Théorie

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Fermant les yeux pour se donner de la force, elle se leva, fébrile. Ses jambes tremblaient, chaque part de son être lui criait qu'elle était faible. A n'importe quel moment elle aurait pu s'effondrer, comme un pantin désarticulé.

L'homme tenta de masquer sa stupeur quand elle fut debout. Il ne l'avait pas remarqué à cause de sa position et du manque de lumière évident, mais ses os étaient saillants et bien trop visibles. Elle n'avait plus que de la peau sur les os, et encore celle-ci était tâchée de bleus et d'hématomes couvrant la plupart de son corps.

Elle n'était pas sale, mais bien abimée. Elle n'était pas plus habillée en bas que sous la camisole, et il noua sa veste autour de sa taille pour la couvrir. Quand ses doigts effleurèrent sa peau, elle s'écarta vivement et manqua tomber. Son regard, lui, n'avait pas bougé. Elle n'avait aucune expression, et c'était désarmant de se retrouver face à une âme aussi creuse.

« Désolé. Tu vas bien ? »

Elle ne répondit pas, le regard dans le vide. Il espérait vraiment qu'il n'était pas trop tard pour elle.

« Tu ne risques plus rien maintenant. Je vais te faire sortir d'ici. »

Encore une promesse. Il n'en comprenait donc pas la valeur ? Jetant un dernier coup d'œil aux rayures du plafond, elle reporta son attention sur les barreaux de sa cellule.

Elle entendait encore sa tête résonner en s'y heurtant, ses cris amplifiés par le froid du métal. Elle se revoyait subir, encore et encore.

Ses yeux se vidèrent encore davantage, son visage étant de plus en plus inexpressif.

L'homme frissonna devant son attitude. Qu'avait-elle pu subir pour être dans cet état ? Était-elle tout simplement malade, ou dérangée ? Elle avait passé deux années dans cet endroit, isolée de tous. Comment quelqu'un pouvait-il ressortir sain d'esprit après cela ?

Ne voulant pas trop la brusquer, il avança tout doucement vers la porte et la tint ouverte.

Un pas après l'autre, Yana se mit à marcher aussi. Elle pesait chaque avancée, comme si elle luttait contre une barrière invisible. Elle se sentait sale, et surtout elle se sentait maculée.

Quand elle osa enfin franchir le pas de la porte, un sentiment de mal être s'empara d'elle. Tout autour, le couloir était plongé dans la pénombre. Cette aile était un endroit oublié de tous, la porte des enfers dont on ne rentrait pas.

Telle Perséphone elle s'était vu offrir un marché, et avait accepté. Ce qui l'avait enchainée ici pour l'éternité.

Elle trainait dans les couloirs comme un fantôme. La teinte de sa peau se mêlait aux couleurs fades et délavées de l'endroit, et même l'homme à ses côtés ne parvenait pas à distinguer son corps dans l'obscurité.

Il marchait devant, ouvrant la marche tout en s'assurant qu'elle le suivait bien. Il était obligé de s'arrêter constamment, le rythme de la jeune fille étant lent et fatigué. Et encore, fatigué étant un euphémisme devant l'effort considérable qu'elle devait faire pour se déplacer.

Pourtant elle refusait qu'il ta touche, sursautant au moindre contact. Alors il se contentait de se tenir à ses côtés au cas où son corps ne pourrait supporter son poids.

« Tu n'es plus seule maintenant, c'est fini. »

Elle ne voulait pas y penser, pouvait-il seulement arrêter de parler ? Comment un cauchemar aussi puissant pouvait-il prendre fin aussi rapidement ? Impossible, elle rêvait tout simplement. Mais jamais encore un rêve n'avait été aussi agréable, alors elle laissait faire.

Ses jambes lui faisaient mal. Elle n'avait pas marché autant depuis des années, se contentant de faire les allers-retours entre sa cellule et les sanitaires. Tout son corps était courbaturé, ses yeux se fermaient d'eux-mêmes.

FrénésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant