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L'herbe dansait joyeusement au gré du vent qui balayait les collines. Les grandes étendues vertes donnaient sur le cœur de la ville animée par les commerçants et les passants pressés. Du haut de son cheval, le prince Choi observait ce petit spectacle. Il sentait le pouls de l'animal contre ses jambes, alors que ses cheveux étaient secoués par la bise. Cette hauteur lui donnait l'impression d'être libre, d'être puissant. Les pieds sur terre, il se sentait faible et inerte, mais dès qu'il enjambait un étrier, la nature revenait à lui comme par magie. Deux paires de sabots se posèrent à ses côtés tandis qu'il tourna la tête pour regarder ce prince qui venait d'arriver lui aussi. Le temps était calme, l'atmosphère détendue, on était bien loin de l'air étouffant d'une armoire bien trop petite. L'après-midi ne serait ni trop chaude, ni trop fraîche, juste assez pour que Soobin n'ai plus envie de rentrer au palais.

Tout le monde se disait que les deux princes passaient du temps ensemble pour obtenir des informations au sujet de leur famille respective. Depuis l'incident du bal, plus personne ne se souciait d'eux, jugeant normal qu'ils se promènent ensemble pour renforcer la paix au sein du pays. Tous se disaient que leurs petites escapades ne dureraient qu'un temps, qu'ils y mettraient eux-mêmes fins en se détruisant l'un et l'autre. Personne ne se doutait au contraire que leurs rencontres étaient leur seul moyen de fuir leur famille et se retrouver avec eux-mêmes. Les deux garçons appréciaient les moments qu'ils passaient ensemble. Yeonjun voyait que Soobin faisait des efforts considérables pour s'ouvrir à lui, il prenait sur lui pour faire vivre les sentiments qui logeaient en sa personne. Tout était loin d'être parfait, mais ils essayaient, ils faisaient au mieux pour se construire ensemble.

« Tu penses quoi de Jongsuk ? Yeonjun était calme alors que Soobin haussa les sourcils en le dévisageant

- Tu me poses sérieusement la question ? son silence fut sa réponse, le noiraud soupira. Il sait manier une épée, c'est tout.

- Parfois j'ai envie de le remercier de ne pas venir. On est bien mieux sans lui tout compte fait. »

Soobin sourit calmement, comprenant où le prince voulait en venir. Il avait raison : que ce serait-il passé s'il avait assisté à chaque réunion ? Auraient-ils eu la même occasion de se rapprocher ? Il lui arrivait de penser qu'il aurait mieux valu qu'ils restent à trois plus souvent, cela aurait empêché Yeonjun d'être plus avenant. Mais aurait-il regretté de n'avoir jamais connu l'existence de ses sentiments ? Aurait-il fini par apprendre de lui-même le sens des pulsions qui l'animaient ? Aurait-il même eu des pulsions si celles-ci n'existaient que pour Yeonjun ? Le garçon se remit à penser à cette après-midi où il s'était baladé seul. Il se revoyait encore admirer la vue de Séoul comme il le faisait à nouveau aujourd'hui. Tant de choses avaient changé depuis ce jour. Ses sentiments prenaient forme, bientôt il pourrait leur attribuer un nom. Il ignorait encore ce qu'il allait devenir en apprenant à se découvrir, peut-être ne serait-il pas fier de lui au final... Il ne voulait pas échouer.

Oui, tout était bien différent maintenant qu'il n'était plus seul. Il n'était pas aveugle et ne se disait pas qu'il avait Yeonjun à ses côtés pour toujours, seulement il l'accompagnait, pas à pas, qu'il soit là ou pas, d'une quelconque manière. Et il trouvait cela beau. Il se pourrait qu'il ne fût pas tombé amoureux de l'homme qu'il était mais de la connaissance qu'il détenait. Il aimait cela, il aimait les moments passés ensemble, tous, les plus forts et les plus faibles. Du haut de son cheval, il n'avait plus cette envie de revenir en arrière. Bien sûr il pensait à ce qui aurait pu se passer, à des alternatives moins effrayantes. Il apprenait à cohabiter avec cette peur, dans l'espoir de l'aimer elle aussi un jour.

« On y va ? »

Dans un hochement de tête, un coup de rennes, Soobin s'élança dans les plaines de la ville. Yeonjun à ses trousses, il souriait en regardant droit devant lui les étendues d'herbes qui s'agitaient à leur passage. Le vent dans sa tignasse brune caressait ses oreilles d'une douce mélodie presque inaudible qui embaumait son corps entier. Il était bien. Les hanches de la bête le faisaient s'agiter sur sa scelle de cuire alors que bientôt son acolyte le dépassa. Frustré, il ne put s'empêcher de serrer un peu plus fort ses pieds dans les étriers, redoublant de vitesse. Des rires perçaient cette brise au beau milieu d'une prairie verdoyante. Les cœurs des princes dansaient avec eux, prolongeant le temps qui s'écoulait entre eux. Soobin ne regrettait rien, l'absence de murs autour de lui le rendait vivant. Mais tout était si beau, bien trop beau, presque parfait certainement trop. La vie était-elle vraiment ainsi ?

Cethosia ʸᵉᵒⁿᵇⁱⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant