Je n'aime personne. Je ne me suis jamais demandée pourquoi. Car au final, quelle importance ? Vous me direz peut-être que je suis anormale, ou que j'ai trop souffert. Ne vous fatiguez pas, j'assume parfaitement d'être ainsi, et si vous étiez à ma place vous seriez tout autant à l'aise.La politesse, les faux semblants, les sourires forcés me fatiguent et m'écœurent. Les rires des enfants m'insupportent au plus haut point et je rêve juste de leur coudre la bouche à tous ces braillards. Et ne parlons même pas des chats et des chiens qui envahissent ma pelouse et auxquels je décoche des billes de plomb avec un lance-pierre, depuis ma fenêtre.
L'autre jour, j'ai même réussi à en tuer un en lui flanquant une bille directement dans l'oreille. Le son mélodieux des pleurs de son petit maître est parvenu à mon oreille quelques minutes plus tard. Celui là au moins ne viendrait plus m'emmerder. Du moins c'était ce que je croyais.
Le lendemain du jour où j'ai buté ce sale cabot, un couple est venu frapper à ma porte : les parents du petit. J'ai d'abord feint de ne pas les entendre mais ils ont continué à tambouriner à ma porte comme des idiots. Comme je ne répondais toujours pas, ils ont commencé à me traiter de tous les noms. Je me suis assise derrière la porte, me délectant de chaque injure qui révélait ainsi leur vraie nature.
Ils ont fini par renoncer et ont tourné les talons, pour ne plus jamais revenir. Mais c'était sans compter leur affreux marmot qui s'est mis en tête de se venger. Étrangement, celui-là m'a vraiment impressionnée.
Vous voulez savoir pourquoi n'est-ce pas ? Votre côté sombre veut savoir, vous en mourrez d'envie, je le sens, je le sais. Je vais satisfaire votre curiosité.
Je travaillais tard ce soir là, collée à mon ordinateur pour surveiller à distance les magasins dont j'étais la gardienne virtuelle. J'avais déjà signalé quatre voleurs à la police. La soirée s'annonçait monotone comme toujours car aucun de ces pitoyables voleurs à l'étalage n'était assez futé pour échapper à mon œil expert.
Je gagnais bien ma vie, mais je m'ennuyais depuis que j'avais été licenciée de l'asile où je travaillais pour avoir oublié de donner ses médicaments à Calvin; un type réputé dangereux. Enfin, quand je dis « oublier », c'est la version officielle que je leur ai fournie, et ces imbéciles m'ont crue.
L'expérience n'avait pas été dénuée d'intérêt cependant. Calvin avait au final déchiqueté la gorge d'un autre patient avec ses dents, car celui-ci faisait trop de bruit en mangeant.
Le spectacle de tous mes collègues affolés tentant de retirer cet homme agrippé au cou de sa victime m'avait donné le sentiment qu'enfin le monde tournait rond.
Bref, alors que je scrutais mon écran à la recherche de ces voleurs de pacotille, j'ai entendu un bruit de verre brisé au rez-de-chaussée. J'ai d'abord cru que c'était un cambrioleur et j'ai saisi le pistolet qui se trouvait dans le tiroir du bureau. Je suis descendue en évitant de trop faire craquer les marches et me suis mise à la recherche de cet intrus. À ma grande surprise, il n'y avait personne dans la maison. La brise agitait le rideau à travers la fenêtre brisée et une grosse pierre était venue finir sa course sur le tapis de la salle à manger.
Mais alors que je m'apprêtais à descendre à la cave chercher des planches pour calfeutrer la fenêtre, j'ai dévalé les escaliers, poussée par deux petites mains. J'ai perdu connaissance en heurtant le chauffe-eau et me suis réveillée attachée.
Le gamin avait réussi à faire distraction et m'avait balancée dans les escaliers sans hésitation, j'étais impressionnée. Malgré l'audace dont il avait fait preuve en s'introduisant chez moi en pleine nuit, il semblait encore hésitant. Assis sur le rebord d'une marche, il m'a regardé sans mot dire pendant un long moment.
« Alors petit, que comptes-tu faire maintenant ? J'ai tué ton abruti de chien et tu as bien failli me tuer en me poussant dans l'escalier, que veux-tu de plus ? »
Il ne m'a pas répondu. Je l'ai regardé tordre ses doigts nerveusement pendant au moins une bonne heure, puis il s'est levé. Lentement, d'un pas peu assuré, il est remonté à l'étage. J'ai entendu les bruits familiers de la cuisine : le réfrigérateur qu'on ouvre, la chaise qu'on tire et le grattement d'un couteau. Il mangeait ? Sa froideur soudaine face à une telle situation a mis mon cerveau en ébullition.
Cet enfant n'était plus le même que celui qui avait pleuré sur le cadavre de son chien l'autre jour. Il avait évolué et j'ai attendu avec impatience qu'il redescende me voir. Il ne s'est pas trop fait attendre et son petit visage poupin s'est dessiné dans la lumière pâle et sale de la cave. Il devait avoir 12 ans tout au plus. Brun, des yeux clairs et l'allure d'un enfant de chœur. On lui aurait donné le bon Dieu sans confession. Mais son regard me transperçait tant il était empli d'une soudaine envie de vengeance.
« Admirable, » j'ai pensé.
Il a sorti le pistolet de derrière son dos et, d'une main tremblotante sous le poids de l'arme, l'a soulevé en direction de ma tête.
« Vas-y, tire, gamin. Ce ne serait que justice après tout. Pourquoi tu hésites ? »
« Pourquoi vous avez tué mon chien ? À cause de vous tout a recommencé ! »
Sa voix tremblait.
« Tu ne pleurais donc pas pour ton chien, l'autre jour, je me trompe ? »
« Fermez-la ou je tire ! »
« Tu peux, mais dans ce cas je ne pourrai plus t'aider. »
« M'aider ? Mais qui vous dit que j'ai besoin de vous ? »
« Toi. »
Une larme s'est mise à couler sur sa joue, et il a baissé son arme, la laissant choir au sol dans un petit nuage de poussière. J'étais toujours ligotée et je commençais à sentir mes jambes s'engourdir. Je lui ai demandé de me détacher et, à mon grand étonnement, il l'a fait. D'un geste rapide, je l'ai saisi par la gorge puis je l'ai soulevé, laissant ses petits pieds s'agiter dans les airs, jusqu'à ce qu'il perde connaissance. À son réveil il a cligné des yeux puis m'a regardée, l'air soudain effrayé.
« Première leçon gamin, ne pas avoir la moindre compassion. »
Il caressait son cou endolori, attentif à ce que je lui disais. J'en ai profité pour le faire parler. Non pas que sa petite vie minable m'intéressait, mais son secret attisait ma curiosité. Ce que j'ai découvert m'a conforté dans l'opinion que j'avais de l'humanité, effroyablement cruelle et sans aucune retenue.
Il m'a expliqué que ses parents lui avaient offert ce chien pour ne pas avoir à jouer avec lui et qu'ils l'avaient menacé de représailles s'il le perdait.
Ils se montraient prompts à le battre pour n'importe quelle raison. Mais le petit se servait du chien comme excuse pour sortir souvent de la maison et avait esquivé bon nombre de corrections depuis son arrivée dans la famille.
Le jour où il avait ramené le cadavre du chien, ses parents l'avaient battu si durement qu'il avait fini par s'enfuir et se cacher jusqu'à la nuit tombée. Nuit durant laquelle il s'était introduit chez moi.
« On fait quoi maintenant ? » il m'a demandé, insistant.
« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant, tu veux dire ? »
« Vous aviez dit pouvoir m'aider, mais vous me laissez me débrouiller seul finalement ? C'est de votre faute si tout ça est arrivé ! »
Je l'ai attrapé par le col et lui ai collé le pistolet sur la tempe.
« Tu as peur ? Deuxième leçon, ne pas avoir peur de faire ce qui doit être fait. »
Je l'ai relâché puis je lui ai donné le pistolet. Il est sorti au petit matin, l'arme cachée sous sa petite veste. Je ne l'ai plus revu. Mais le soir même, en allumant ma télévision, il y avait un flash info que je n'oublierai jamais.
Un couple avait été abattu chez lui et le gamin avait été emmené à l'hôpital suite au choc psychologique, mais ne présentait aucune blessure.
« Aucune blessure », les mots me font encore sourire aujourd'hui. Oui cet enfant est définitivement très impressionnant.
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Chair de poule 2 [Terminé]
HorreurJe vous présente chair de poule 2, la suite de chair de poule 1, un recueil de creepypastas, confectionné avec amour et passion. Prenez le risque de vous aventurer dans ce second recueil qui j'espère vous fera autant frissonner que le premier. Le...