Sous les ombres

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Dernier jour d'examens de fin d'année. Mars. IPL

  Dans la salle lumineuse, une vingtaine de bureaux étaient alignés. Chaque bureau disposait d'un pupitre, sur lesquels étaient disposés des encriers. Le bruit des pointes de plumes, glissant sur le papier, résonnait légèrement sur le plafond. L'acoustique n'était pas feutrée, mais ne laisse entrer presque aucun son de l'extérieur. Des garçons et des filles aux uniformes tirés à quatre épingles grattaient leurs pages avec un entrain non dissimulé pour certains. D'autres baillaient aux corneilles, semblant chercher dans un angle de la pièce, ou sur l'arête d'une plinthe, les réponses qui auraient du se trouver dans leur mémoire. Pour les costumes, deux pièces bleu roi et cravate blanche pour les garçons, robe blanche et une ceinture bleu roi pour les filles : tous répondaient au même cahier des charges. Leur écusson était reconnaissable entre tous : un glaive, une plume, une torche. C'était l'accoutrement des élèves de l'Institut des Porteurs de Lumière, ou l'IPL pour les initiés.

  L'IPL, c'était l'école la plus réputée du Royaume de Frantz, et sa seule école militaire, possédant plusieurs antennes dans tout le territoire. Face aux élèves se trouvait une estrade où un bureau rectangle, d'aspect massif. De couleur noire, l'écusson y était dessiné en feuilles d'or sur ses quatre faces fermées. Les pieds, majestueusement sculptés brillaient d'un vernis irréprochable. Le contraste entre le noir du bureau et le blanc de la pièce saisissait le regard, si bien qu'il ne pouvait être qu'attiré par cet espace précis. Et cela tombait bien, puisque c'était justement là que se tenait généralement l'orateur ou l'oratrice de la classe. Mis à part ce surprenant mobilier, la pièce se révélait totalement épurée. Seules les vitres arboraient encore l'écusson de l'établissement. Le fauteuil était très confortable, mais Raphaël préférait largement circuler dans les rangs.

  Ses yeux observaient les faits et gestes des élèves, et il s'attardaient parfois sur un ou une d'entre ces derniers, leur indiquant du regard de se remettre au travail. D'apparence juvénile, il possédait un corps ni élancé, ni trapu. Ses vêtements contrastaient avec ceux de ses élèves, semblant très usés. Sa chevelures négligée, hésitait visiblement à choisir entre rester ondulés ou frisés. Une ride de fatigue commençait à apparaître au milieu de son front, et ses yeux aux pupilles gris-bleu avaient cette lueur qui émane des personnes d'expérience. Pourtant, ses joues un peu rondes lui donnaient un air de très jeune adulte.

  L'homme consultait de temps à autres une montre à gousset d'or, marquée du sceau de l'Institut. Cet outil faisait partie du matériel fourni aux personnels enseignants de l'établissement Aeternien. Un ultime coup d'œil déclencha le processus habituel : il se leva une dernière fois, balaya la classe d'un regard amusé, et se déplaça jusqu'à la fenêtre la plus proche. Il pencha alors légèrement la tête, et leva la main, index tendu vers son oreille droite, comme s'il cherchait à entendre quelque chose. Et le bruit ne tarda pas à se faire entendre : un doux son de carillon retentit, étouffé par le double-vitrage, bientôt suivi par le son beaucoup plus profond et grave d'un bourdon.

  Se tournant vers ses élèves et souriant, il écarta alors les bras, comme pour exprimer ses regrets aux élèves, qui posèrent alors leurs plumes en soupirant. Certains s'échangèrent quelques regards, tantôt enthousiastes, tantôt dubitatifs, voire résignés. L'heure était arrivée.

- Faites passer vos pages et n'oubliez pas de bien ranger votre bureau. Si vous avez des questions qui ne concernent pas ce test, j'ai quelques minutes à vous accorder.

  Les élèves s'exécutèrent et saluèrent, tous debout à côté de leur bureau. Puis ils rompirent leur formation, rangèrent leurs affaires et quittèrent la pièce pour rejoindre leurs quartiers de fin de journée. La plupart d'entre eux étaient pensionnaires de l'établissement, mais une poignée vivait non loin, dans la capitale, et chacun retrouvait sa famille le soir. Le professeur resta quelques minutes dans la salle, le temps de s'assurer que personne n'ait besoin de lui. Il rassembla alors ses effets et rangea les copies dans une pochette rigide. Jettant un ultime regard à la salle impeccable, il la quitta en fermant la porte à clé. Dans le couloir, quelques élèves retardataires marchaient vers les escaliers, pour rejoindre le bâtiment à vivre de l'Institut. Le professeur Maistre leur ordonna joyeusement de ne pas traîner dans les couloirs.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 01, 2021 ⏰

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