Pluie

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Le plus beau avec la pluie, c'est qu'elle nous rend tous égaux. Qui que nous soyons, pauvres, riches, blancs, noirs, hétéro, homo, PDG, caissier, homme, femme, nous serons tous trempés. Quoiqu'il arrive, vous ressentirez les gouttes couler le long de votre épiderme, alourdir vos vêtements, tremper vos cheveux, ruiner votre maquillage. Vous ne manquerez pas de marcher dans des flaques, et, même si vous disposez d'un parapluie, vous serez trempés, c'est inévitable.

Personnellement, j'ai toujours détesté les parapluies. Pourquoi faire ? Se protéger de la pluie, un événement naturel météorologique ? De toute manière la pluie me permet de me raccrocher à ce monde. Elle me rappelle ce que ça fait de se sentir vivant. Elle bat mon corps et c'est seulement dans ces moments que je me souviens que je dois vivre. Et alors, je pleure. Je lâche toutes les larmes de mon corps, celles que j'ai gardées depuis un jour, une semaine, un mois. Je pleure parce que se rappeler qu'on doit vivre, ça fait mal. Je sais que je vais devoir continuer à souffrir, jour après jour, à me détester, à détester les autres. La vie est une drôle de chose, n'est-ce pas ? La vie et tout le paquet qui est livré gratuitement avec : l'espoir, l'amour, la colère, l'incertitude, le doute, les questions sans fin et sans réponses et toutes les autres merdes qui vont avec. La seule chose qui n'est pas livrée dans le paquet, c'est le mode d'emploi. Bonne chance pour survivre. Mais vous devez vivre, parce que, vous comprenez, vous avez de la chance de vivre, avec de l'argent, d'aller à l'école, de vivre sans soucis primordial. 

Et quand tout cela m'emplit trop, que je me sens à deux doigts de pleurer, je me glisse dehors, sous la pluie, et je lâche des torrents, invisibles pour les autres. Parce que c'est important ça : de ne pas monter sa faiblesse aux autres, de cacher ses larmes. Pourtant, j'aime pleurer. J'aime craquer, ouvrir les vannes après avoir tout encaissé.

Je disgresse. 

J'aime sortir sous la pluie, m'assoir sur un muret trempé, sentir mon t-shirt me coller à la peau, lever mon visage vers le ciel et sentir la pluie s'abattre sur mes joues, se mêlant à mes larmes, descendre sur mes joues, coller à ma bouche, se glisser dans mon cou et mourir au bord de mon col. La pluie meurt, les larmes meurent. Je vais mourir aussi. Mais avant ça, je dois vivre, parce que c'est ce que les autres attendent de moi. De me battre. Et quand la pluie tombe sur ma face, m'arrose, me trempe, je retrouve ce petit goût de bonheur de la vie. Je me sens en paix, comme si la pluie effaçait toutes mes conneries.

Je dis un peu n'importe quoi, mais ça n'a aucune importance. Le fait est que je me sens bien sous la pluie. Je me sens vivant, égaux aux autres. Je me sens humain à pleurer comme ça. Je me sens... moi.

Arc-en-ciel émotionnel Où les histoires vivent. Découvrez maintenant