Au fond, tu es vide. Personne ne voudra jamais de toi.
« Comment avez-vous pu l'oublier ?
- Il n'y avait aucun document à son nom, on a supposé qu'elle était morte en isolement. Ce sont des choses qui arrivent fréquemment.
- C'est invraisemblable. On ne suppose pas quand il s'agit d'une adolescente accusée d'avoir tué ses parents, vous vous rendez compte de ce que vous dites ?
- C'est comme si elle avait disparu du jour au lendemain, on ne sait pas ce qui s'est passé mais tout son dossier est introuvable. »
Ils parlaient d'elle comme si elle n'était pas là. Cela faisait maintenant deux minutes et quarante-trois secondes que les deux hommes se disputaient devant la pièce dont elle n'était pas sortie depuis des jours. L'une des voix lui était familière, mais elle savait qu'elle ne voulait pas se rappeler dans quel contexte elle la connaissait.
Recroquevillée dans un coin de la pièce en position fœtale, Yana observait le sol. Elle contemplait les moisissures s'étalant un peu partout, tels des fils désordonnés. Son corps était recouvert de bleus, son visage vide de toute expression. Le temps avait passé, et elle en portait désormais les cicatrices.
Quelqu'un se posta devant la porte, et toqua doucement. Seul le silence lui répondit. Depuis quand les gens se donnaient ils la peine de frapper avant de la malmener ? Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas entendu ce son qu'elle en avait presque oublié la consonance. Lorsque la porte s'ouvrit malgré tout, elle resta figée. Elle jeta un regard flou à celui qui venait de pénétrer dans son espace de vie, et le peu qu'elle constata la perturba autant qu'on peut perturber quelqu'un qui vit en asile.
L'homme ne portait pas de blouse blanche, et n'avait pas l'allure de ce qu'on lui envoyait habituellement. Il était en costume, et le bleu de son habit tranchait avec le gris délavé des murs sales.
Sur son visage était affiché un air amical, qu'on aurait presque pu qualifier de doux. Il mit les mains devant lui avant de se mettre à avancer vers elle, prudent.
Yana ferma les yeux. Qui pouvait-il bien être ? Elle avait cessé de demander l'identité des personnes qui venaient la voir, sa cellule étant aussi visitée qu'une gare. Peu lui importait, finalement. Ils se ressemblaient tous, en quelque sorte.
Elle aurait voulu parler, juste émettre un son, mais elle en était incapable. Ses bras étaient entravés par la même camisole qu'elle portait depuis déjà deux ans, et ses lèvres sèches étaient scellées par son mutisme.
L'homme était grand, propre sur lui, et ses yeux gris semblaient examiner chaque aspect de la pièce. Il eut une moue dégoutée quand ceux-ci s'attardèrent sur un cadavre de rongeur, dans un coin peu éclairé. Frottant de ses mains les manches de son costume comme si celles-ci avaient été contaminées par l'atmosphère, il reprit un air concentré et fixa Yana.
Ne pas le regarder. Tout irait bien, elle devait juste ignorer son regard. C'est comme ça qu'elle avait toujours fait.
« Yana ? »
Il connaissait son nom. Rares étaient ceux qui pouvaient en dire autant. Elle n'était que le corbeau, la fille aux cheveux noirs dont on ne demandait jamais la permission.
« Je m'appelle Feliks. Je suis venu te sortir d'ici. »
Aucune réaction. Il lui avait parlé, pour dire autre chose que les paroles auxquelles elle était habituée. Même s'il mentait, ça c'était évident. Le temps avait passé depuis qu'elle était là, et ça faisait longtemps qu'elle avait renoncé à l'espoir. Elle n'avait même plus souvenir de pourquoi elle était isolée. Était-ce pour quelqu'un ? Avait-elle fait quelque chose de mal ?
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Frénésie
Action"J'ai sacrifié ma joie pour ta protection. " Deux jumeaux, deux âmes torturées. Sortis de l'asile par des gens dont ils ne connaissent rien, plongés dans un monde qui n'est pas le leur, ils sont obligés de lutter contre leurs propres démons. Leurs...