Prologue

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04/06/2019 :

Cher journal…
J’ai toujours trouvé cette formulation étrange, comme si le journal nous était une personne proche à qui l’on dit tout. C’est en partie vrai je vous l’accorde mais mon journal ne pourrait pas m’être quelqu’un de cher. Pourquoi ? Parce que je n’ai plus aucune personne chère dans mon entourage. Parce que si mon journal était une personne, il ferait une dépression tant mes problèmes sont nombreux.

Tout a commencé en septembre. Je l’avais vu, Nathan. Lui aussi il m’avait vu visiblement. Mais je ne voulais rien faire. Pour voir. Pour jouer.
Les jeux… Une des pires choses de la cour de récréation.

Au primaire, on se court après. C’est amusant jusqu’à ce que l’un ou l’autre tombe et se fasse mal.
Au collège on commence à entrer dans le vif du sujet. On joue avec la force mentale des gens, en riant, en racontant des idioties, des ragots.
Au lycée… Tout explose. Ce que certains ont retenu de ces années d’école est uniquement en rapport avec les jeux.
Au lycée ce n’est pas avec la force mentale des autres que l’on joue mais avec leur cœur. Et quand un cœur a perdu une partie, c’est fini.

C’est mon cas.

J’ai joué, j’ai perdu.
Tant pis pour moi.

                                  ***

06/06/2019 :

Deux jours… il m’a fallu du temps.
Du temps pour trouver la force de continuer.
Du temps pour essayer de lutter contre cette furieuse envie qui monte doucement en moi.
Quelle envie ? Tu comprendras plus tard cher journal …
Au fait, si vous vous posez la question, Nathan et moi ne sortons pas ensemble...
«Sortir avec quelqu'un». Même ce concept est dépassé. Réfléchissez : dans le jargon écolier «sortir avec quelqu'un» signifie être en couple avec une personne et non pas sortir pour aller quelque part avec elle. Pourtant, c'est ce mot qu'emploie les adolescents, lycéens ou collégiens pour exprimer leur «amour» envers une personne.

Pourquoi ?

Parce qu'ils ont peur. Peur de se montrer faible ou de paraître ridicule en donnant à une chose le nom qu'elle mérite.
Appelons un chat un chat voulez-vous ? Et si je me fie à cette expression, je me dois de vous citer.

Vous, c'est toutes ces filles (si on peut encore les appeler comme ça), ces monstres qui ont fait de ma vie un enfer ces derniers mois. Ces pimbêches qui m'ont mis tout le monde à dos et ce, pour la simple raison que je suis "sortie avec Nathan alias le mec le plus beau du lycée".

Ridicule ?
Oui. Je pourrais essayer de comprendre mais je n'en ai pas envie. Vous m'avez tout pris. Mes affaires, mes amis, ma famille, mon intégrité. Vous êtes allées jusqu'à pirater mon compte Instagram pour poster des photos de filles nues en faisant croire que c'était moi. Vous avez tagué ma table, vandalisé l'école et vous m'avez fait passer pour responsable. Je me demande même quels sont vos prochains plans, ceux que vous n'avez pas eu le temps de mettre en œuvre et qui sont, j'en suis certaine, plus horribles les uns que les autres. A cause de vous, ma famille pense que j'ai mal tourné. Je ne sors plus, n'ai plus accès à rien, ma chambre est vide de tous les livres qui l'habitaient et lui donnaient vie autrefois. Chaque jour, j’entends des paroles qui font mal, très mal. A cause de vous, mes amies me prennent pour (appelons un chat un chat) une pute. La fille dont le seul but est de coucher, celle qui aime la sodomie, les jeux sexuels, qui a déjà fumé, qui s'est pris des cuites... Bref, j'ai tout perdu. Et de tout ça, c'est vous les responsables.

Vous ?

Mais qui c'est vous ?

Vous, c’est Inès, Anaïs, Nora, Juliette, Maria, Clarisse, Mélanie... Vous me lisez peut être ? Ou alors vos parents ont voulu vous protéger du «traumatisme» qu'est celui de lire les derniers mots de Daphné, la fille que vous avez martyrisé encore et encore et encore, jusqu'à ce qu'elle sombre ?

Oui, vous avez bien lu, mes derniers mots. Ils sont peut-être écrits sur papier, dans ce petit cahier que certains qualifient de journal intime mais ils sont là tout de même. Les mots, eux ont toujours été là. Ils m'ont aidé à me sentir mieux.
Pas comme mes parents.
Pas comme ma famille.
Pas comme mes amis.
Pas comme Nathan.

Nathan, je repense à toi parfois. J'ai voulu que ça marche mais ma nature timide m'en a empêché. Cependant, je ne m’en fait pas. Tu es comme moi Nathan, et je ne doute pas que tu continueras sans te préoccuper des autres, pas même de moi. Je n'ai donc aucune peine, aucun remords, aucun... Regrets ?

                                   ***

10/06/2019 :

J'ai relu ces dernières pages et je me rends compte que cette fin de journal intime ressemble davantage à une lettre d'adieux. Moi qui voulais faire différemment des autres, je me retrouve à faire comme tout le monde. Je ne vais pas gaspiller beaucoup de pages aujourd'hui, mes larmes le feront bien assez. Je n'ai pas beaucoup de temps. Je voulais seulement rouvrir ce carnet pour y noter mes dernières pensées. Et elles ne seront pas pour mes parents qui ne m'ont pas cru, qui m'ont abandonné et que je déteste à présent. C'est comme ça, c'est la vie. Non ma toute dernière pensée sera pour vous. Pour vous et pour vos actes aussi immatures que mauvais.

J'espère au moins que vous aurez le courage de dire la vérité. Pour la mémoire d'une morte. Je ne serai pas là pour le voir hélas.

J'ai enduré trop de mensonges.

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