Severus Rogue ne s'était jamais vraiment posé de questions sur ses choix de vie.
La plupart du temps, il réagissait presque instinctivement, sans accorder plus d'une seconde de réflexion au chemin qu'il empruntait.
En ce sens, il était très proche de l'esprit des Gryffondor qu'il détestait tant : en réaction presque épidermique au harcèlement constant des Maraudeurs, il s'était dirigé vers Voldemort, sans même prendre le temps de peser la décision qui devrait bouleverser sa vie entière.
Juste parce qu'il savait que Potter et ses amis stupides étaient défendus par Dumbledore et que le mage noir était l'ennemi du Directeur de Poudlard. Une façon de clamer son opposition à la face du monde, tout en cherchant à être accepté quelque part. L'envie de faire enfin partie d'un groupe, de ne plus être laissé à l'écart.Il était arrivé au milieu des Mangemorts d'un pas assuré, bien qu'il soit en réalité terrifié. Il avait soutenu le regard de l'homme qui semait le chaos et il avait tendu son bras, sans trembler. Fièrement.
Il avait reçu la marque sans qu'un seul gémissement ne passe la barrière de ses lèvres.
C'était bien plus de courage que n'importe quel autre des laquais du Mage Noir, et son comportement inhabituel avait été remarqué sans qu'il ne s'en doute.La première chose qu'il avait faite après avoir été marqué avait été de tuer son père, cet infâme moldu qui lui avait offert une enfance misérable, entrecoupée de coups. Cet homme qui avait tué sa mère à force de mauvais traitements.
Il avait cru que ça serait un soulagement, qu'il se sentirait mieux. Mais il s'était senti encore plus mal, désormais orphelin et seul au monde. Il n'avait plus de famille, plus d'amis. Plus aucune attache.Étonnement, Voldemort ne lui avait jamais demandé de participer aux raids, ou de tuer en son nom. Il voulait un Maître des potions doués, et Severus s'était employé à le satisfaire. Le Mage Noir l'avait gardé loin de l'action, le surveillant de près.
Il s'était montré aveugle pour un homme si intelligent. Pour le plus jeune Maître des potions de l'histoire du monde magique, à l'esprit aiguisé.
Il avait cru que les autres Mangemorts ne l'aimaient pas parce qu'il était directement devenu l'un des favoris du Mage Noir, parce qu'il était exempt de ces attaques éclairs pendant lesquelles ils pouvaient être tués par les Aurors. Depuis le tout premier jour, Severus avait eu un statut spécial, à part au sein des Mangemorts. Il avait probablement plus de liberté que n'importe quel autre des laquais du mage noir, mais il ne s'en rendait pas compte...Il avait été terriblement idiot.
Ce fut Lucius qui lui avoua la raison de sa mise à l'écart. L'aristocrate était probablement ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour lui, et même si Severus ne comprenait pas les raisons pour lesquelles le blond l'avait pris sous son aile, il lui faisait relativement confiance.
Il était le seul sorcier sang-mêlé dans les rangs du Mage Noir. Le seul à avoir un parent moldu, et pourtant, Voldemort ne semblait pas considérer qu'il était souillé par son ascendance. Il le respectait bien plus que certains sang-purs, appartenant à des familles nobles et anciennes. Comme si Voldemort réécrivait les règles sans se préoccuper des sentiments de ces sorciers puissants qui lui avaient juré allégeance.Pour plaire au Lord Noir, Lucius fit de Severus le parrain de son fils à naître. Lié à une famille sang-pur aussi noble que les Malefoy, il obtenait la légitimité dont il était privé par sa naissance. Bien évidemment, le choix de Lucius n'était pas désintéressé : puisque le Maître appréciait Severus, mieux valait être l'allié du tout récent Mangemort que son ennemi.
Pourtant, Severus apprit à rester constamment méfiant, bien plus qu'à Poudlard : il était toujours jalousé, puisque Voldemort semblait le traiter avec moins de cruauté que les autres. Il recevait son compte de Doloris bien sûr, mais... là où certains y perdaient la raison ou la vie, il était relativement épargné. Comme si son statut de potionniste attitré du Seigneur des Ténèbres le mettait hors de portée des tortures les plus cruelles. Comme s'il était précieux, bien qu'il repoussait toujours cette idée dérangeante.
Ce fut probablement pour cette raison - cette stupide reconnaissance idiote envers un maître intransigeant - qu'il vint révéler la prophétie entendue dans la taverne miteuse de Pré-au-Lard de la bouche même de la fausse prophétesse de Dumbledore, que ce vieux fou venait d'engager comme professeure de Divination.
Il s'inclina aux pieds de celui qu'il appelait Maître et lui répéta ce qu'il avait entendu, mot pour mot avec une fierté non dissimulée.Il décrivit Trewlanney avec un ton dégoulinant d'ironie, sans prendre au sérieux la déclaration de ce phénomène de foire que Dumbledore avait visiblement trouvé. Cependant, il n'avait pas prévu que le Lord Noir soit réceptif à l'information. Que sa crainte de la mort soit plus forte que sa raison, qu'il cède à la peur lui qui était le croque-mitaine du monde magique.
Severus ne se rendit pas compte immédiatement de ce qu'il avait provoqué. Sa fidélité fut récompensée, une fois encore, et il eut l'impression un court instant d'appartenir réellement à un groupe. De ne plus être le gosse maltraité laissé à l'écart, l'adolescent harcelé et repoussé.
Il était un Mangemort, félicité par son Maître. Et pour l'instant, ça suffisait à apaiser son coeur meurtri par l'éloignement de Lily.Cet état de grâce dura jusqu'à ce qu'un Mangemort anonyme sous son masque annonce que deux femmes proches de Dumbledore étaient enceintes et devaient accoucher pendant l'été à venir. Les deux mère du potentiel ennemi du Mage noir à venir.
Alice Longdubat et Lily Potter.Si le sort de l'épouse Longdubat ne l'intéressait pas le moins du monde, il eut l'impression de sentir son cœur se briser en entendant que Lily serait une cible. L'idée même qu'il soit celui qui l'ait mise en danger lui donna la nausée, et il eut bien du mal à cacher le sentiment d'horreur qui l'avait submergé à cette idée.
Lily allait être pourchassée par sa faute. L'enfant qu'elle portait devait mourir de la main de celui à qui il avait juré fidélité.
Il eut l'impression de suffoquer quand Voldemort se dressa et annonça qu'il serait celui qui mettrait à mort la famille Potter. En personne. Le Mage Noir venait de choisir son ennemi, et Severus aurait aimé ne jamais mettre les pieds à la Taverne la tête de sanglier.Severus ne se souvint pas de la suite. Il fut incapable de se rappeler comment il avait pu rester immobile et donner le change, cacher son effroi, ne pas se faire prendre par ses camarades si jaloux de lui. Il tituba jusqu'à chez lui après avoir transplané - c'était probablement un miracle qu'il ne se soit pas désartibulé dans la manoeuvre - et s'effondra dans le sofa défoncé qu'il n'avait jamais pris soin de changer. Il avait toujours détesté la bicoque dans laquelle il avait grandi, pourtant c'était là qu'il venait se réfugier quand il avait besoin de solitude...
D'un accio bredouillé, il attira une bouteille alcool - vestige de cet ivrogne de Tobias - et but à même le goulot, s'étouffant à demi avec le liquide ambré et fort, espérant trouver dans l'ivresse l'oubli auquel il aspirait. En cet instant, il se moquait bien de ses craintes de ressembler à son père s'il buvait de l'alcool, ou des conséquences de ce moment de faiblesse. Il avait juste besoin d'anesthésier son corps, de sombrer dans l'inconscience pour avoir un bref répit avant de faire face à ses erreurs.
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Filiation
FanfictionAprès ses erreurs, Severus avait littéralement mit sa vie entre parenthèses, pour expier. Il ne se doutait pas qu'un simple détail allait tout changer, tout faire basculer.