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Carla trouva facilement le fameux bar dont Florian lui avait si souvent parlé. Elle n'y avait jamais mis les pieds. A vrai dire, tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin à son ex ne l'intéressait guère. Il se situait un peu en retrait de la ville mais ne manquait pas de mine. La façade blanche virait légèrement au gris offrant un charme particulier au bâtiment. Les lumières à l'intérieur étaient allumées montrant la présence de clients potentiels.

Prenant une grande bouffée d'air, la jeune femme se dirigea d'un pas vif jusqu'à l'entrée principale. Elle se retrouva dans une vaste salle assez haute de plafond avec un plancher en bois clair et des murs blancs ornés ici et là de jolis tableaux aux couleurs plutôt chaudes. Plusieurs petites tables étaient éparpillées, la plupart occupées, des habitués sûrement. Le comptoir se trouvait sur la droite. Il était également en bois. Derrière, une jeune fille d'une vingtaine d'années, vaquait à ses occupations. De courts cheveux noirs entouraient son beau visage encore enfantin. Elle ne lui prêta aucune attention.

Plusieurs portes étaient visibles à l'intérieur de la pièce, mais uniquement l'une d'entre elles attira l'œil de Carla. Sur le mur de gauche en entrant, un petit écriteau portant la mention « privé » y était accroché. Décidée, elle se précipita vers celle-ci, avant que qui que ce soit ne put la voir. Tournant la poignée, elle se retrouva dans un grand bureau. Il n'y avait personne. Soupirant, elle s'assit dans le grand fauteuil en cuir. Elle allait l'attendre. Il finirait bien par revenir.

Son attention fut soudain attirée par une enveloppe marron posée près du téléphone. Lorsqu'elle l'ouvrit, ses yeux s'agrandirent d'étonnement. Elle contenait plusieurs photos de Luc, dans diverses soirées apparemment mondaines, discutant avec des personnes différentes. Il semblait évoluer dans un univers assez luxueux, portant des costumes et des chemises de grands couturiers. Carla ne connaissait pas grand-chose de sa vie privée. Ils n'avaient pas eu le temps de beaucoup en discuter, mais jamais elle n'aurait pensé qu'il fasse partie du grand monde. Il semblait si désintéressé et, chaque fois qu'elle l'avait rencontré il était bien habillé mais avec simplicité et sans aucune démesure. Bien sûr, la maison dans laquelle il l'avait emmenée la veille montrait qu'il n'était pas dans le besoin, mais à ce point-là, elle ne s'en serait jamais doutée. Pourquoi lui aurait-il caché sa situation ? Par peur qu'elle ne soit attirée que par son argent et sa position sociale ? C'était mal la connaître. En revanche cela semblait beaucoup intéresser Florian. Que manigançait-il ? Cela ne présageait rien de bon. Il n'y avait aucune photo d'elle, ce qui paraissait indiquer que ce n'était à l'évidence pas elle qu'il voulait. Elle commençait à se demander s'il n'avait pas atteint son but en se servant d'elle. Elle venait de comprendre pourquoi elle s'était retrouvée toute seule dans son appartement, encore vivante. Une fois son objectif accompli, elle devenait inutile.

La jeune femme ferma les yeux. Tout était de plus en plus compliqué. Ce n'était plus une histoire personnelle maintenant. Si Luc avait vraiment été enlevé, elle devait agir rapidement. Quel qu'en soit la raison, il était en danger. Jamais Florian ne laisserait de témoin en vie.

Rangeant l'enveloppe où elle l'avait trouvée, Carla se mit à fouiller avec précaution le bureau. Rien d'intéressant, quelques factures, des bons de commandes... Ouvrant l'unique tiroir, elle découvrit un pistolet muni d'un silencieux posé sur une pile de documents. Prenant l'arme entre ses mains, elle se mit à l'observer. Un Sig Sauer Mosquito, calibre 22LR. Son père était un fanatique des armes à feu et lui avait tout appris à ce sujet, lui disant qu'il se sentirait plus tranquille en sachant qu'elle savait se défendre. Elle était même très bonne au tir. Elle n'aurait jamais pensé en avoir un jour l'utilité, mais le cas se présentait aujourd'hui, bien qu'elle préférait ne pas à avoir à s'en servir.

Sans plus s'appesantir sur le sujet, elle rangea l'arme dans son sac et se leva. Ce fut à cet instant précis que la porte s'ouvrit. Carla eut un haut le cœur en découvrant l'homme qui la fixait l'air à la fois interrogateur et surpris. Elle le reconnut sans aucun doute même si elle ne l'avait pas revu depuis plus de six mois. Stéphan, l'ami d'enfance de Florian. Tous deux étaient inséparables. Ils ne faisaient rien l'un sans l'autre.

« Qu'est-ce que tu fais là ?

- J'attends Florian », répondit-elle calmement.

Le jeune homme l'observa du coin de l'œil. Elle ne l'avait jamais aimé. Il était difficile à cerner, très lunatique. Physiquement, il lui faisait également peur. Le crâne entièrement rasé, des petits yeux noirs éteints, un visage sombre, des tatouages un peu partout sur le corps... Non, elle n'avait aucune confiance en lui.

« Il n'est pas là.

- Eh bien, je vais l'attendre. Il va finir par revenir...

- Ne fais pas l'idiote, la coupa-t-il brusquement. Tu n'as rien à faire ici. De toute façon, il n'a plus envie de te voir.

- Comment ça ? Alors pourquoi est-ce qu'il ne me laisse pas en paix ?

- Ma pauvre chérie, tu es bien trop naïve. Retourne donc chez toi et oublie tout ça.

- Non, je ne peux pas. Florian s'est attaqué à mon ami Luc et je ne sais pas ce qu'il va lui faire. Il l'a pris en otage, mais tu es au courant de tout ça, n'est-ce pas ? »

Stéphan eut un rictus malsain en entendant ses dernières paroles, ce qui lui fit froid dans le dos. Serrant plus étroitement son sac contre elle, la jeune femme ne le quittait pas du regard. Celui-ci s'approcha d'un pas agile d'elle. Lorsqu'il fut à sa hauteur, il lui prit méchamment le menton, la forçant à le regarder dans les yeux.

« Tout cela ne te concerne pas d'accord ? Estimes-toi heureuse d'être encore en vie et profites-en, parce que si ce n'aurait été que moi, il y a longtemps que tu ne serais plus de ce monde ! »

Sa voix menaçait d'une agressivité difficilement contenue. Carla tremblait de tous ses membres. Elle savait d'instinct qu'il ne plaisantait pas. Pourtant, elle ne pouvait pas laisser Luc entre leurs mains sans tenter de l'aider. C'était devenu sa priorité. Elle se détourna d'un geste rageur de lui et recula de quelques pas. Ce sourire au coin des lèvres lui faisait froid dans le dos.

« Si tu ne t'en vas de toi-même, je serais forcé de te donner un coup de main. Alors, décides-toi rapidement, tu me fais perdre mon temps ! »

Et maintenant que va-t-elle faire ?

Une rencontre chaotiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant