis qu'une voix, la pauvre Voix de la sagesse comme tu l'as si bien dit.

Un assourdissement accompagné d'un bourdonnement me mettent dans un état second. Ma vue se brouille et je perds le contrôle de mes ressentis physiques.

Je me réveille, allongée dans la salle de bains. La tête posée sur le sol, cherchant à comprendre ce qu'il s'est produit. J'étais dans la salle de bains, m'asphyxiant ; ensuite je me suis retrouvée perdue en compagnie d'une chose insupportable, puis, j'ai fini par être à nouveau à terre. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Quoi qu'il en soit, j'ai retenu une chose, je ne dois pas laisser tomber Séléa sous peine de connaître une lourde sentence. Je ne veux plus jamais avoir à vivre une sensation d'étouffement pareille ni même à percevoir une once de cette incarnation auditive irrespirable. D'ailleurs, comment connaissait-elle mon prénom ?

SéléaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant