« Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. —Et je l'ai trouvé amère—. »
ce sont les premiers mots que tu as articulé. tu te souviens de la première cigarette ? de ce briquet oublié qui a tout changé ?
j'ai attendu, attendu, attendu pour te le dire. seulement, ces mots, tu ne pourras jamais les entendre. mais bordel, qu'est-ce que tu étais beau ce jour-là. dès les premiers instants, t'étais un paradoxe. cette citation de Arthur Rimbaud, c'était ton incrédulité à croire à la beauté des choses. pourtant, au moment où je t'ai demandé ce que tu lisais, j'ai compris que tu renfermais toute la beauté d'un univers désenchanté. est-ce que j'ai réussi à te faire croire à la Beauté ? peut-être qu'on était tous les deux trop abîmés pour s'aimer simplement, alors on l'a fait passionnément.
quand on me dit que fumer tue, j'ai envie de rire à en pleurer. nous, ça nous a sauvé la vie. imagine un seul instant qu'on n'ait pas fumé ? est-ce qu'on serait toujours vivant ? sans ce bâton de nicotine assassin, j'aurai coulé...
parce que je n'aurai pas oublié mon briquet,
parce que te demander du feu n'aurait jamais traversé mes pensées,
parce que ton sourire m'aurait échappé,
parce que, Rimbaud, tu ne l'aurais jamais cité,
parce que mon cœur ne m'aurait jamais été dérobé.
comment imaginer que je t'aimais déjà avant de savoir que t'existais ?
attablé à cette table, dans ce café parisien, t'avais la tête penchée sur ton bouquin. tes cheveux de jais retombaient sur la peau basanée de ton visage, t'étais si concentré.
je pleure, j'ai des dizaines de perles de tristesses qui lacèrent mon cœur épuisé, mais je souris rien qu'à t'imaginer. j'ai envie de retourner à cet instant précis de nos vies, de recommencer, de t'aimer une nouvelle fois.
peut-être que cette fois, je perdrai mon cœur à jamais ?
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Saluer La Beauté
Short StoryT'injuriais la Beauté, pendant qu'elle nous aimait ; alors elle est partie, elle m'a dévasté.