Cethosia ʸᵉᵒⁿᵇⁱⁿ

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Les deux princes continuèrent de vivre comme si rien n'était jamais arrivé. Ils faisaient tous deux au mieux pour ne pas se croiser. Ils ne passaient plus leurs après-midis ensemble à parler de joie ou de tristesse, ils ne s'apprenaient plus à peindre ou à écrire, ils ne se baladaient plus dans le jardin. Ils en venaient même à ne plus passer à l'endroit où tout avait dérapé. Personne n'en saurait rien, personne n'avait retrouvé Soobin qui s'était réveillé seul quelques heures plus tard. Tout semblait avoir été fait pour que ce moment s'efface de leur passé. Malgré tout, Yeonjun avait plus peur que Soobin. Il se répétait sans cesse qu'il faisait mieux de se tenir loin de lui. Encore une fois il pensait à l'homme qu'il aimait avant sa propre personne. Il se disait que la distance ferait son travail, que tout redeviendrait comme avant. Ils ne seraient bientôt plus que deux princes rivales prêts à tout pour préserver l'honneur de leur famille.

Tout redevint presque comme autrefois dans le Grand Palais, comme au début, avant que tout ne commence à déraper. Soobin restait seul comme il aimait tant, Yeonjun rendait visite à son frère selon son gré. Rien n'avait changé, si ce n'était que Soobin se rappelait encore fraîchement des sentiments qui l'avaient parcouru ce jour-là. Aucun détail n'avait disparu contrairement à ce papillon qu'il continuait de se remémorer dans l'espoir de le repeindre à l'identique dans son esprit. En apparence, les mois qui passèrent furent sans encombre. Seul leur mémoire demeurait intacte, les empêchant de se parler au risque de trahir leurs souvenirs. Et c'est ainsi que leur première année dans la capitale s'acheva. Il y a exactement un an, ils descendaient encore la colline pour révéler leur visage aux habitants de Séoul. Une longue année qu'ils n'oublieraient jamais...

A l'occasion, un bal avait lieu en cette belle journée d'été. L'air était chaud mais le vent faisait encore danser les feuilles des arbres, rendant l'atmosphère un peu moins étouffante. Cet évènement prévu depuis une éternité avait soigneusement été préparé par toute une batterie de personnes qui s'afféraient à peaufiner les derniers détails dans l'immense salle réservée à la cour. Tout le pays était retourné à l'idée qu'une telle cérémonie ait lieux. Ce jour était presque tout aussi important que celui de l'année précédente ou que le jour du sacre, c'était dire. Les personnes de plus hauts rangs se rassemblaient pendant plusieurs jours, mangeant promptement autour d'un orchestre et de petits spectacles divertissants. Tout le monde revêtait sa plus belle robe, ses plus beaux bijoux. En quelques sortes, cet évènement était l'occasion rêvée d'impressionner la famille royale ou ses adversaires.

Comme le voulait la tradition, les rois et leurs épouses accompagnés de leur dynastie étaient les derniers à arriver. Les autres invités attendaient avec impatience, agglutinés dans une immense salle au nombre incalculable de fenêtres qui menaient sur des jardins tout aussi grands. Au loin, on pouvait, si on tendait l'oreille, entendre les feuilles des tournesols se heurter les unes aux autres dans un des champs environnants. Les musiciens étaient déjà en place, jouant dans le fond du brouhaha des quelques dizaines d'aristocrates. Des majordomes déambulaient d'un bout à l'autre de la salle des fêtes, des plateaux d'or garnis de petits fours. Tout était parfait.

Soobin détestait cette ambiance. Alors qu'il suivait d'un pas lent ses deux parents dans l'allée qui menait à la salle, il ne se fit aucun doute que les prochains jours seraient longs. Beomgyu se tenait à ses côtés, nerveux. En tant que prince, son ami avait fait en sorte qu'il l'accompagne, pour le divertir. Mais le jeune homme de classe moyenne se rendait compte à présent qu'il n'aurait jamais dû accepter une telle offre. Son regard se baladait avec angoisse sur le bâtiment qui lui faisait face. Que se passerait-il s'il se retrouvait face à Lee Hayi ? Il devrait tout faire pour ne pas se retrouver seul. A vrai dire, ce ne serait pas bien difficile au vu du petit groupe qui les entourait. Des amis plus ou moins éloignés de la famille Choi discutaient entre eux, certains tentant d'échanger avec le futur roi. Mais le noiraud ne faisait lui aucun effort, il savait qu'ils n'étaient là uniquement pour parler affaire les uns avec les autres, et si possible gagner la confiance d'une des familles royales. Alors à quoi bon ?