Danse aérienne

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La lune éclairait l'étroit chemin qu'empruntait Alya. Seul le bruit des vagues accompagnait son voyage. Dans les mains de la jeune femme, était froissé un prospectus qu'elle avait lu maintes et maintes fois. Un nouveau magasin s'était installé dans les collines à quelques kilomètres de son agglomération. Elle partit le lendemain de la découverte de ce papier perdu, avec pour seul bagage le sac-à-dos qu'elle portait. Alya commençait à fatiguer, lorsqu'elle aperçut une lueur orangée. Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle courait vers la lumière.

Une douce odeur d'encens emplit ses narines pendant qu'une cloche annonçait son arrivée. Le vent de l'océan se tut pour laisser place au silence. Alya, émerveillée, promenait ses yeux sur les nombreuses pierres du petit magasin. Son écharpe à la main, elle s'avançait lentement parmi les étagères. Elle n'avait jamais eu une pareille impression dans les autres boutiques qu'elle avait visitées. Elle se sentait sereine, légère et en harmonie avec le contenu des meubles en bois. Plusieurs fois, elle dut baisser la tête pour ne pas se cogner à des objets suspendus aux poutres du plafond. Mais elle se sentait comme chez elle.

L'étudiante arriva au comptoir, derrière lequel la fixait une femme, d'une quarantaine d'années. Quelques secondes s'écoulaient, les yeux sombres d'Alya rencontrant ceux, gris, de la vendeuse. Finalement, cette dernière se décida à engager la conversation, d'une voix douce et faible. Elles discutèrent quelques minutes de leur intérêt commun, puis la commerçante, qui affichait un sourire énigmatique, posa une pierre sur le comptoir en acacia.

Elle exposa à sa cliente ses propriétés, mais cette dernière ne l'écoutait que d'une oreille. Son attention était accaparée par ce si petit objet. Ses yeux, aussi noirs que ce qu'ils fixaient, semblaient déjà loin. Le corps d'Alya s'emplit de chaleur, d'une sensation de liberté grandissante. Elle se sentait déjà dans les étoiles, volant au-dessus de la mer. Elle voulait courir, voler, danser dans les nuages.
« Je la prends, murmura-t-elle, dans un état second.
- Je vous l'offre, exceptionnellement, répondit la vendeuse, amusée. »

Sortant de sa transe durant quelques secondes, Alya la remercia chaleureusement et sortit lentement de la boutique, le regard dans le vague. Le vent lui fouetta le visage, mais elle n'y prêtait guère attention. Elle fixait l'océan, de plus en plus légère.

Alors, la pierre contre son cœur, elle s'élança, courut, vola, dansa dans les airs. Les yeux grands ouverts, Alya pivotait, tournoyait, libérait son esprit. Bien que sa silhouette se noyât dans la nuit, Alya illuminait son monde. Si ses mains ne tenaient pas cette mystérieuse pierre, elle aurait pu toucher les étoiles. La mer s'était tue, comme pour l'aider à se laisser aller.

Le père d'Alya signala sa disparition quelques temps après son départ. Mais on ne la trouva pas. Personne ne la voyait et elle ne voyait personne.

Durant cette danse aérienne, une voix lui revînt inconsciemment ; les dernières paroles de la vendeuse de pierres, qui lui disait qu'elle serait plus heureuse ainsi.

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