Nos Interdits #1 L'étincelle (Sous contrat d'édition)

Chapitre 1

ANNA

Ce matin-là, il fait entièrement jour lorsqu'une musique criarde provenant du rez-de-chaussée m'extirpe de mon sommeil. Après de longs étirements, je me résous finalement à sortir du lit et cours ouvrir le store de mon velux, derrière lequel je découvre un soleil radiant. C'est tout ce qu'il faut pour me redonner le sourire. En vitesse, j'enfile une robe de chambre, passe quelques doigts dans ma crinière blonde et descends à grandes enjambées jusqu'à la cuisine. Là, au beau milieu de la pièce, je découvre ma mère, un torchon sur l'épaule et une poêle à la main. Son corps entier se trémousse sur le rythme d'une chanson populaire que diffuse notre petite radio. Discrètement, je me faufile derrière elle pour la prendre dans mes bras et elle sursaute.

– Anna, bon sang ! Tu m'as fait peur !

Sans se départir de son sourire, elle m'enlace de son bras libre et m'embrasse le front affectueusement. Elle irradie la pièce de sa présence. Ses cheveux sont relevés dans une queue de cheval, comme la plupart du temps et elle est encore en pyjama, la joue droite couverte de farine.

– Oh et j'oubliais... Dit-elle en baissant le volume. Joyeux anniversaire !

Je lui rends son clin d'œil et fait une petite danse sur place pour lui montrer que je suis ravie d'avoir enfin passé le cap des dix-neuf ans. C'est un pas de plus vers l'indépendance et la majorité américaine, youpla !

– Bon alors, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? J'ai posé mon après-midi exprès pour qu'on se fasse un truc entre filles, ça te dit ? On pourrait aller se promener, il va faire beau tout l'après-midi. Sinon y'a toujours le ciné... Ah oui, et il y avait aussi cette nouvelle exposition dans le centre qui m'intéressait...

– Hum...

Distraite par l'odeur émanant de sa poêle, je jette un coup d'œil pardessus son épaule et découvre ce qui ressemble fortement à une crêpe...

– Tu sais quoi ? Dis-je en essayant de la lui arracher des mains. Jep ensais plutôt rester ici aujourd'hui. On peut très bien garder nos pyjamas et se regarder des films dans le salon ! Tant qu'il y a des crêpes à manger toute la journée, ça me va !

Elle fait une petite moue dubitative avant de m'éloigner des plaques de cuisson d'un coup de hanche.

– Hin hin... Attends, j'ai un comme trou de mémoire Anna... Rappelle-moi, tu as quel âge aujourd'hui ? Cinq, huit, dix ans... ?

– Hilarant ! En tout cas, j'suis assez grande pour faire ça...

Cette fois, c'est moi qui la pousse gentiment et lui vole sa crêpe en mettant directement les mains dans la poêle. Je la mange sans me faire prier, ignorant la légère brûlure que cela me procure sur la langue et insiste aussitôt pour qu'elle en refasse. Face à mon entêtement, mais surtout parce que ce jour fait de moi l'autorité suprême dans la maison, elle renonce à ses plans et nous monte des plateaux remplis de victuailles jusqu'à ma chambre où nous déjeunons et papotons pour le reste de la matinée.