Trocadéro [New Version]

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- Est-ce que l'un de vous deux aurait l'obligeance de bien vouloir m'expliquer ce qu'il se passe ?

Les compères se regardèrent. Aucun des deux ne voulait prendre la responsabilité de dévoiler l'histoire à la quadra sexy.

- Sortons et allons boire un verre, on sera mieux pour discuter... lança Stan.

Isabelle embrassa sa mère qui ne se souvenait déjà plus qui étaient les hommes qui l'accompagnaient.

- Très belle chemise jeune homme. Mon mari avait la même lors de notre voyage de noces ... radota-t-elle.

- Au revoir Madame, ce fut un réel plaisir ! l'interrompit Mendes effrayé d'imaginer une Rosa dans la même situation quelques années plus tard.

Une fois sortis de la chambre, ils traversèrent les différents couloirs remplis de machines en tout genre, aperçurent des momies se faire nourrir à la petite cuillère par des chiens robotisés, descendirent l'escalier en bois haussmannien, saluèrent l'humanoïde à la porte et se retrouvèrent enfin à l'air libre.

Stan gardait précieusement l'enveloppe Craft remplie des trois disques durs sous le bras.

- Il n'y a rien dans ce quartier pour boire un verre. Ou plutôt rien de bien intéressant pour un homme qui a fait dix milles kilomètres pour étrenner sa nouvelle chemise jaune, dit Isabelle en désignant du regard Mendes.

- On pourrait aller au Café Klebert, ce n'est pas loin et il y a une belle vue sur la Tour Eiffel, proposa le futur divorcé exilé dépressif et bientôt SDF.

- Ok parfait, vous êtes à pieds je suppose, je vais chercher ma voiture et on y va ensemble.

La jeune femme remis ses Channel devant ses grands yeux, tourna les talons et repartit vers la rue Ranelagh. Les deux autres, le cerveau reptilien masculin en éveil, ne purent s'empêcher de suivre du regard le postérieur de la belle parisienne galbée dans sa jupe fourreau.


A peine cinq minutes plus tard, il virent arriver en trombe une New Beetle, d'un noir très chic parisien avec un intérieur blanc en cuir de jeune vachette.

- Vous n'allez pas être dépaysé Mendes, fit Stan sarcastique.

- C'est la meilleure voiture qui existe répondit sérieusement le Chicanos.

- Allez-y montez, fit Isabelle en ouvrant la porte du passager avant.

Ils parcoururent les deux kilomètres à vitesse soutenue. La coccinelle slaloma entre les camions de livraison, les scooters et les passants imprudents. André-Pierre, habitué aux avenues larges à quatre voies des US plus qu'aux rues parisiennes étroites et biscornues, stressait autant que dans le San-Francisco / Paris.

- Les femmes françaises conduisent-elles toutes aussi vite ?

- Ne me dites pas que vous avez peur Mendes. Pas vous, pas un lieutenant du célèbre SFPD... Répondit la belle célibataire assez fière d'elle. Nous sommes arrivés de toute manière. Vous pouvez sortir.

- La conduite autonome, cela n'a pas l'air d'être pour toi on dirait, lui dit Stan astucieusement en marchant vers la terrasse du Café Klébert.

- Non, j'aime bien garder le contrôle et avoir les choses en main, lui répondit-elle avec un petit clin d'œil.

Ils s'assirent à une table de la célèbre terrasse de la place du Trocadéro chère au Nicolas Sarkozy de l'époque Bygmalion.

- La vue vous plait lieutenant, dit Stan en montrant la vieille dame de fer au loin.

Mais le Chicanos ne répondit pas. Très professionnel, il commença à détailler les différents épisodes de ces derniers jours à la sœur de Mallet.

- Mon frère, amoureux d'une IA ? n'arrêtait-elle pas de répéter complètement abasourdie par ce qu'elle venait d'apprendre. Et vous pensez que cette "Phoebe" est sauvegardée sur ces disques ?

- Oui c'est cela, acquiesça Stan.

La jeune quadra, reprenant ses esprits et ses réflexes de scientifique, continua :

- Mais l'algorithme cœur ne fait pas tout. Il va vous falloir un serveur extrêmement puissant pour l'implanter. Et vous allez devoir lui donner l'espace et la connexion internet nécessaire à son nouvel apprentissage.

- Oui tu as raison, répondit l'ex-collègue de Mallet reconnaissant la difficulté de la tâche qui les attendait.

- En plus, rien ne dit que Phoebe se souviendra d'Alain et des derniers événements qui ont précédé sa mort.

C'est vraiment déplorable tous ces drones dans ce ciel pourtant bleu. Il devient même impossible de prendre une photo de la tour Eiffel... pensa un Mendes un peu largué par la conversation.

Mais ayant tout de même suivi dans les grandes lignes, il précisa :

- Oui on sait tout cela, mais c'est notre seule piste pour le moment.

- Tu ne veux pas venir nous aider ? Ton expertise serait un atout formidable pour nous dans cette affaire, proposa Stan.

- Comment ça ? Tu veux que je vienne avec vous dans ce pays où l'on bouffe des hamburgers, du poulet aux hormones et où tout le monde se promène un colt à la ceinture ? répondit la bobo plus abonnée au Télérama numérique et aux émissions du fils de Yann Barthès qu'à l'ouverture d'esprit sur les autres cultures.

- Moi je viens bien dans ce pays où tout le monde ingurgite des cuisses de grenouilles et des escargots tout en cassant des vitrines avec des gilets jaunes, s'insurgea Mendes.

- Ok vous marquez un point lieutenant, désolée pour ces préjugés. Mais je ne peux pas laisser mes recherches en cours à Paris-Saclay. Et mes cours ? Personne ne peut les assurer à ma place, non Stan, désolée ce n'est vraiment pas possible.

- C'était ton frère pourtant, riposta l'ex de Cécile en essayant de jouer sur la corde sensible.

- Tu sais, nous n'étions pas très proches finalement tous les deux. Nous avions une grande différence d'âge et plus jeunes nous n'avons presque rien partagé. Lorsqu'il est parti vivre aux Etats-Unis, nous ne l'avons plus jamais revu. Tu te rends compte qu'il n'est jamais revenu voir sa mère depuis quinze ans ! Je n'ai même pas eu le droit au moindre petit message alors que je gère tout ici.

- Si tu changes d'avis, on rentre demain matin par le vol de huit heures pour SFO.

- Non, ne te fais pas d'illusion, je t'aime bien, mais désolée j'ai des choses à faire ici et je ne mettrai pas tout en stand-by pour un frère qui n'en n'a jamais été un.

Sur cette dernière phrase, la grande brune se leva et prit congés des deux compères.

- Lieutenant, ce fut un plaisir. N'oubliez pas de mettre une petite laine demain car le temps va se rafraîchir. Si des amies de ma mère à la maison de retraite me transmettent des messages pour vous, je les envoie à Stan ? dit-elle d'un air taquin avant de poursuivre : Stan, tiens moi au courant tout de même s'il te plait. Je peux peut-être aider à distance.

- Au revoir Isabelle grommelèrent les deux compères le cerveau en stand-by sur les jambes galbées et les escarpins claquant sur les pavés parisiens en s'éloignant.

Une fois la célibataire endurcie disparue dans la foule des touristes :

- Bon Mendes, nous avons une chambre à l'Hyatt Regency Paris Étoile. Mais avant cela, on va dîner dans le quartier latin histoire que je finisse de vous séduire pour espérer avoir vos faveurs dans la chambre cette nuit ?

Le mexicain, pas encore tout à fait habitué au second degré essaya de jauger avec un petit frisson lui parcourant l'échine le niveau de sincérité de la dernière réplique du français.

- Ne vous inquiétez pas lieutenant c'était une blague ! Je compte bien conclure avant d'arriver à la chambre !

- Arrêtez ça ! Je ne suis pas un homme facile ! répondît le moustachu à la toison surdéveloppée tassée dans la chemise jaune en acceptant de suivre Stan sur le terrain de la dérision pour profiter de son unique soirée à Paris.

California OneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant