Chapitre 1

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L'Écho de l'Épopée

Troie est tombée. La ville impie a fini par s'incliner face à la ruse du grand Ulysse. Grâce à l'inventivité du roi d'Ithaque, les rois alliés ont enfin pu secourir la pauvre Hélène de Sparte, retenue captive depuis maintenant dix longues années. Et alors que la folie vengeresse traversait le magnificent roi Ménélas, la grande Athéna l'a ramené à la raison. En effet, celui-ci a, l'espace d'un instant, voulu tuer sa malheureuse épouse. Heureusement, la voyant belle et pure de toute tromperie, il a renoncé à son funeste projet. Insensé est celui qui blâmerait la si belle Hélène. L'affreux Pâris a, et tous le savent, usé de ruse pour enlever la pauvre souveraine. Elle, a tout fait pour rester fidèle à son époux. Malgré toutes les pressions de l'horrible cour troyenne, le cœur de la souveraine est resté auprès de son glorieux époux. Sa seule faute a été celle de ne pas se défendre face à son agresseur. Faute que l'on peut évidemment lui pardonner.

Le roi vainqueur et son épouse ont donc enfin pu, aujourd'hui, se serrer à nouveau. Nous leur souhaitons de pouvoir couler des jours heureux après tant d'épreuves. Ce serait là un juste retour des choses.

Polymnia

***

L'Écho de l'Exil

Troie est tombée. Notre grande cité a plié genou, après dix ans d'héroïque résistance, face à la ruse du pernicieux Ulysse. De par la ruse odieuse, voire sacrilège, du roi d'Ithaque, la coalition Mycénienne a pu récupérer la pernicieuse Hélène de Sparte, elle qui avait trompé la famille royale pendant dix années. Minerve, l'espace d'un instant, semblait avoir inspiré une saine envie de vengeance au roi cocu Ménélas, mais elle s'est retirée au dernier moment. En effet, celui-ci semblait sur le point de transpercer de son épée son épouse infidèle ; il n'a malheureusement pas fini son geste. Insensé est celui qui blâmerait le pauvre Pâris. L'affreuse Hélène a, et tous le savent, usé de ruse pour séduire le jeune prince. Elle a allégrement trompé son époux avec le fils de Priam. Sa seule faute a été de succomber à la tentation de cette harpie. Faute que l'on peut évidemment lui pardonner.

La reine infidèle et son époux ont donc pu reprendre leur petite vie passée. Nous espérons tous évidemment que les dieux se rappellent leurs méfaits. Ce serait là un juste retour des choses.

Polyhymnia

***

Honte à moi ! Honte à moi qui suis à l'origine de cette guerre d'une décennie ! Chaque soir, quand je me couche, je revois Troie en flammes et les cris des habitants et la fumée. Chaque repas, quand je mange, je revois cette oliveraie et Pâris et sa flotte en contrebas. Chaque matin, quand je me lève, je revois l'armée Mycénienne encerclant Troie et la peur et la haine. Chaque jour, je me maudis d'avoir craqué, de l'avoir suivi sur son bateau. Pourquoi ai-je été si faible ? Pourquoi n'ai-je pas mesuré les conséquences d'un tel acte ? Ils me disent victime ou seule coupable. Ils ont tous tort. Il m'a séduite. J'ai craqué. J'ai amèrement regretté. Ce n'est pas moi qui ai commencé ce petit manège. Et je l'ai suivi de mon plein gré. Parce qu'il semblait m'aimer. Parce qu'il m'a laissé le choix de le suivre ou non.

Personne ne m'a jamais laissé le choix. Thésée ne m'a pas laissé le choix quand il m'a enlevée dans le projet de m'épouser. Mes frères ne m'ont pas laissé le choix lorsqu'ils sont venus me libérer. Mon père ne m'a pas laissé le choix quand il m'a mariée à Ménélas. Pâris m'a laissé le choix. Cette fois-là, c'est moi qui ai décidé de ma vie, de mon amour.

Et je me demande si ce n'était pas sciemment que l'on a toujours bridé ma vie. La seule fois où j'ai été libre, j'ai provoqué une guerre de dix ans. Des milliers de morts. Des femmes violées. Des régicides par dizaines. Une ville et un peuple rayés de la carte.

J'ai voulu me rendre, retourner à Sparte. Malgré mon amour pour Pâris. Trop de vies étaient en jeu, je ne pouvais pas être égoïste. Ils m'en ont empêché. Pâris par amour, le reste de la famille royale par fierté. Les seuls à avoir été de mon avis, Anchise et Énée, me haïssaient trop pour m'aider à partir en douce.

On me voit comme un être abominable, séductrice ne vivant que pour briser des vies.

On me voit comme la pauvre cruche éplorée, assez stupide pour se faire enlever par le premier venu.

J'aimerais bien que l'on me voie pour ce que je suis vraiment. Une femme qui a craqué. Une femme qui vit, depuis trop longtemps, rongée par d'innombrables remords.

J'aimerais bien être autre chose qu'une instrumentalisation politique, qu'un objet de propagande.

J'aimerais bien que l'on essaye de me comprendre. Pas de m'imposer une « moi », une image de celle que je dois être.

Mais la dernière fois que ça m'est arrivé, cela s'est très mal fini.

Les Polymnies d'HélèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant