Alors que Loueseni arrivait dans la salle principale de la demeure, différentes odeurs de parfum parvinrent à son nez. Elle reconnut d'abord l'odeur écœurante du crocus qui lui attaqua le nez, puis vint la douceur du lotus et, par-ci par-là, une petite touche piquante de safran faisant son apparition, rappelant la terre et le soleil qui se trouvaient dehors.
Rares étaient les occasions comme celle-ci. Son maître avait sorti le grand jeu et en passant dans la foule elle entendit qu'un des invités devait avoir une grande discussion avec ce dernier. Encore des histoires et des coalitions d'aristocrates, pense la jeune esclave. Mais elle n'y pensa bientôt plus alors qu'on la conduisait auprès d'un autre des invités importants.
— Voilà pour toi Gouverneur Kaha. Cette esclave est à toi ce soir. Elle saura te servir correctement.
Ce dîner doit vraiment être important, pensa Loueseni. Quelques minutes plus tôt on l'avait lavée et enduite d'une huile réservée aux grandes occasions. On avait ensuite serti ses poignets de deux bracelets en or, un maquillage léger mais marqué était venu farder son visage et on avait noué ses cheveux avant de lui poser une perruque propre à la mode égyptienne. Un simple tissu de lin blanc était venu entourer sa taille laissant à la vue de tous des seins ronds et fermes tenant parfaitement dans la paume d'une main auxquels sa peau de métisse rendait hommage.
La touche finale avait été une lourde chaîne en or fixé autour du cou. Pour faciliter les choses aux hommes, s'était-elle dit. Probablement aussi pour essayer de perdre leur attention s'il y a une discussion importante.
Elle s'arrêta devant un miroir et détailla son visage. Elle avait de grands yeux marrons surmontés par de longs cils et, juste au-dessus, d'épais sourcils arrondis et élégamment redessinés. Son nez aquilin et ses lèvres fines dénonçaient son métissage mais le tout se mêlait gracieusement dans son visage ovale. Si elle n'avait pas dû se hâter, elle aurait pu admirer son reflet pendant des heures. En dehors de la qualité de sa perruque qui marquait son statut d'esclave, sa beauté n'avait aucune limite, là debout, fière, le menton relevé et une parodie de regard dédaigneux – comme ceux qu'on lui lançait habituellement. Elle avait repris une pose plus humble et s'était laissée guider dans la salle de réception.
Sans vraiment le regarder elle se posa au sol à côté de l'hôte, prenant une corbeille de fruits qu'elle lui proposa aussitôt, laissant quelques raisins se poser dans sa bouche. Mais l'homme se lassa très vite de sa présence, ne demandant que quelque fois à être servi de vin et nourri. Loueseni en profita pour porter son attention sur la réception ; ils parlaient affaire et surtout de la Princesse Régente, Néférousobek – une histoire de renversement de trône si elle ne s'abusait. Mais comme ce n'était pas ses affaires et elle passa à autre chose.
Elle balaya la salle du regard et comprit vite qu'elle n'était pas la seule de son rang : d'autres gouverneurs étaient présents et il leur fallait donc chacun une fille pour les servir. Vu la teneur des discussions, il paraissait normal que son maître ait convié autant de ses semblables, il devait avoir besoin de soutien. Son regard se posa enfin sur l'homme qu'elle servait ce soir et elle prit le temps de l'observer : un homme mûr et bien mis de sa personne, ne portant qu'une perruque travaillée et un pagne. Ses muscles luisaient de l'huile qu'on lui avait enduite sur le corps et son vêtement ne laissait rien à l'imagination. Loueseni inspira un coup... Tout dans son corps aspirait au sexe brut et à la domination.
La soirée dura quand même une éternité et plus le vin afflua, plus les mains de Kaha se firent baladeuses. Il aimait particulièrement jouer avec sa chaîne et prenait un malin plaisir à tirer dessus d'un coup sec quand elle revenait et n'allait pas assez vite pour remplir son verre. Elle faillit à plusieurs reprises tomber et l'homme commençait à la rendre nerveuse. A chaque fois qu'il la tirait vers lui elle remarquait un détail dérangeant en plus : une odeur âcre de sueur, une lueur perturbante dans l'œil ou encore quelques mots marmonnés la mettaient mal à l'aise.
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REINE DU CHAOS D'EGYPTE
RomanceNéférousobek est la première femme connue à avoir régné sur l'Égypte. Fille de d'Amenemhat III, la mort de celui-ci laisse place à la convoitise du trône chez les souverains voisins. La princesse devra jouer des ruses pour le gardez. Entre alors en...