Chapitre 4

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Lorsque je me réveille, il pleut des cordes et ça résonne dans toute la maison. En ouvrant un œil après l'autre, je découvre Allison, allongée en étoile de mer sur mon lit, ronflant la bouche ouverte et m'écrasant de son bras gauche. Sa chevelure châtain est étendue sur les deux oreillers et la couette est entremêlée à ses longues jambes. Je suis sur l'extrême bord du lit, prête à dégringoler. Avant qu'elle ne puisse me mettre un énième coup de poing, je me hisse et sors de là. En passant devant le miroir de ma chambre, j'aperçois non seulement l'état dans lequel sont mes cheveux mais également mon visage, cerné et blême.

Les souvenirs de la veille affluent par centaines et je frissonne en me remémorant toutes les règles que j'ai brisées en fin de soirée.Ne jamais monter dans une voiture avec un inconnu. Ne jamais inviter un inconnu chez soi. Ne jamais accepter le rendez-vous d'un inconnu.

Je me demande si à dix-neuf ans cela est toujours d'actualité... C'est bien le cap des dix-neuf ans que j'ai passé hier. Et pourtant, j'ai l'impression d'être Phil dans Un Jour Sans Fin et de revivre continuellement la même chose. Jour après jour. La marmotte en moins...

Je farfouille dans les tiroirs de ma commode à la recherche d'un pull et d'un jogging sans me méfier du bruit que je fais. Outre maman et Allie qui m'ont déjà vue en sous-vêtements, je ne supporte pas d'étaler mon corps à la vision de tous, y compris dans ma propre maison. Une fois ma tenue trouvée, j'attrape un élastique et me fais une sorte de chignon dont certaines mèches me tombent dans la nuque. Avec précaution, je m'extirpe de la chambre et descends les escaliers jusqu'à la cuisine. En bas, les rideaux sont ouverts et laissent entrer le jour. L'horloge digitale du four affiche midi.Maman est donc déjà partie. J'aperçois son mot posé soigneusement dans mon bol, comme elle a l'habitude de le faire tous les matins.


Partie au travail.

Onf ête mieux que ça ton anniversaire ce soir entre nous !

Bisous à ma grande fille chérie et bisous à la ronfleuse qui m'a réveillée ce matin :)


J'enfile ses chaussons qui traînent près de la table à manger et laisse échapper un bâillement de ma bouche. En me repensant à hier, je ris toute seule comme une débile. J'ai l'impression d'être toujours plus vulnérable en soirée. On pourrait me promettre la lune que j'y croirais...

Pour sûr, si tout cela était arrivé en pleine journée, je n'aurais jamais accepté qu'un inconnu prétentieux nous raccompagne et rentre jusque dans ma maison.

Ah, Anna... Tu as encore des progrès à faire de ce côté-là...

Au bout de deux heures, après avoir déjeuné et m'être mise devant la télévision, j'entends les lourds pas d'Allison se précipiter au rez-de-chaussée.

–Anna ?

–Salon !

En tournant la tête j'aperçois ma meilleure amie, la mine fatiguée et boudeuse courir jusqu'à moi. Elle se jette sur le canapé et se blottit contre mon corps. Son mascara a coulé sur toute la longueur de ses joues.

–Anna... Plus jamais. Je ne bois plus jamais. C'est fini.

Il en faudra plus pour me convaincre...

– Je t'assure, ce mal de crâne ne vaut pas la vodka que j'ai ingurgitée hier.

– Tu te souviens de tout ?

Nos Interdits #1 L'étincelle (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant