Chapitre 4

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Severus Rogue aurait du se douter que les choses tourneraient mal. Il aurait dû se souvenir qu'il n'avait jamais eu de chance, qu'il n'avait jamais eu la possibilité d'être heureux. D'aussi loin qu'il se souvienne, sa vie n'avait été qu'une suite d'épreuves sans fin qu'il traversait avec résignation.

Lorsqu'il avait été nommé parrain du fils de Lucius, il s'était demandé en observant le petit être vagissant si l'enfant de Lily aurait ses cheveux roux ou ses yeux verts. S'il ressemblerait plus à sa mère ou à son horrible père.
Il avait juré devant la magie de protéger Drago et de veiller à subvenir à ses besoins, dans le cas où ses parents venaient à être indisponibles. Dans son esprit, il pensait qu'il n'aurait jamais de réels liens avec l'enfant, mais Narcissa tenait à ce qu'il soit un vrai parrain et veillait à l'inviter chaque semaine, pour qu'il apprenne à connaître le bébé.
Malgré lui, il avait commencé à s'y attacher, faisant entrer une personne de plus dans sa vie.

L'été commença et il apprit la naissance du fils de Lily. À l'automne, il prit ses fonctions à Poudlard. Il adopta une robe de potionniste austère, noire, reflétant son humeur, ne voulant pas être un professeur apprécié des élèves. Peut être que s'il était suffisamment détestable, Dumbledore finirait par le congédier et le libérer.

L'année scolaire s'étira, interminable. Comme une revanche sur le passé, il prit soin d'avantager honteusement les Serpentard, puisqu'il était également leur Directeur de maison, ignorant les protestations de ses collègues. La seule fois où Minerva avait fait irruption dans son bureau, furieuse de voir les points de sa maison en chute libre, il l'avait accueilli avec un sourire glacial et lui avait rappelé d'un ton doucereux la façon dont elle avait détourné le regard à chaque fois qu'il avait terminé à l'infirmerie.

Elle avait immédiatement quitté les cachots, mais il avait eu le temps de voir son visage se décomposer et une lueur de honte passer dans son regard, et elle n'avait plus émis la moindre protestation par la suite, faisant en sorte d'attribuer plus de points quand il se montrait trop... enthousiaste.

Il n'aimait pas son rôle de professeur, il n'aimait pas Poudlard. Cependant, il veillait à ce que ses cours soient de qualité bien qu'il se montre exceptionnellement exigeant.
Comme un pied de nez à son passé, il prit son rôle de tête de maison particulièrement au sérieux, s'assurant de la sécurité et du bien être des élèves sous sa responsabilité. Il avait décidé que son calvaire interminable pouvait avoir un avantage, en protégeant les enfants qui passaient dans ses classes.

Certains lui obéissaient parce qu'il était Mangemort et que leurs propres parents l'étaient. D'autres apprenaient à le respecter, comprenant qu'il les soutiendrait quoi qu'il arrive. Le reste de Poudlard,les autres enfants, le craignaient.

A sa seconde année en tant que professeur, il se résigna à être enchaîné à ce poste qu'il méprisait. Il envisageait cependant cette carrière inattendue comme une juste punition pour toutes ses fautes, pour la marque sur son bras, pour les crimes qu'il avait dû commettre.
Il n'avait peut être pas été un Mangemort sanguinaire, il n'avait peut être tué que son père alcoolique, mais il portait la marque et il était celui qui avait exposé sa Lily. Son visage se ferma en un masque amer, et il s'employa à écarter de lui toute personne qui serait tentée de sympathiser. Parfois, il voyait le regard triste et plein de remords de Minerva se poser sur lui, mais il l'ignorait, bien décidé à tenir sa sollicitude à l'écart de lui. Quoi qu'elle puisse dire, la vieille écossaise ne pourrait pas changer le passé.


Et puis Halloween arriva. C'était le dernier jour de la semaine, et il put s'esquiver rapidement, quittant le banquet sans une once de remords. Dumbledore pourrait bien le sermonner, il ne comptait pas devenir la marionnette totalement soumise au vieil homme - même pour la meilleure cause qui soit. Il avait assez d'un Maître, il se refusait à en servir aveuglément un second.

Depuis la rentrée, Voldemort l'avait laissé en paix, pensant probablement qu'il devait se fondre dans le décor pour rester à Poudlard, loup infiltré parmi les agneaux.

Il se préparait à une longue soirée en solitaire de plus, passée à brasser les potions pour l'infirmerie de l'école, quand le monde sembla basculer sur son axe. Il n'avait pas besoin de sortir de ses cachots pour savoir qu'il faisait nuit noire à l'extérieur.
Lorsque la douleur l'assaillit, il pensa en premier lieu qu'il avait été percé à jour et que c'était sa punition. Que Voldemort ne le convoquerait même pas pour le tuer, qu'il allait juste le faire mourir de douleur, à distance.

Une part de lui-même s'en réjouissait presque. Lily était à l'abri et s'il mourrait maintenant, il serait libre, probablement pour la première fois de sa vie.
Alors qu'il s'imaginait en être au point où son esprit se brisait, l'affreuse douleur cessa brutalement, laissant une sensation étrange dans son bras, comme des crampes fantômes. Ses muscles se crispaient, ses nerfs lui donnaient l'impression de vibrer et il tremblait de tous ses membres, abasourdi.

Il mit un temps fou à se redresser puis à se relever du sol sur lequel il s'était laissé glisser. Il se félicita de sa tendance à s'isoler, sans quoi il aurait offert un spectacle intéressant en pleine Grande Salle... brisant son impassibilité légendaire.
Hésitant, il remonta sa manche, son corps se crispant violemment lorsque le tissu rêche de sa robe de potionniste effleura son avant bras, n'osant pas regarder, persuadé que l'affreux tatouage était à vif.

Dans son esprit, il avait été découvert. Ce ne pouvait qu'être l'explication. Il savait que Voldemort pouvait les appeler de sa Marque mais également les punir. Lui, heureux veinard, avait toujours échappé à cette sanction et il comprenait la crainte de ses très chers "collègues" à ce sujet.

Avec un soupir, il finit par baisser les yeux sur son bras, se préparant déjà à devoir s'enduire d'essence de dictame pour cicatriser. Bien qu'il se moquait totalement de son apparence, il se demanda quand même un instant à quoi allait ressembler son bras après ça.

Mais toute pensée déserta son esprit, et pour la toute première fois de sa vie, Severus Rogue se retrouva à court de mots, à court de pensées. Il laissa juste échapper un "Oh" incrédule, alors qu'il fixait son avant-bras, clignant stupidement des yeux, essayant de comprendre ce qui se passait.

Là où quelques heures plus tôt il avait affiché un tatouage noir des plus hideux, signe incontestable de son appartenance aux Mangemorts, voilà que son bras avait retrouvé sa pâleur d'origine. Il persistait une vague ombre grise sur la peau opaline, probablement parce qu'il savait où chercher. Mais il pourrait se promener bras nu sur le chemin de Traverse et personne ne pourrait se douter de ce qu'il avait été.

La main tremblante, il posa les doigts sur l'emplacement où aurait dû apparaître la pire erreur de sa vie et caressa la peau sensible, s'attirant un frisson désagréable. Si la peau était intacte, ses nerfs se souvenaient visiblement de l'atroce douleur.

Severus soupira, et rabattit sa manche, avant de se redresser en chancelant légèrement. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se recomposer son visage austère et impassible habituel, et il quitta les cachots à grands pas, décidé à avoir une explication de Dumbledore.

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