The Bayford Students

Chapitre 16 • Déjeuner et potins

« Je n'ai pas de copine. »

Deux longues et interminables semaines que je repasse non stop cette phrase dans ma tête. Je suis toujours à la recherche d'une explication logique, sauf que chacune de mes suppositions est parfaitement irrationnelle.

1. Gabriel est homosexuel et Victoria le couvre.

2. Victoria est homosexuelle et Gabriel la couvre.

3. Ils ont toujours fait semblant pour une autre raison mystérieuse.

4. Ils font un break et préfèrent ne rien dire.

5. Il m'a tout simplement menti pour réussir à me sauter.

La première a vite été mise de côté. J'ai eu une preuve de son hétérosexualité, une preuve solide, sans mauvais jeu de mots : l'érection de Gabriel pressée contre mon ventre.

N'empêche que, avec le temps, mes hypothèses sont de moins en moins absurdes. La dernière est même très probable.

— ... hier soir.

Je me reconcentre sur Edward avec qui je déjeune, assise sur la pelouse verdoyante du campus. Il fait beau et chaud, pour un mois d'octobre, nous mangeons donc en plein air.

— Excuse-moi, tu peux répéter ? Il s'est passé quoi hier ?

— J'ai vu une nana rencontrée pendant mon cours de libertés fondamentales.

Merde, j'étais vraiment ailleurs pour louper cette info.

— Comment ça, tu l'as vue ? C'est quoi son prénom ? Je la connais ?

Edward hausse les sourcils face à mon interrogatoire.

— Wahou, je ne m'attendais pas à tant de curiosité. J'ai dû oublier que tu étais une meuf.

Euh... Je dois le prendre comment ?

— Elle s'appelle Bethany, Bethany Shermann, et tu ne la connais pas. Tu ne connais même pas dix étudiants à Bayford, je te rappelle.

Je grimace en savourant l'ultime bouchée de mon panini. C'est tristement vrai.

— Et vous avez fait quoi, du coup ?

— Bah on s'est vus dans le sens on a couché ensemble, quoi.

Ce n'était donc pas un moment romantique. Mais ça lui fait du bien, entre le cancer de sa mère, son déménagement précipité, la haine intarissable de Gabriel et ses retrouvailles dans les pires circonstances avec Jack, Edward a besoin de se changer les idées.

— Je suis contente pour toi. Moi aussi, je me taperais volontiers quelqu'un.

Pas quelqu'un, ton demi-frère.

— Je te conseille les pom-pom girls.

J'écarquille les yeux.

— Attends... Bethany est une cheerleader ?

Je n'en reviens pas. Il méprise cette discipline autant que les filles superficielles qui la pratiquent. À moins que son opinion, comme la mienne, ait changé depuis le Midnight Madness.

— Ouais, je me suis laissé tenter par le cliché.

Vu son air coquin, fier et joyeux, il ne le regrette pas.

— Tu baisses dans mon estime.

— On en reparlera quand tu auras craqué sur un footballeur.

Il pointe un doigt accusateur vers moi et je secoue fermement la tête.