Ma Double Vie - Livre I : Perdre l'équilibre

Chapitre 2

Auparavant, mon école primaire se situait dans le centre-ville de Lyon. Je m'entendais à merveille avec Cali et Danaé, mes deux meilleures amies. Nous étions le trio inséparable, le « golden trio » pour les fans d'Harry Potter. Personne ne nous résistait. Un soir après l'école, maman nous a annoncé que j'allais déménager. De but en blanc. Lola et moi ne nous attendions à rien. Nous avons été prises de court car nous menions notre vie sans aucun souci. Elle nous a donné quelques explications par-ci par-là, tentant de nous persuader que tout sera plus simple pour tout le monde, que nous serions plus proches de mamie-Marie, que je trouverais un super collège... Je n'étais pas très âgée à ce moment-là, mais il ne m'a pas fallu grand-chose pour comprendre que son discours ne tenait pas la route. Il y avait une toute autre raison à ce départ, seulement elle ne voulait pas nous en faire part. Malgré mes soupçons, j'ai renoncé à chercher plus d'informations.

Mon dernier jour d'école de l'année fut parallèlement mon dernier jour dans cette ville. Nous devions partir dès le lendemain. Les parents de mes amis s'étaient tous cotisés pour m'offrir un collier que j'avais repéré dans une bijouterie quelques jours auparavant. Je le trouvais magnifique. Lorsqu'ils me l'ont offert, je me suis rendu compte à quel point ils allaient me manquer. Je garde toujours contact avec Danaé et Cali, mais nous nous voyons bien plus rarement qu'avant.

Je m'entendais bien avec la majeure partie de mes camarades. Mais l'un d'eux m'exaspérait plus qu'autre chose. Et cette personne n'était autre que Lucas. J'ai toujours eu une certaine rancœur envers lui. M'étaler sur les raisons ne servirait à rien. Le passé est le passé. Mais le voir dans ma ville, dans mon lycée, dans ma classe, avec mes amis, est la dernière chose dont j'ai envie.

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il se souvienne de moi.

— Tu es arrivé il y a une semaine, c'est bien ça ?

— Oui, mardi dernier.

— Tu viens de loin, mais tu connais peut-être déjà des personnes dans cet établissement.

— J'étais dans la classe de Steacy Rochelle en primaire, il me semble.

Il me désigne d'un coup de menton.

Je me fige. Je veux mourir.

— C'est vrai ça, Steacy ? s'étonne la professeure.

Comment est-il possible qu'il se rappelle de mon existence ? Cela fait plus de six ans qu'on ne s'est pas vus. Il se rappelle peut-être de moi comme de «la-fille-sans-père».

Je garde mes questionnements pour plus tard et préfère me concentrer sur la meilleure réponse à formuler.

Toute la classe se retourne vers moi. Je déteste que l'attention soit portée sur ma petite personne. Mon cœur cogne contre ma poitrine et mon visage me brûle. J'imagine déjà la teinte rougeâtre qu'il a dû prendre.

— Heu, oui, je crois...

J'ai pris soin d'adopter un ton désinvolte. Il ne manquerait plus qu'il pense que je lui apporte une once d'attention.
Telma, dépassée par la situation, me lance un regard interrogateur que j'ignore totalement.

— Lucas, peux-tu te mettre à côté de Telma, juste ici, s'il te plaît ? lui demande la professeure en lui désignant la table devant son bureau. Ce sera plus simple pour moi de t'avoir à l'avant de la classe.

Je ne pouvais pas imaginer pire ! Elle va lui retourner le cerveau en lui racontant n'importe quoi à mon compte, j'en suis sûre.

Le cours s'étire à l'infini, j'ai l'impression qu'il ne finira jamais. Les scénarios ne font qu'emplir mon esprit, tous plus catastrophiques les uns que les autres.