14. Pièce silencieuse

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J'ai toujours aimé les films. En tant que cinéphile, mon attention se portait instantanément sur la télévision lorsque j'apercevais une publicité pour un film à venir. La plupart des créations Hollywoodiennes stupides et sans intérêt étaient facilement oubliables, donc à chaque fois que je tombais sur un nouveau film indépendant avec un concept relativement original, j'étais excitée à l'idée de découvrir quelque chose de différent.

Récemment, j'ai eu l'occasion de voir une publicité pour un thriller à parution limitée qui s'appelait « Pièce Silencieuse ». Le titre à lui seul était intriguant, et lorsque j'ai regardé la publicité, je n'ai pas été déçue. Le film mettait en scène un tueur en série avec un sens moral tordu, qui choisissait ses victimes en fonction de qu'elles prenaient ou offraient à la société, selon ses propres critères. Et la manière dont il les tuait reflétait la façon dont elles avaient blessé les autres autour d'eux. Je n'avais vu que deux publicités différentes pour ce film, et les deux étaient quasiment similaires, seule la narration et les extraits montrés changeaient légèrement.

Cependant, un soir où j'étais en train de regarder la télé, j'ai vu un spot publicitaire pour « Pièce Silencieuse » que je n'avais jamais vu auparavant, que j'ai trouvé absolument glaçant. Il commençait avec le titre écrit en blanc sur fond noir, qui est resté affiché pendant environ cinq secondes. Il est ensuite passé sur un deuxième écran similaire, et le texte cette fois-ci disait « J'arrive », en plein milieu de l'écran. Le message était accompagné par plusieurs sanglots discrets. En regardant l'écran de plus près, je pouvais apercevoir environ six silhouettes sombres en arrière-plan. Il n'y avait aucun extrait dans cette publicité, ni le message habituel « Bientôt dans les salles ». J'ai trouvé ça très troublant, mais c'était probablement une technique de marketing. Réussie, je dois l'avouer. J'ai regardé quelques dessins-animés pour me calmer, puis je suis allée me coucher.

Le jour suivant, à la pause déjeuner, je suis allée manger avec ma collègue et amie Sarah. Nous avons discuté de tout et de rien, et une chose menant à une autre, j'ai fini par lui parler de la publicité bizarre que j'avais vue la veille. J'ai été choquée d'apprendre qu'elle regardait également la même chaîne à la même heure, mais la bande-annonce qu'elle avait vue n'était pas du tout celle que j'avais vue, c'était l'habituelle qui passait au début. J'ai protesté et je lui ai décrit en détails ce que j'avais vu dans la mienne, mais elle n'avait aucune idée de ce dont je parlais. Cela m'a bien sûr beaucoup perturbée, mais ne trouvant pas d'explication, j'ai fini par hausser les épaules en essayant de ne plus y penser. Après quelques jours, j'avais presque complètement oublié ce qui s'était passé, et je suis retournée à ma petite routine télé le soir.

Mais évidemment, je n'ai pas tardé à la revoir à nouveau. C'était presque la même que la dernière fois, seulement cette fois-ci, tout semblait plus intense. Les lamentations et les sanglots étaient plus forts, et les silhouettes en arrière-plan beaucoup plus visibles. Mon cœur s'est emballé. J'ai pris mon téléphone et j'ai appelé Sarah, lui demandant si elle voyait ce que j'étais en train de voir. Mais elle a répondu par la négative et a rapidement raccroché, en me disant qu'elle était trop occupée avec ses enfants pour discuter.

Je n'ai pas protesté, toujours sous le choc de cette étrange bande-annonce que je semblais être la seule à voir. Mes pensées tourbillonnaient dans ma tête, et j'ai commencé à douter de ce que je voyais et j'entendais. Avant de sombrer davantage dans la panique, je me suis levée et je suis allée me préparer quelque chose à manger. J'ai de nouveau regardé des dessins-animés, ce qui ne m'a pas beaucoup aidée cette fois, puis je suis allée me coucher.

Je m'attendais à devoir me retourner dans tous les sens avant de trouver le sommeil, mais étrangement, j'ai très vite sombré dans l'inconscience.

Au milieu de la nuit, je me suis brutalement réveillée. J'aurais juré avoir entendu quelque chose d'étrange, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce que c'était. La publicité de « Pièce Silencieuse » m'est presque immédiatement revenue en mémoire, et la peur qui l'accompagnait m'a submergée. Je me suis figée dans le lit, le cœur battant à tout rompre, et j'ai essayé de localiser le bruit, même si une petite voix au fond de mon esprit me disait que c'était sûrement mon imagination. On aurait dit des pleurs et des lamentations intenses, exactement les mêmes que celles que j'avais entendues à la télé.

La peur qui me serrait la poitrine s'est transformée en panique, et j'ai tiré le drap par-dessus ma tête, dans une vaine tentative d'étouffer les bruits, mais ils n'ont fait qu'empirer. Le désespoir de ces êtres envahissait mon esprit, m'assourdissait. Alors que j'essayais de toutes mes forces de bloquer ces horribles voix, j'ai aperçu une ombre traverser mon drap, mais j'étais trop terrifiée pour le retirer et vérifier si c'était simplement un oiseau ou autre passant devant ma fenêtre, ou quelque chose de bien plus sinistre tapi dans ma chambre.

J'avais l'impression d'être une enfant terrifiée par le monstre dans son placard ou sous son lit, et cette impression s'est brusquement intensifiée lorsque j'ai senti quelque chose de glacé toucher mes orteils sous le drap. Tremblante de terreur, des larmes coulant sur mes joues, je me suis mise en position fœtale et j'ai prié de toutes mes forces.

Mais mes prières étaient inutiles, car quelques instants plus tard, mon drap a violemment été arraché, et j'ai pu voir ce qui rôdait dans ma chambre.

Une silhouette noire, grande, se tenait à côté de mon lit. Il n'y avait pas d'oreilles, ni de nez, ni d'yeux sur sa tête. Son seul trait était une énorme bouche étirée en un sourire sinistre. Le besoin de hurler a inondé mes poumons, mais aucun son ne s'est échappé de ma bouche tremblante. Et plus ma terreur grandissait, plus le sourire de la créature s'élargissait. Elle semblait se nourrir de ma peur intarissable, jusqu'à ce qu'elle en ait assez et me transperce le cœur de sa griffe acérée.

J'ai réussi à apercevoir une dernière fois la chose, pleinement satisfaite et repue, avant que je ne sombre dans les ténèbres.

Quand je me suis réveillée, j'étais sur le sol. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé, mais il faisait toujours très noir à l'extérieur. Me souvenant brusquement de ce qui s'était passé, j'ai saisi ma poitrine, là où la créature m'avait attaquée. Il n'y avait ni sang ni blessure.

Normalement, j'aurais poussé un énorme soupir de soulagement en réalisant que ce n'était qu'un cauchemar et que j'étais simplement tombée du lit, mais tout ce que je pouvais ressentir était de la peur et une intense tristesse. Le même genre de tristesse que vous ressentez au moment où vous découvrez qu'un être cher est décédé.

Je me suis relevée tant bien que mal et j'ai trébuché jusqu'à l'interrupteur pour allumer. Mais j'avais beau tâtonner dans le noir, je ne le trouvais pas. La seule lueur dans la pièce était celle de la fenêtre. En me tournant vers elle pour l'inspecter, j'ai violemment sursauté. Elle était beaucoup plus grande, et semblait anormale. En m'approchant pour l'examiner, j'ai remarqué ce qui ressemblait à des lettres écrites sur le verre. On aurait dit le reflet d'un message sur un miroir. Je me suis concentrée pour le lire.

J – ' – a – r – r – i – v – e.

« J'arrive. »

Mes jambes se sont dérobées sous moi, et une terreur indescriptible m'a envahie lorsque j'ai réalisé ce qui s'était passé. Alors que mes yeux s'adaptaient à l'obscurité, j'ai remarqué les six silhouettes qui m'entouraient, pleurant hystériquement. La tristesse que je ressentais depuis que j'avais repris conscience s'est amplifiée, amplifiée... jusqu'à ce que je commence moi aussi à pleurer de manière incontrôlable.

La lumière émanant de la fenêtre était le seul réconfort dans cet horrible endroit, je me suis donc traînée jusqu'à elle pour que je puisse regarder à l'extérieur. La seule chose que j'ai pu voir était mon amie Sarah, assise sur le canapé, nous regardant.

Chair de poule 2 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant