𝗥𝗢𝗔𝗗𝗧𝗥𝗜𝗣

[ 7 ]

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[ Présent ]

  Elliot soupira, jetant l'emballage de son sandwich miteux dans une poubelle. Il grogna contre son téléphone qui, vidé de toute énergie – pour ne pas changer – l'avait lâché, puis rangea ses écouteurs, tirant légèrement sur le gros pull qu'il portait. Il aurait presque pu sentir encore le parfum de Cole, imprégné sur le vêtement.

— C'est déprimant...

Abattu par la tristesse qui ne le quittait plus, il marcha jusqu'à sa voiture d'un pas lent, les yeux rivés sur le sol, l'esprit embrumé. Pourquoi ne parvenait-il pas à passer à autre chose ? Pourquoi était-il toujours coincé dans ses souvenirs ? Pourquoi n'avait-il pas tenté de le retenir, lors de leurs dernières vacances ? Était-il le seul à s'être engagé de nouveau sur cette autoroute sans issue ? Était-il le seul à ressasser en boucle ce dernier hiver qu'ils avaient passé ensemble, à dix-huit ans ? Est-ce que le rouge se plaisait avec sa liberté ? Combien de pays avait-il déjà visités ? Combien de personnes avait-il déjà rencontrées ?

— Elliot ?

Le roux sursauta de tout son être, effrayé par cette voix qu'il aurait reconnue entre mille. Il se figea un instant, terrifié à l'idée de pivoter son corps et de tomber nez à nez avec la raison même de sa présence sur cette piteuse aire d'autoroute. Cependant, lentement, tous les doutes s'effacèrent : ce ne pouvait être personne d'autre. Il écarquilla les yeux, tournant la tête avec une lenteur affligeante, se crispant entièrement.

— Cole ?

Le plus âgé le fixa, bouche-bée. Ils se fixèrent presque bêtement, comme deux poissons rouges dans le même bocal. Pourquoi Elliot n'était-il pas dans une ville populaire, avec sa guitare, avec ses chansons ? Pourquoi n'était-il pas en train de monter sa carrière ? Pourquoi, surtout, portait-il l'un des anciens pulls du rouge ? N'avait-il pas rencontré quelqu'un d'autre depuis leur rupture ? Ne s'était-il pas épanoui dans sa nouvelle voie ? N'avait-il pas terminé ses études et passé son diplôme haut la main ? Pourquoi semblait-il si triste, seul, au milieu de nulle part, sur une autoroute à mi-chemin entre la côte Ouest et l'intérieur des terres ?

— Oh.

Lorsque Cole réalisa, là, assis dans son van, la tête penchée par la fenêtre grande ouverte, il eut l'impression que le monde lui tombait sur la tête. Elliot se sentit aussi démuni lorsqu'il comprit que son ancien petit-ami avait, lui aussi, décidé de suivre cette promesse. « On prendra le van pour aller à la mer, et la Ford pour aller dans les terres ». Ils entendirent les mots du rouge en même temps, se fixant, interdits. La réponse du châtain roux des méandres de leurs souvenirs également : « Je valide ! La Ford pour les terres, le van pour la mer. Adjugé ! Promis, on fait ça hein ? ». « Promis. »