Au bord d'une falaise et de la mer, trois maisons sont dressées.
C'est une résidence de vacances où se dirigent chaque année un groupe différent de touristes. Le temps d'un mois, ils apprennent à se connaître.
Cette année, c'est au tour de Luce, G...
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G E N E
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Même si là on ne dirait pas, c'est en fait quelqu'un de très souriant. Il a toujours un livre à la main. Évidemment, Pinterest ne sait pas m'afficher de Garçon Cheveux Noirs Mi-Longs Teint Halé Avec Un Livre À La Main.
D'ailleurs, sur ces images, mes personnages ont l'air très bronzés. C'est juste que dans mon histoire, il prennent pas mal le soleil.
EUGENE BRISTELWOOD
Ma Bucket List
Jungle-Keep Moving
Quand je remet pieds sur mon territoire d'origine, j'ai enfin l'impression que c'est terminé.
Je sors d'un avion de ligne, après un vol de douze heures. Et après un mois de tour du monde.
Ce n'est pas vraiment un tour du monde, parce que je n'ai fait que quelques pays, uniquement ceux que j'avais sélectionné. Mais de tous ceux que j'ai pu faire, c'était le pied. C'est un peu comme si j'avais coché l'intégralité de ma bucket list en à peine un mois.
Du coup, comme j'ai autant vu et vécu, ça fait étrange de retourner dans ce petit aéroport où tout a commencé. Maintenant que j'ai tout fait, tout me paraît plus petit, moins mouvementé.
Enfin mon frère, qui m'attend au bout du terminal, lui, est toujours plus grand.
— Gène ! Il était temps, me dit-il avec un grand sourire.
Il est plus grand, plus souriant, plus charismatique. Mais assez sympa que j'en oublie de le jalouser.
— Papa nous attend dans la voiture, prêt à partir. Maman aussi. J'ai beaucoup de choses à te montrer.
Je lui souris, parce que je sais que ça promet. Elio et moi travaillons souvent ensemble. Si je ne suis pas à l'autre bout de la planète, nous sommes assis à son bureau. On étudie des courbes et on crée nos théorèmes.
— J'ai découvert pas mal de choses, m'annonce-t-il. Mais d'abord, tu vas tout me raconter. Après, mes théories.
On est comme ça, complètement dévorés. La plus part du temps, on parle de sciences. Ca envahissait chacunes de nos conversations sans trop qu'on s'en rende compte. Mais là, avec sa démarche rapide, Elio n'a pas l'air de vouloir s'y attarder. Il est juste pressé de m'entendre parler.
— J'ai pas mal de choses qui me viennent à l'esprit, là. Bon dieu, ralentis. J'ai du mal à suivre !
Il a diminué la cadence, son regard plongé dans le mien.
— Le vol m'a fatigué, j'ai dit pour me justifier.
Elio a souri.
— Ca y est, tu te lasse des voyages ?
Je secoue la tête alors qu'on sort du terminal, pour s'enfoncer dans la chaleur de ma région. Il fait humide, il fait chaud. Mais j'ai vu pire.
— Nah, surtout pas. J'aurais aimé avoir plus de souhaits, pour les pays. Presque décoller maintenant, même.
On se sourit tous les deux.
— Évidemment que tu pourrais re-partir de suite.
Petite chose me concernant : si mon esprit n'est pas occupé, il faut au moins que mon corps bouge. Il faut qu'il se passe quelque chose, tout le temps.
Et ce quelque chose, j'aime bien le provoquer.
— Oui, mais là, j'ai envie de vous retrouver, avec papa et maman. C'était cool d'être seul, cela dit.
Alors qu'on arrive vers la voiture de mon père, nous sommes déjà en train de parler de ce qui a bien pu m'arriver, pendant ce mois en solitaire. Je lui parle des marchés au bord de falaises, et des plantes que je me suis retrouvé à manger par défi.
Il me presse pour que j'aille m'asseoir à l'arrière, pour qu'il se charge de ma valise. Son sourire n'a pas quitté son visage, le mien non plus.
Quand j'ouvre la portière pour poser mon sac, tout n'est plus que cris et joie. Il y a ma mère qui sort directement pour m'enlacer dehors, et mon père qui la rejoint.
— Il n'a pas tant grandi, finalement !
— On m'a toujours dit qu'un tour du monde, ça fait grandir.
— Pas comme ça, chéri, pas comme ça.
— Je sais, je le taquine.
Ils m'invitent à m'asseoir, et je n'arrive pas à taire mon sourire.
La voiture a cette odeur particulière, celle de mon père. Il démarre la voiture dès qu'il entend Elio claquer sa portière. Nous sortons du parking et nous éloignons du terminal. Dans l'habitacle, les questions fusent, les rires aussi. Je ne me tais que quand je vois qu'on entre à nouveau dans un parking. Dans un autre terminal.
Ma mère se retourne sur son siège. Elle arbore un sourire grand comme le monde.
— On repart aussitôt, Gène. Surprise !
Je la regarde, un peu perdu. Mon père me sourit, lui aussi, dans le rétroviseur.
Ils me tendent une pochette fine et légère et maintiennent le silence.
Dedans, il y a des brochures d'une agence de voyage, et des images. Il y a une maison à la mer et des tours en bateau. Une résidence et des gens à rencontrer, le temps d'un mois. Encore un.
— Ca, c'est un truc que j'ai toujours rêvé de faire, il me dit.
Il y a quelque chose dans ma bucket-list. Vers la ligne 8 : « réaliser le rêve de quelqu'un d'autre ».
Elio, c'est mon frère. Et si ce n'était pas mon frère, ce serait mon meilleur ami. Alors évidemment que je suis partant.
Je passe ma tête entre les deux sièges avant, tout sourire.
— Et donc c'est le meilleur été qu'il m'a été donné de passer !
Ma mère craque et se met à rire.
— Ce n'est trop pas fatiguant pour toi ?
Je secoue la tête, trop heureux pour lui donner raison. Elle se tortille pour planter un baiser sur mon front. Et juste comme ça, on sort de la voiture, en famille. Eux, tous frais et pressés, moi avec ma valise mal pliée. Mais une détermination d'enfer, prêt à prendre un nouveau départ. Encore.