• salut, toi. qui que tu sois, t'es bien sur le répondeur d'Ismaël.

laisse un message si ça te fait plaisir.

et laisse au temps choisir si je l'écouterai ou l'oublierai. •

Tu sais que je t'ai déjà détesté ? Je t'aimais tellement que j'en suis venue à te haïr. Puis je m'suis rendue compte que c'était pas toi que j'détestais, c'était ta façon de n'pas croire en la Beauté. T'avais raison de pas y croire et ça, putain, j'arrivais pas à l'digérer. Tu savais déjà qu'on pourrait pas finir heureux. C'était trop beau. Et toi, t'injuriais la Beauté, pendant qu'elle nous aimait ; alors elle est partie, elle m'a dévasté.

P'être que j'suis bourrée, sinon j't'aurai pas laissé ce message sur ta boîte vocale. Qui laisserait un message sur la boîte vocale d'un mort ? En fait, c'est un peu comme si j'parlais à Dieu, p'être que c'est lui qui gère la boîte vocale des morts. Il a de quoi culpabiliser en même temps. Il pourrait peut-être revenir de ses vacances pour s'occuper du bordel qu'il a foutu sur Terre, non ?

J'rigole toute seule de mes propres paroles, pourtant il y a des millions de larmes dans mon cœur. C'est drôle cette façon paradoxale de rejeter ses émotions. C'est comme vouloir retirer des mots écrits au feutre indélébile sur notre peau. T'rappelles le jour où t'avais écrit « je t'aime » avec ce stylo noir sur tous les recoins de mon corps ? On était encore submergé par notre orgasme. T'étais beau, si beau. Mes jambes tremblaient, tes yeux souriaient, on resplendissait de Beauté. T'avais voulu graver ton amour sur ma peau et j'avais eu tellement de mal à retirer cette encre indélébile. Aujourd'hui, j'voudrai encore être gravée de ton amour brûlant.

Ce message est beaucoup trop long j'crois, mais en même temps quand il s'agit de toi, j'sais pas faire court. J'peux tout simplement pas parce que mon cœur est encore gonflé d'amour. J'veux revoir ton sourire, le frôler de mes lippes, courir sur la plage, danser dans la nuit noire, caresser tes épaules, les chérir de mes lèvres, entendre ta voix, apaiser tes maux, t'écrire dix mille mots, embrasser ta timidité, chanter notre passé pour mieux l'oublier, retourner dans les bras de la Beauté et t'aimer.

J'veux tellement fumer cette dernière cigarette avec toi, celle dont on a jamais pu profiter.

J'veux vivre, vivre, vivre. Avec toi.

Pas survivre, sans toi.

Oublie pas que je t'aime et si des fois, j'ai envie de cracher sur ta tombe, c'est juste parce que je me déteste de ne pas avoir le courage de t'rejoindre.

T'étais le voile de douceur sur mon cœur. Tu vois où j'en arrive maintenant que t'es partis loin ?

T'étais l'amour de toute une vie.

L'amoureux qu'on oublie pas, parce que de toutes façons t'es l'étoile scintillante d'un univers de laideur. Mon univers.

J'pourrai continuer pendant des heures. Te conter mon amour pour toi jusqu'à pas d'heure. J'voudrai consacrer ma vie à faire ça. Mais j'peux pas. Ce que j'aime bien avec la nicotine, c'est que ça te détruit à petit feu, tout doucement. Mais l'alcool, ça met à l'envers, c'est l'enfer.

Seulement dans cet enfer, j'ai l'impression d'être plus proche de toi.

T'es au paradis, toi ?

Ah non, merde, tu crois pas en Dieu. Moi non plus, d'ailleurs.

Saluer La BeautéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant