Ballon

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La petite main qui me retenait me lâche soudainement, et je me sens m'élever dans le ciel. J'entends le petit garçon pleurer, me regardant partir, tâche rouge tranchant sur l'étendue bleue. Mais je ne peux pas m'attacher comme ça à cet humain ; je relève les yeux vers mon futur. Je continue de m'élever, je regarde les nuages, boules de coton, se battre pour prendre la place. Je ris en imaginant que les humains voient des formes dans ces moutons. Pris d'une nostalgie soudaine, je tourne mes yeux vers le bas pour apercevoir mon petit garçon. Mais il a disparu, je ne vois que des carrés de briques, quelques espaces verts et des fourmis minuscules : les humains. 

Comme ils sont petits vus d'ici, ces êtres qui se sont appropriés la terre ! Ils sont un peu ridicules, à se prendre pour les rois du monde en étant si dérisoires ! Aucun d'eux n'a d'importance,  pas plus ceux qui travaillent dans le beau palais que ceux qui travaillent dans le petit supermarché que je distingue. Ils sont ridicules. 

Je ne m'occuperai plus d'eux. Je regarde autour de moi, ouvrant de grands yeux étonnés sur ce bleu qui n'en est pas. Comment le ciel peut paraître aussi bleu vu d'en bas et ne pas l'être vu d'ici ? Cela en serait presque décevant. Je me concentre sur le positif. Je vois un oiseau qui arrive, il me frôle, j'ai peur qu'il me crève avec son bec. Mais non, il passe et je suis encore en vie. Je pousse un soupir de soulagement. Je n'aurais pas aimé que ma vie se finisse si vite, alors que je suis en train d'explorer le monde. Bien sûr, personne ne veut mourir. Mais au moins, moi je ne me plains pas en disant que je suis trop jeune ou que je n'ai pas fait tout ce que je devais. Même si je meurs maintenant, j'aurai un peu exploré. Je ne serai pas mort bête, à attendre plus tard, une opportunité. Bon. 

Soudainement je troue un petit bout de nuage. C'est... mouillé. J'ai peur que ma chair n'y résiste pas, mais c'est un tout petit bout et j'en ressors vivant. Je regarde intéressé le nuage, alors que le vent m'entraîne irrésistiblement. C'est donc cela, un nuage. Bien sûr, j'ai eu peur sur le moment, mais c'était assez amusant et puis, dans la vie il faut accepter de se mouiller. Dans mon cas au sens propre comme au figuré. Si on ne se jette jamais à l'eau, avec une grande probabilité que le pourcentage de perte soit élevé, on n'arrivera jamais à rien. Tout ça à cause de la peur. Quel sentiment stupide !

Tout occupé à mes réflexions sur les nuages et la peur, je ne vois pas l'essaim d'oiseaux arriver droit sur moi. J'ai à peine le temps de me préparer à mourir. C'est comme ça la vie, on doit accepter de mourir, de partir, de ne plus faire partie du monde. Au final, nous n'avons aucune importance, alors mourir, vivre ? Vivre c'est bien, mourir c'est mieux : cela nous permet de vivre. 

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Je n'ai qu'une chose à dire : je ne sais pas. Honnêtement, je me demande ce que mon père a foutu dans la quiche.

 

Arc-en-ciel émotionnel Où les histoires vivent. Découvrez maintenant