P comme PENCHARD

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N. masc. (fém. Pencharde)

Terme dépréciatif désignant quelqu'un qui penche.

(illustration ci-dessus : réunion de penchards anonymes)

Il existe une catégorie particulière d'êtres humains qui ne se tiennent pas droit comme les citoyens droits dans leurs bottes, ni courbés comme les bossus, mais penchés, un peu vers l'avant, vers l'arrière, à gauche ou à droite. Et vous aurez beau essayer de les redresser, de les pousser dans le bon sens, dès que vous les lâcherez ils retrouveront leur pente naturelle.

Le penchard donne l'impression de le faire exprès pour emmerder le monde, par exemple quand on est serré dans la queue à la poste et qu'il pose le menton sur votre épaule derrière vous, ou quand il vous parle en ayant l'air d'essayer d'attraper votre noeud de cravate avec les dents. Et en fait on ne sait pas vraiment s'ils le font exprès ou pas. Certains disent que la vie penchée est un choix, une vocation, une façon de résister, en somme. D'autres pensent qu'il s'agit d'une sorte de trait de personnalité qu'ils tiennent de naissance, et qui reste indépendant de leur volonté, un peu comme les gauchers qui ne se rendent pas compte qu'ils feraient bien mieux d'être droitiers, que ça serait plus simple pour tout le monde.

Avant ça allait encore, on ne les entendait pas trop, mais depuis quelques années les penchards se sont rassemblés en associations militantes pour les droits des penchards et maintenant ils demandent qu'on refasse toute la société à leur image. Ils veulent des portes penchées pour pas se cogner tout le temps, des chaises avec des dossiers penchés pour arrêter de se casser la gueule en s'asseyant, des ordinateurs et des télés penchés pour pouvoir suivre plus facilement ce qui se passe à l'écran, ils veulent qu'on écrive en italiques pour que ça soit plus facile à lire pour eux. Et du coup, nous, on se cogne aux coins des portes, on se fait mal au dos sur leurs dossiers de traviole, on s'esquinte les yeux et le cou à essayer de suivre le film et on se tord les doigts à écrire de guingois.

Comme le pochard avec ses grandes poches, le clochard avec ses grandes cloches et le mouchard avec ses grosses mouches, le penchard est en quête perpétuelle d'une reconnaissance qui ne pourra jamais le satisfaire pleinement, parce que le monde entier ne pourra jamais pencher suffisamment dans son sens pour le rendre pleinement heureux. Il ne lui reste qu'à s'entourer d'autres penchards et à se faire croire avec eux que le monde qui ne penche pas n'existe pas.

Illustration : Pise, en Italie, capitale mondiale des penchards et leur lieu de vacances préféré

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Illustration : Pise, en Italie, capitale mondiale des penchards et leur lieu de vacances préféré. Vous vous casserez la gueule dans les escaliers

Lexicopédie théorique : petit dico des mots possibles, impossibles et probablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant