Dusk [Gone T.0]

Chapitre 18

18h30. Le soleil était presque entièrement couché sur Perdido Beach, clôturant ainsi la journée du 25 octobre. Tressie se trouvait actuellement assise sur la face latérale de la grande table de sa salle à manger richement décorée. Installée à sa droite, Astrid Ellison, ses cheveux blonds noués en un chignon soigné et vêtue d'une robe blanche. L'exact opposé de sa rivale, donc, qui était habillée d'une robe noire et qui avait laissé ses cheveux sombres libres de toute attache.

Il était très dur de savoir laquelle était la meilleure comédienne entre la première qui dissimulait son air hautain sous un sourire angélique et la seconde qui arborait un masque d'amabilité pour cacher son agacement d'avoir sa camarade à ses côtés. Pourtant, à les voir comme ça, on aurait pu les prendre pour les meilleures amies du monde, se souriant, riant et échangeant des regards tout ce qu'il y a de plus charmants.

Mais en réalité, leurs jambes seraient sans doute couvertes de bleus lorsque le repas prendrait fin tant elles se donnaient des coups vengeurs à chaque pique subtilement dissimulée ou à chaque remarque un peu trop acerbe.

Daniel, assis en face de sa sœur, faisait rire la galerie avec ses remarques enfantines. Un vrai petit clown. Et le plus beau, c'est qu'il y parvenait en restant d'une politesse à peine croyable, ce qui faisait la fierté de ses parents... et de son aînée qui, malgré ses brimades, possédait à son égard une très haute estime. Surtout depuis qu'il lui avait permis de découvrir son pouvoir.

Placé près de lui, Peter Ellison. Le garçonnet était des plus adorable avec ses petites joues remplies de taches de rousseur et ses mèches aussi blondes que celles de sa sœur. Mais il n'y avait qu'à se plonger dans ses yeux d'un bleu très pur pour comprendre qu'il n'avait rien de normal : ils étaient vides. Horriblement vides alors qu'il jouait sur une grosse Gameboy d'un autre temps. Tressie n'avait pas le souvenir de l'avoir déjà vu sans celle-ci, d'ailleurs. Et pour cause : elle était la seule chose capable de le calmer lorsqu'il entrait en crise.

De l'autisme sévère. Voilà de quoi souffrait ce que tout le monde appelait le Petit Pete. D'après Astrid, il savait parler. Mais Tressie n'avait jamais entendu le son de sa voix. Ne sachant jamais comment agir avec lui, elle se sentait mal à l'aise en sa présence. Le mieux qu'elle ait trouvé, c'était de l'ignorer.

Le voir là, à côté d'un Daniel plein de vie, ne faisait que mettre encore plus en lumière son handicap. Les deux garçons avaient pratiquement le même âge, pourtant, une véritable dimension les séparait. Durant ce genre de réunion entre leurs familles, ça arrivait à Tressie d'avoir pitié d'Astrid. Elle discernait ses regards envieux quand son frère et elle-même se mettaient à plaisanter et à se chamailler comme ils en avaient l'habitude. La blonde ne pourrait jamais faire cela avec son propre frère et ça la rendait triste, même si elle tâchait de le cacher par tous les moyens.

Pour finir, les quatre adultes se trouvaient à gauche des enfants, les pères en bout de table. Jeanne Oxford parlait avec animation à Pénélope Ellison, la mère d'Astrid. Il s'agissait d'une femme de 43ans légèrement enrobée et très coquette avec une voix haute perchée que Tressie trouvait atrocement irritante sur la durée. Mère au foyer, elle avait mis un terme à son contrat dans une agence de voyages à la naissance de Peter afin de lui consacrer tout son temps.

Marcus Ellison, que le couple Oxford avait rencontré lors de son premier jour à la centrale nucléaire, était pour sa part un homme grand et sec de 45ans avec un crâne dégarni et un sourire digne des pubs de dentifrice. Il était gentil et très dévoué à sa famille. Tressie l'appréciait, ce qui la poussait à se demander comment Astrid avait pu devenir une pimbêche pareille avec un père comme le sien.

– Tiens, Pénélope, je vais profiter de ce diner pour demander à nos chers hôtes de te confirmer ce que je t'expliquais l'autre jour, déclara ce dernier, verre de vin en main.