5 - Récréation pour Alix...

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Dès que la berline blindée passa le portail du Domaine, à la nuit tombée, l'instinct d'Alix se tendit et releva aussitôt les indices d'une présence importune que ses sens affûtés localisèrent très vite.

La ville encerclait presque l'immense propriété, mais conservait une ouverture sur la forêt qui obligeait les gardes à beaucoup d'attention pour écarter le plus souvent de simples curieux, fascinés par le mystère entourant l'occupant des lieux. Mais cette fois, ils ne s'agissaient pas d'innocents visiteurs. Il frappa à la vitre de séparation qui s'abaissa.

— Miles, stoppez la voiture, je vous prie. Je vais terminer à pieds.

— Mais Monsieur... Cela n'est pas raisonnable !

L'homme entre deux âges considérait comme un outrage personnel l'idée d'abandonner là son prestigieux passager. L'éclat de rire qui suivit sa protestation le fustigea :

— Enfin, Miles, depuis le temps, vous savez bien que je ne risque rien. Ce sont plutôt nos visiteurs qui seront à plaindre si leurs intentions ne sont pas nobles.

Dans le rétroviseur, il nota que le chauffeur levait les yeux au ciel, consterné par la nonchalance avec laquelle Alix considérait les choses. À croire qu'avoir à affronter de petits malins venus le défier l'amusait. Bien sûr, même si cet être n'était pas un humain normal, il prenait les choses bien trop à la légère. Qu'arriverait-il si un jour il tombait sur des adversaires plus coriaces, mieux armés, ou qui lui aurait découvert un point faible ? Comme s'il devinait cette pensée, Alix rit :

— Je n'ai aucun point faible, Miles ! C'est bien connu.

Wilhem lui aurait certainement rétorqué que sa suffisance en était un, mais son chauffeur n'oserait jamais une telle impertinence. Le téléphone d'Alix vrombit et il prit la communication.

— Oui, Daniel ?

— Des intrus dans le parc, Alix...

Une certaine tension modifiait la voix du responsable de la sécurité.

— Je sais, Daniel. Pas de panique. Je suis juste au portail Sud. Miles va ramener la Bentley et moi, je file sur place.

— J'ai envoyé Roger et une équipe, avec l'ordre d'observer et de ne pas intervenir.

— Très bonne initiative, Daniel. Je les rejoins.

Roger, cuisinier officiel de la partie du Domaine strictement réservée à Alix. L'homme disposait aussi d'autres compétences. Le choix se révélait judicieux. Il pourrait guider les membres de la sécurité, sans que l'équipe coure le risque de tomber nez à nez avec les intrus. La nature de ces visiteurs exigeait de demeurer prudent. D'un geste négligent, Alix balança son téléphone sur le siège voisin. Il ouvrit un compartiment dissimulé sous l'accoudoir de la banquette et s'empara d'une oreillette qui lui permettrait de contacter l'équipe sur place.

— Je descends, Miles ! Vous verrouillez les portes et vous regagnez le château à pleine vitesse. Quoi que vous croisiez sur le chemin, vous ne vous arrêtez pas.

— Bien Monsieur, se résigna le chauffeur très morose.

La portière claqua et Miles eut à peine le temps d'apercevoir la silhouette nimbée d'une aura dorée, ses longs cheveux flottants au vent, disparaître entre les arbres du bois... La lisière située à plus de cinq cents mètres, Alix lancé à pleine vitesse l'atteignit en quelques dixièmes de seconde à peine. Il huma l'air pour se diriger à coup sûr vers l'équipe à l'arrêt à plus d'un kilomètre. Le terrain couvert d'une végétation touffue procurait autant d'obstacles que d'occasions de se dissimuler. Il stoppa sur le promontoire rocheux qui surplombait un petit vallon. En général, les intrus arrivaient par cet itinéraire. La partie boisée du parc s'étendait jusqu'à la forêt toute proche, encore protégée de l'urbanisation intensive, et offrait un accès discret au Domaine quasi cerné par la ville.

P.R.I.M.A   (sous contrat d'édition Juno Publishing)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant