Chapitre deux

264 17 3
                                    

Un faisceau doré se glisse dans la fente de mon rideau avant de venir effleurer mon visage.
"Réveille-toi" murmure-t-il. Les rayons du soleil murmurent oui... Vous l'ignoriez?
"Il est 8h30 chérie, on est samedi et la température extérieure est de 11°C. Élise t'as envoyé un message hier soir mais tu dormais comme un bébé alors je suis resté silencieux" déclare mon téléphone. Il est très râleur en ce moment, il se plaint de surmenage...

Élise

Tu veux venir à la maison cet aprèm?"

Je me contente de lui répondre par un simple "ok" et me décider à me lever.

Ma mère m'attendait déjà dans la cuisine, elle prenait son petit-déjeuner. Mon père, grand PDG d'une chaine de magasins, était parti en Italie et ne reviendrait que dans quelques semaines.
Il nous arrive souvent d'être seules à la maison, et de passer nos matinées silencieusement chacune de notre côté.

–“Bien dormi? demande-t-elle.

–Oui et toi? répondis-je

–Ça va ça va... Ta journée s'est bien passée hier?

Aïe... Devrais-je lui dire ce qui s'est passé? Hahaha, la blague. Moins elle en sait, mieux je m'en sors.

–Hum oui comme d'habitude, improvisé-je... Les cours ennuyeux... Et je t'ai attendue hier soir!

–Ah oui pardonne-moi, s'excuse-t-elle. Je ne pouvais pas sortir plus tôt.”

Je ne réponds rien. Un long silence s'installe dans la cuisine, brisé uniquement par le bruit des cuillères et des céréales.

Ayant fini de manger, je range la table avant de monter dans ma chambre. Selon l'horloge, il n'est que 9h44. Je m'appretais à aller me doucher quand je reçois le SMS d'un numéro inconnu.

"Il arrive un moment où les règles sont brisées, où l'équilibre  est renversé et où le confort est plus que limité.

Ω"

Qu'est-ce que c'est que ce message sans intérêt ni cohérence avec le contexte actuel. À moins que mon père n'essaye de m'annoncer que mon argent de poche est réduit... Il sait toujours quoi faire pour rivaliser d'originalité avec les pères normaux. Cela dit je sentis mon rythme cardiaque accélérer, j'ai l'impression qu'une voix me tourmente...  Je dépose maladroitement mon téléphone sur ma table de nuit avant qu'il ne tombe sous mon lit. Une affreuse migraine me prend...

Je ferme les yeux j'inspire profondément... J'expire lentement...

Mon pouls reprend son rythme régulier. Ce devait être une crise de fatigue.
-"Hé psst! Hé, toi là! hurle mon miroir.
-Oh non, grommelé-je en me tournant vers lui, toi ne recommence pas, tu sais très bien ce que je... Quoi?
Lisa est dedans. Je veux dire... Mon reflet est coincé dans le miroir alors que je ne suis pas devant !
-Bah oui je suis là idiote, raille-t-elle. Viens par là il faut qu'on parle.
Je me dirigeai vers elle, inconvaincue de la réalité des faits.
-Lisa écoute moi, dit le Reflet. Ça ne va plus ces temps-ci. Je vois tout à travers tes yeux depuis dix-sept putain d'années. Tu ne peux pas imaginer tout ce que je sais sur toi !
-Et bah merci pour le scoop! râlé-je.
-Laisse moi finir! Bon... On sait toutes les deux ce qui se passe en ce moment... c'est vrai, c'est dur, mais personne n'arrive à rien en baissant les bras... Jusqu'à tes douze ans tu étais si vivace et si enthousiaste! Maintenant tu es... çà.
-Je te rappelle que toi aussi tu es "Çà", lui fis-je remarquer.
-Non non non, nie-t-elle. La différence entre toi et moi c'est que je suis ta voix de la raison. Alors tu sais quoi? Tu dois m'écouter. Ce SMS, je vais faire tout ce que je peux pour découvrir d'où il vient, car j'ai un mauvais pressentiment. J'ai l'impression qu'il veut dire plus que cela. Je revient demain alors d'ici là, sois sage.
Elle me fit un clin d'oeil avant de disparaître du cadre du miroir.
Mais qu'est-ce qui vient de se passer?

–“Lisa je sors! m'annonce ma mère. Je reviendrai vers 15h.

–D'accord à tout à l'heure, répondis-je la voix tremblante.

–Je t'aime fort, reprit-elle....

–Moi aussi je t'aime, dis-je incrédule. ET MON REFLET ÉGALEMENT.

–Quoi???!

–Non rien! Bonne journée !!!
La porte claque et les clés tournent dans la serrure. Cela m'étonne un peu qu'elle me dise "je t'aime" en partant. Ce n'est pas vraiment son habitude de me dire ça à n'importe quelle occasion. J'espère qu'il ne se passe rien de grave, en plus elle ne m'a pas dit où elle va.

                               *   *   *

J'ai fini par aller me doucher après avoir longuement réfléchi allongée sur mon lit, les yeux fixés au plafond. Je m'habille simplement pour sortir prendre l'air à vélo le long de la Garonne.

Je quitte mon quartier en empruntant la même route qu'hier. Je sillonne les ruelles à vive allure avant d'arrivée à la fameuse allée qui borde le fleuve. C'est une douce journée d'octobre ensoleillée et il fait assez doux pour le moment. Ainsi de nombreuses personnes sont de sortie; des couples, des familles, des amis ou des gens seuls, comme moi. Je longe le fleuve pendant dix minutes à peu près avant de poser mon vélo et m'asseoir sur un banc.

Soudain mon portable vibre dans ma poche.

Élise

«Un truc très bizarre m'est arrivé. Je peux venir maintenant? Il faut que jte parle!!!»

Je lui répondis aussi vite:

«Moi aussi je dois te parler!!!! Je suis pas chez moi mais je rentre tout de suite! Viens dans 5mn environ»

Je n'attends pas une demie seconde avant me remettre en route. Je pédale vivement en tachant de ne pas percuter les passants qui arrivent en face. Je retraverse les mêmes ruelles en sens inverse et rentre chez moi, essouflée et transpirante. J'ai à peine le temps d'entrer à l'intérieur qu'Élise arrive, le teint livide et le sourire effacé. Elle entre et ferme la porte avant de me serrer dans ses bras.

–“Lisa, j'ai reçu un message d'un numéro inconnu. Je déteste ça! Si ça se trouve c'est un pédophile qui veut m'attirer sur une fausse piste, et après il m'enverra une adresse, j'irai machinalement puis il me violera et me forcera à intégrer une secte ! AH UNE SECTE! MON DIEU LISA C'EST LA FIN!!!"
Que personne ne bouge, Élise est juste en train de paniquer (comme d'habitude...).
Elle sort son téléphone de sa poche et me faire lire le fameux message:

“La crainte nous guette, elle nous chasse, elle nous bloque et elle nous tétanise. Le plus dur n'est pas de la vivre mais de la dompter.

Ω”

Je reste paralysée, le feu aux joues et la boule au ventre. Ce "Ω" est sans aucun doute le même qui m'a envoyé le message de ce matin.

–Et ce n'est pas tout, poursuis Élise la voix étranglée. Hier, une voiture noire a suivie celle de ma mère jusque chez moi. Elle est restée plantée devant l'allée jusqu'à ce que je sorte!!!

–Élise, dis-je la voix éteinte... La même chose m'est arrivée.

Je sors mon portable de ma poche et lui montre le même message. L'atmosphère est si pesante que pendant cinq minutes j'ai cru mourir sur place.

–Lisa tu penses qu'on est suivies, demande-t-elle angoissée. Tu penses que des gens nous veulent du mal? Tu penses qu'une organisation sectaire...

Je la coupe net.

–Hé ho, répondis-je!! Calme toi. Ça doit être un relou du bahut qui cherche à nous aborder, rien de grave ni de mirobolant, hop un message une voiture et voilà ! Technique de beauf, je t'assure !
–Tu connais beaucoup de relous qui suivent les filles en voiture?
–Des tonnes, ma cocotte. Allez vient on va regarder la télé.
Élise ne répond rien.

Le Projet OmégaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant