Thérapie de groupe (suite)

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- J'ai toujours aimé le monde de la nuit. Dans la pénombre, vous pouvez être qui vous voulez. Du coup, dès que l'ombre remplaçait la lumière je commençais à arpenter les rues de la ville à la recherche d'un troquet pour étancher ma soif et faire la fête. Les marins ont soi-disant une femme dans chaque port, moi je peux dire que j'avais une femme dans chaque rade.

- Probablement des péripatéticiennes.

- Et alors, il n'y a pas de mal à payer pour se faire du bien. Ça t'épate la coincée que je comprenne ton terme technique de bourgeoise pour désigner une pute ? Je m'en fiche que vous me jugiez. Si j'avais pu rencontrer une gentille fille qui aurait bien voulu bien de moi, pensez bien que je n'aurai pas dépenser mon argent pour ces vieilles chattes qui sentaient la marée basse.

- Personne ne vous juge Saul. C'est votre moment, sentez-vous libre de vous confier à nous.

- Merci Doc. Moi, je voulais une petite rien qu'à moi mais je suis trop con et moche pour les intéresser.

- Je...

- Rachel. Non. Que recherchiez-vous dans l'ivresse Saul ?

- Je ne buvais pas pour oublier. Je ne buvais pas parce que j'aimais le goût de l'alcool. J'ai toujours trouvé que rien ne ressemblait plus à de la pisse que de la bière. Je trainais de café en café en espérant trouver la femme de ma vie. Je bois car je ne sais pas parler aux dames. Je voulais me désibiner, débisiner. Bref, on s'en fout, vous avez compris. Je n'ai pas l'écolution d'un journaliste de la télé ou de madame « je fais le ménage au lieu d'écrire un bouquin » ici présente. Alors, avec un coup dans le nez, ça me donnait du courage pour leur parler. Avec le recul, je dois avouer que ce n'était pas une bonne idée. Je me sentais si seul dans mes déambulations nocturnes. Ça me rendait triste alors je picolais encore plus. Quand je suis bien chaud, j'ai l'impression que tout le monde est mon pote, surtout les patrons et les autres piliers de comptoir. On devient une vraie famille le temps d'une pinte mais c'est du flanc. On est tous plus misérable les uns que les autres, c'est tout. Plus je suis bourré moins j'ai le contrôle de mes actes. Alors, je me paie des putes, mais je les baise pas. Euh... si des fois ça arrive. Merde je suis un bonhomme, j'ai des besoins. Souvent je leur demande si je peux juste rester blotti dans leurs bras. Et alors je me mets à pleurer sur mon sort. Je mourrais seul dans le caniveau d'une rue sordide sans personne pour réclamer mon corps. Je finirais dans une fosse commune. Je n'aurai pas de pierre tombale avec mon nom dessus. De toute façon, à quoi cela servirait. Il n'y aura personne pour y déposer des fleurs. Une fois que le dernier bar est fermé, je rentre me coucher et je n'émerge de mon lit qu'au soir suivant.

(Silence)

- Allez-y. Vous pouvez vous foutre de ma gueule. Je n'ai jamais dit ça à personne. Pensez-bien, un gars comme moi ; Saul le boute-en-train de la night, celui qui chante bras dessus dessous avec les bikers de passage, celui qui bat le gros Bill au concours de shot, celui qui se vante de baiser qui il veut, la plus grande gueule de ce putain de groupe. Ce Saul vient de vous avouer qu'il chiale comme un chiard dans les bras des putes à trois franc six sous.

(Silence)

- Bordel ! Vous allez dire quelque chose, merde. Je voulais juste être aimé. Je...L'alcool ce n'est pas un ami. Je me sentais bien avec lui parce qu'il me mettait KO. Il me permettait d'affronter la vérité et cette vérité c'est que je suis un looser. Je ne fais rien d'autres que de me défoncer la gueule, me mettre dans des états proche du coma pour ne pas avoir à accepter ma vie. Je me suis jeté dans un puits sans fond. Je me disais que si j'avais une compagne pour partager mes jours je n'aurai plus à rechercher l'ivresse, mais pour aborder une fille je dois être sous l'influence de l'alcool. Une fois parti, je ne sais plus m'arrêter. C'est un cercle vicieux. Je suis minable. PUTAIN dites quelque chose ! Ne me laissez pas continuer à m'enfoncer et arrêter de me regarder comme ça, ça me gène. Vous avez les larmes au bord des yeux. On ne chiale pas pour moi, OK. Je suis Saul et je vous emmerde bande de cons.

L'imparfaite perfection de l'être humainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant