3. On y arrive tant bien que mal

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L'hiver passa, remplacé par le printemps. Les couloirs du château n'étaient plus parcourus par des courants d'air glaciaux et les nymphettes se montraient plus tard dans la soirée. Aubéline observait depuis sa fenêtre la forêt se transformer: les arbres nus se vêtissaient de bourgeons et de feuilles, tandis que les conifères changeaient leur manteau en un vert plus vif. La couverture de glace sur le lac en contrebas avait disparu, laissant place à une surface sombre et miroitante. Ce jour-là, elle espionnait trois jeunes garçons au bord de l'eau avec une grande attention. Elle était toujours un peu appréhensive à l'idée de sortir de sa chambre, mais elle s'efforçait d'aller de plus en plus loin tous les jours. Son but pour le moment était d'atteindre l'Arbre doré. Mais l'autre chose qui la faisait hésiter à sortir était les habitants du château. John lui avait expliqué qu'elle se trouvait dans une école très particulière. Elle était la plus jeune personne présente, puisque les élèves avaient tous au moins 11 ans. De plus, un autre élément important attirait le regard desdits élèves à chaque fois qu'elle s'aventurait dans les couloirs: Tous les membres de l'école étaient des garçons. John avait appris à Aubéline que les filles ne pouvaient pas intégrer l'école et que la présence de la petite fille était une exception dû à des conditions particulières.

Aubéline posa son menton sur ses bras, étendus sur le rebord de la fenêtre. Les trois jeunes garçons discutaient, le bout de leurs bottes touchant presque le bord de l'eau. Le plus grand et le plus costaud d'entre eux avait des cheveux bruns clairs et faisait de grands mouvements avec ses bras en parlant. Un autre, aux cheveux ondulés blond-vénitien, se tenait raide comme un piquet en l'écoutant parler. Enfin, entre les deux autres garçons, le dernier d'entre eux croisait les bras d'un air pensif, ses épais cheveux noirs tombant sur son front. Aubéline ouvrit la fenêtre et se pencha en avant: elle voulait mieux entendre les bribes de conversation qui lui parvenaient:

"...Mais la glace a fondu. On ne va pas pouvoir l'attirer dessus, disait le grand blond.

- Elle a dû se réfugier au fond des bois, disait l'autre garçon aux cheveux clairs. On doit trouver où est-ce qu'elle habite, si seulement elle existe vraiment...

- Si on nous a confié cette mission, c'est qu'elle existe dit enfin le garçon du milieu en relevant la tête et Aubéline voyait ses yeux sombres scruter intensément la forêt. Nous devons simplement trouver un bon appât..."

Aubéline tendait les oreilles, curieuse du sujet de leur discussion. Soudain, le garçon aux cheveux sombres leva les yeux et les planta directement dans ceux de la petite fille. Aubéline plongea derrière le mur, le cœur battant. Elle l'entendit faiblement parler à ses camarades:

"Vous croyez qu'elle nous a entendu ?

- Ce n'est pas possible à cette distance! Elle est en haut d'une tour !

- C'était une fille ? Comment est-ce possible ?

- Tu n'as pas entendu ? C'est la fille de Marc Bois-de-Rose, l'Elitien qui est mort...

- C'était pour ça que le fil d'or a été déployé la dernière fois ?

- Les frères Estaffes ont attaqué, ça a fait peur au capitaine...

- On aurait dit qu'elle nous écoutait..."

Les voix s'éloignèrent et Aubéline passa sa tête dans l'ouverture de la fenêtre. Ils étaient partis. Aubéline aurait bien voulu sortir près du lac, mais la Nymphette Lara n'était pas là et John n'aimait pas quand elle sortait sans la petite fée. Elle soupira: la journée allait être longue.

Le chant des Chrysanthèmes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant