La fin de ce qui précède - la fin de l'innocence

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- Alors, que décidez-vous ?

  Il haussa les épaules, bougon, avec dans le regard l'air encore atteint par la scène du matin.

- Comme s'il me restait le moindre choix. Ils ont brulé les quartiers de la Pègre et ma piaule doit être un tas de cendres à l'heure qu'il est. Bon, ce n'est pas comme si j'allais la regretter, d'accord.

  Maxima le dévisagea.

- Votre secret était vraiment bien gardé, tout de même. Je suis d'autant plus admirative. Vous pouvez être sûr qu'Eisenach gardera en vie votre frère.

- Ouais. Il n'y a aucun moyen de le récupérer ?

- Aucun qui soit en mon pouvoir. Ici, c'est Forset. Je n'ai pas le bras assez long pour agir à ma guise jusque dans le Palais du Gouverneur.

- Hm, je m'en doutais un peu.

  Il n'y avait rien à perdre à demander, mais il était fixé et devait se faire une raison . Vidal allait devoir jouer la comédie auprès des forstiens pour sauver sa peau, comme ils l'avaient tous les deux convenus dans le cas où un jour comme celui-ci arrivait. Son propre frère. Un pincement au cœur le saisit : ils avaient toujours vécu ensemble, mais il lui fallait désormais l'abandonner. Il se fit intérieurement la promesse de ne pas l'oublier, de lui offrir la chance de se libérer un jour. En tout cas, il continuerait d'espérer que la vie lui en laisse la chance.

- Je suis désolée.

  Sans attendre de réponse, elle le laissa et s'en alla recevoir des informations, donner des ordres, le laissant à ses réflexions. La fuite de Léonie était en pleine préparation.

  Quelques heures passèrent encore, pendant lesquelles les Ombres de Maxima s'éveillèrent l'un après l'autre, encore un peu vaporeux. Avec les antidotes fournis par le Trait de Sang, les effets de coma se dissipèrent, ne laissant qu'une vague impression de nausée. On leur conseilla de boire beaucoup d'eau pour favoriser l'évacuation des dernières toxines. Raphaël, pendant ce temps, fit l'inventaire de ses maigres effets. Tout ce qui lui restait avait probablement été détruit par combustion. Il voyagerait léger, mais trouver certains ingrédients utiles à ses solutions se révélerait probablement difficile. C'était presque comme repartir de zéro.

  La nouvelle tomba en début de soirée, alors que tout le monde était prêt. Des voix s'élevèrent un peu plus fortement qu'aux autres moments de la journée.

- Qui nous a vendus ?

- C'est juste le genre de choses auxquelles il faut s'attendre quand on travaille sur un sujet si sensible, et à l'étranger.

- Et du coup, on fait quoi ?

- Le plan reste inchangé. S'ils pensent pouvoir nous retenir ici, ils se trompent. J'ai une totale confiance en les talents de notre nouvel allié.

- Un allié ?

- Un allié.

  Maxima avait confirmé d'un ton cassant.

- Ecoutez-moi bien, une fois qu'on sera sortis de ce foutu guêpier, j'active ma Belle Mort. J'en ai plus qu'assez de jouer ma vie pour une cause perdue.

  Un long silence plâna.

- C'est entendu, Bearitsa. Bien, écoutez-moi tous. On va passer par les toits.

  L'exaspération des troupes était palpable. Leur moral était fortement affecté parla mise en scène macabre du gouverneur Eisenach. La décision logique de Maxima ne fut pas contestée, mais elle ne fut pas non plus accueillie avec enthousiasme. Heureusement, le terrain de Léonie se prêtait très bien au jeu de saltimbanque urbain : le resserrement de la ville entre les rives de deux cours d'eau avait poussé les architectes à rechercher la hauteur et la densité du bâti. Seulement, de nuit, la visibilité serait plus faible, et le risque de faute plus élevé.

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