Le matin suivant, Leonidas se réveilla allongé sur son matelas troué. Son poignet le brûlait horriblement, comme s'il était le prix à payer pour les événements de la nuit.Il s'en doutait, le cri d'Emily Baxter avait ponctué sa nuit d'une note d'épouvante dont il se serait bien passé. Il redoutait le moment où il devrait sortir affronter les discussions à propos du meurtre, dans la rue.
— Tu es enfin réveillé, remarqua Zélie de sa voix rauque.
— Enfin ? Quelle heure est-il ?
— Dix heures, je dirais.
— Quoi ?! Et mon travail à l'usine, alors ? s'exclama Leonidas.
Zélie haussa les épaules avec désinvolture.
— Je parie qu'avec ce que tu m'as ramené la nuit dernière, tu pourras tenir des mois sans travailler !
Son frère sursauta, se rappelant brusquement du cadre en or et des deux colliers. Il ouvrit la poche de sa veste et en sortit un des deux pendentifs. Le reste avait disparu.
— Un collier ! Qu'as-tu ramené d'autre ? s'enquit Zélie.
— Je... je suis désolé. Il y a eu un imprévu et... j'ai dû perdre le reste en route. Mais je me rattraperai, je te le promets.
La malade ouvrit la bouche, sûrement pour demander à quel imprévu avait été confronté son frère. Celui-ci, préférant ne pas lui en parler pour l'instant, se leva brusquement et annonça :
— Tu as raison, il vaut mieux que je n'aille pas travailler aujourd'hui. Je vais voir ce que je peux tirer de ce collier.
Il enfila sa veste, mit son chapeau et sortit de l'immeuble, non sans lancer un radieux sourire à Zélie.
Dehors, les habituels nuages grisâtres planaient sur Londres, mais les brumes de l'hiver s'étaient dissipées. Les rues pavées étaient très animées, accueillant aussi bien riches bourgeois que mendiants en haillons. Pour le moment, personne ne mentionna le nom d'Emily Baxter, au grand soulagement du jeune ouvrier.
Leonidas tenta de progresser parmi cette foule, qui ne fit qu'augmenter lorsqu'il arriva au marché. C'était comme nager dans un océan de bruits et d'odeurs, tantôt de délicieux parfum à la rose et tantôt de personnes ne devant pas s'être lavées depuis des années.
Partout, des marchands hurlaient la qualité de leurs produits, approchaient les plus riches pour leur vendre des bijoux ou chassaient les pauvres pour éviter tout éventuel vol. Des femmes s'extasiaient devant des pierreries, se mêlant aux gens de classe moyenne qui venaient chercher de la viande pour la soirée.
Une voix d'enfant perça alors le bruit de la foule :
— Meurtre d'Emily Baxter ! Emily Baxter assassinée cette nuit dans son lit, un poignard planté dans le cœur !
Un jeune vendeur de journaux hurlait, agitant un exemplaire du Starlight Echo et tirant les autres dans sa charrette. Il était coiffé d'un béret rapiécé qui s'écrasait lamentablement sur ses cheveux sales. Autour de son cou était noué un foulard rouge, seule tache de couleur au milieu de ses vêtements grisâtres.
Leonidas baissa immédiatement la tête et de força à ne pas fuir en courant. Le hurlement de la victime retentissait encore et encore dans son crâne, telle une sinistre chanson.
Un homme entendit le jeune garçon, et poussa une série d'exclamations indignées face au meurtre de la chanteuse d'opéra. Il était ridicule, de son chapeau haut-de-forme qui s'agitait au-dessus de la foule jusqu'à sa canne qu'il brandissait en signe de colère.
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De sang et de charbon
Fiksi SejarahLondres, 1843 Tandis que la pluie s'abattait sans relâche sur la capitale et que la lune tentait tant bien que mal de percer les nuages de sa pâle lumière, une âme pauvre et solitaire courait dans les rues de Londres. Leonidas Spence volait des b...