Partie 1 : L'Arche - Chapitre 1

18 6 5
                                    


— Isis ! Sale voleuse !

Accompagnée d'un rire cristallin, la jeune fille sauta du mât, se jetant dans les cordages du shyrla voisin. Ce vieux lourdaud de Tyk ne pourrait pas la suivre. Ses mains d'ébène s'agrippèrent à l'argent tissé tandis que ses pieds nus se mirent à dévaler les fils jusqu'à atteindre le plancher. Elle courut à travers les embarcations de l'Arche, son sac voletant sur son dos nu.

Isis effectua un virage serré pour éviter une cargaison sur une charrette, manquant renverser la femme qui la poussait.

— Attrapez-la ! hurla la voix de Tyk.

Crasik ! Elle fonça à vive allure vers l'extrémité de l'Arche, à travers les habitations. Les occupants des lieux lui adressèrent des regards outrés : elle sautait sur des barques privées pour se rendre au radeau qui appartenait à sa famille. La règle était de circuler sur les voies publiques, mais Isis n'avait pas le temps de faire de détour. Son poursuivant lui collait aux basques.

Une barque était en train de se décoller de l'Arche, sans doute un pêcheur. Isis bondit et atterrit douloureusement sur l'embarcation métallique. Tout à sa manœuvre, le Ventien ne pourrait pas s'occuper d'elle tant que sa barque n'aurait pas été extirpée de l'Arche. Isis entendit les hurlements rageurs de Tyk resté sur le bord.

— Tu ne perds rien pour attendre ! Ton père va m'entendre !

Isis trouva cette dernière boutade très amusante et secoua sa crinière de cheveux frisés dans le vent. Elle doutait fort que Tyk réussisse à parler à son géniteur un jour alors que sa propre fille n'y parvenait pas. Son père n'était pas rentré depuis plus de trois mois, pire qu'un courant d'air. Isis et sa mère étaient obligées de se débrouiller seules. La jeune fille ouvrit doucement son baluchon pour en sortir quelques algues qu'elle se mit à mâcher. La faim qui lui vrillait l'estomac se calma un peu et elle referma les pans de tissu, juste à temps.

— Sors de là ! hurla le pêcheur qui avait terminé sa manœuvre.

Isis emporta son butin et courut sur les radeaux d'extrémité. Cantonnée au rang le plus bas de la société, sa mère et elle vivait dans le lieu le plus dangereux de l'Arche toujours en mouvement. Les plus gros bateaux et navires se fixaient au centre, les petites barques s'éparpillaient autour et les radeaux essuyaient toutes les vagues et les intempéries.

Isis se réceptionna sur le radeau de sa famille. Elle poussa le rideau de toile de la tente centrale et déposa ses victuailles au centre de la table. Sa mère lui adressa un regard désapprobateur mais quitta son ouvrage de couture pour empoigner ce qu'elle avait pu récupérer. Pearl était bien consciente que c'était le seul moyen, même si elle réprouvait la méthode.

— Ton père est passé.

Isis se rembrunit aussitôt. Son paternel n'avait de nom que sa fonction biologique. Tel un courant d'air il ne venait que lorsqu'il était à sec, ce qui augurait toujours des problèmes à venir.

— Il est déjà reparti, poursuivit sa mère.

Partagée entre soulagement et déception de n'être même pas assez importante pour qu'il prenne la peine de l'attendre, Isis haussa les épaules et fit une moue boudeuse. Elle s'assit sur l'unique lit et reprit l'ouvrage de sa mère tandis que cette dernière s'occupait de raviver leur petite braise.

— Il t'a laissé un cadeau, finit Pearl en désignant un paquet de la tête.

Piquée par la curiosité, Isis s'empara de la petite bourse de toile. Cela faisait bien des années que son père ne lui avait pas offert quelque chose. A partir du moment où Isis n'avait plus cru aux histoires fabuleuses des coquillages qu'il lui ramenait, le charme s'était rompu. Un bracelet de cuivre tomba dans sa paume, suivi d'une petite note. Isis tint le bijou de deux doigts, remarquant qu'il représentait un serpent se mordant la queue.

 Isis tint le bijou de deux doigts, remarquant qu'il représentait un serpent se mordant la queue

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Isis grimaça, sentant le poids des responsabilités peser un peu plus sur ses épaules. Elle mit cependant le bracelet. Même si ce n'était qu'un grigri, l'enjeu était trop important pour négliger n'importe quel avantage.

La Plume d'IsisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant