Prologue

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Prenant une grande inspiration, la jeune fille accepta l'argent avant de s'en aller discrètement. Autour d'elle, les passants circulaient sans se douter de ce qui se passait sous leurs yeux.

La russe prit soin de mettre l'argent dans sa poche intérieure, et se glissa dans la foule. C'était une belle journée, fraiche et neigeuse. Parfaite pour son petit commerce, en somme. Elle était là depuis à peine une heure, et pourtant les acheteurs affluaient. Tous venaient chercher leur dose.

Il faut dire qu'elle était facilement reconnaissable, avec sa silhouette entièrement vêtue de noir et ses longs cheveux assortis. Le corbeau, c'est comme ça qu'on la surnommait depuis qu'elle était entrée dans ce monde qui n'était pas censé être le sien.

En réalité, peu lui importait sa réputation du moment qu'on la laissait faire ses affaires.

Un autre homme se dirigea vers elle. Lui tournant le dos, elle glissa un sachet dans sa main et récupéra l'argent de l'autre. Encore un, pensa-t-elle. Ce n'était pas exactement le genre de choses qu'elle s'était imaginé faire était enfant, mais ça payait bien. Et surtout, ça lui permettait d'être libre. Car sans argent, personne n'était rien en Russie.

Les personnes en manque savaient où la trouver, elle était souvent dans le même secteur. C'était celui qui lui avait été attribué, vers le millénaire de la Russie. Cette statue imposante trônait au centre de la place, et était un abri parfait pour ce genre d'activités. Cet endroit faisait partie de ses coins favoris, car même en hiver il restait abrité ce qui n'était pas qu'un confort quand on passait la journée à faire des transactions. Elle avait l'habitude du froid, mais à la longue c'était épuisant.

Elle avait un certain stock, fourni par des gens hauts placés. Il fallait qu'elle l'écoule rapidement si elle voulait être payée, et elle savait qu'elle avait intérêt de tenir ses engagements. On ne plaisantait pas avec ces gens-là. Si elle pouvait s'estimer heureuse d'avoir des relations aussi haut-placées, on ne pouvait pas dire pour autant qu'elle avait le droit à l'erreur.

Au bout d'un certain temps, elle passe à un autre endroit et recommença son petit manège. Elle fit durer cela le reste de la journée, changeant de place régulièrement pour être certaine de ne pas se faire repérer. Elle ne vit pas un seul policier passer, bien que la plupart soient corrompus, et la plupart des clients ne s'attardaient pas après leur achat. Quand elle sentit que sa poche commençait à être bien remplie, la brune esquissa un sourire satisfait. C'était une bonne journée.

Elle si dirigea alors vers un commerce de fournitures, et donna la totalité de la somme à l'homme qui le tenait. Ce genre de personnes servaient d'intermédiaires, il y en avait un peu partout vers les secteurs d'échanges et ils étaient chargés de récupérer l'argent des livreurs. Ils s'occupaient aussi de les corriger si quelque chose semblait suspect.

Le changeur esquissa un sourire satisfait, tira quelques liasses de la pile de billets et lui tendit avec un air d'approbation. La jeune fille récupéra sa commission et repartit d'où elle venait sans rien dire de plus.

Ce genre de choses faisait partie intégrante de sa vie, et si au début elle ne savait pas trop comment se comporter aujourd'hui elle avait parfaitement assimilé sa place. Elle savait se faire respecter tout comme se faire craindre. Elle savait se faire aimer comme elle savait se faire détester.

Lorsqu'enfin le soleil se mit à décliner, elle se mit en route pour rentrer. Au fur et à mesure que le jour baissait, le type de personnes dehors changeait. On distinguait déjà quelques armes pointer leur nez en direction de la lune, masquées par les allées et venues des touristes prenant leurs dernières photos. On était en été, et même si personne ici n'était en vacances, la plupart des autres pays l'était, ce qui expliquait le nombre de personnes présentes dans la ville.

FrénésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant