Prologue

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Claire

Des bruits stridents me réveillent en sursaut. J'ai du mal à comprendre où je me trouve. Une odeur nauséabonde encombre l'air ambiant. Ma gorge est aussi sèche que le désert de Gobi et j'ai la sensation qu'un feu brulant la ravage. À travers mes vêtements, je perçois toutes les aspérités du sol inégal sur lequel je repose. C'est douloureux et inédit. Mes doigts se glissent jusqu'à mon cou où je relève une texture désagréable. Chacun de mes mouvements est douloureux. J'ai l'impression qu'on me grignote la peau à petites bouchées. Je découvre alors un liquide visqueux sur ma main. Je tente d'ouvrir mes yeux pour observer la substance qui recouvre mes doigts, mais les referme rapidement. Les lumières des lampadaires agressent mes rétines, comme si je regardais le soleil de pleine face. Je parviens à ouvrir deux minuscules fentes pour distinguer la matière aqueuse. Le liquide est d'un rouge écarlate qui me rappelle vaguement quelque chose. Je le porte à mon nez pour déterminer sa nature. Je reconnais cette odeur cuivrée caractéristique du sang. Mes gencives m'élancent alors comme jamais. La douleur est insupportable. J'ai l'impression qu'on m'arrache les dents sans anesthésie. Un grognement animal passe mes lèvres alors que j'éloigne ma main ensanglantée de mon visage. La douleur se calme immédiatement.

Que se passe-t-il ? Je n'y comprends absolument rien.

Je plisse mes yeux de plus belle, afin de mieux distinguer ce qui m'entoure. Je suis allongée à même l'asphalte, entourée de grosses bennes à ordures vertes. Je n'arrive pas à comprendre ce que je fais ici. Des bruits de toutes sortes me vrillent les tympans. Et je ne parviens pas à réfléchir suffisamment, pour savoir comment j'ai atterri dans cette ruelle sombre. J'ai beau appuyer mes mains contre mes oreilles, rien n'y fait. Les sons sont toujours aussi assourdissants. Je perçois de la musique, des rires, des pleurs, des gémissements, des plats qui s'entrechoquent, des portes qui claquent, des conversations, ... Mais je ne parvins pas à me fixer sur un seul pour comprendre quoi que ce soit. J'inspire profondément une goulée d'air salvateur pour tenter de reprendre mes esprits. La brulure dans ma gorge se fait de plus en plus douloureuse. De l'eau, il me faudrait de l'eau pour apaiser cette soif qui me déchire les entrailles. Je tente de me concentrer davantage pour décortiquer la situation.

Ayant retrouvée un semblant de maitrise de mes sens, je commence par détailler ma tenue. Mon top noir est déchiré à l'encolure. Mais mon jean semble en parfait état. Il me manque une chaussure au pied droit et le contenu de mon sac est répandu, un peu partout, sur le sol. Un rouge à lèvres, mon portefeuille, un tampon, une compote en gourde, un bonbon ... Mes pensées se dirigent rapidement vers la compote que j'attrape difficilement. Ce n'est pas une boisson, mais cela devrait apaiser le feu de ma gorge. Je viens à peine d'avaler la première gorgée, qu'un haut le cœur me terrasse. Je régurgite l'intégralité de ce que j'avais avalé au sol. Mon corps se met alors à trembler de manière incontrôlable. J'essaie de me rappeler ce que je fais ici, quand une douleur fulgurante me vrille l'estomac. J'ai l'impression de me noyer. Je suffoque. La sensation qu'on enfonce un tisonnier brûlant dans mon abdomen est inimaginable. Un cri sauvage sort de ma bouche, sans même que je m'en rende compte.

Mes ongles griffent le sol, mes bras, mon visage, tout ce qu'ils trouvent, alors que je tente de contrôler mon agonie. Quelques secondes plus tard, je m'écroule au sol, à bout de forces. Je suis perdue je ne sais où, incapable du moindre mouvement. Le brouhaha constant commence à s'apaiser et je parviens à me recroqueviller sur moi-même. Je me balance d'avant en arrière pour tenter d'apaiser ma souffrance, mais rien n'y fait. Je m'allonge alors au sol et me perds dans un monde bruyant et douloureux, pendant ce qui me semble durer des heures.

Des voix résonnent non loin de moi, mais je suis incapable de faire le moindre mouvement. Mes sens sont toujours à l'agonie et mes muscles sont crispés, autour de mon corps. Dans cette position, je me sens plus en sécurité. Je sais que c'est absurde, mais la sensation est là, juste à l'orée de ma conscience. Je me rappelle avoir passé de longs mois ainsi, à l'abri dans le ventre de ma mère.

Mon Dieu ! Ça y est, je perds la raison ...

- Au secours ! À l'aide ! je tente d'articuler, d'une voix rocailleuse que je ne reconnais pas.

Je ne sais pas si quelqu'un peut m'entendre, mais je continue d'appeler... Je deviens folle. J'ai besoin d'aide. N'importe qui.

Une silhouette massive se rapproche soudainement de moi. Je ne peux la voir, mais je perçois sa présence anormalement. Je discerne une voix, mais ne distingue pas ce qu'elle dit. Le son est perdu entre toutes les voix qui se disputent dans mon crâne et les sons ambiants. J'ai l'impression d'être perdue dans une autre dimension. L'homme continue de parler, sans que je parvienne à analyser ses paroles. Tout à coup, mon corps s'élance et mes crocs s'enfoncent dans la gorge de l'inconnu. J'ai l'impression d'assister à la scène. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je m'abreuve d'un liquide douceâtre qui provoque une véritable explosion dans tout mon corps. Autant mon comportement me révulse. Autant, une toute autre partie de moi s'exalte de la situation. L'homme se débat, mais je ne lâche pas prise. Très vite toutes les voix dans ma tête s'apaisent et ma vision se fait plus nette. Totalement déboussolée par ce soudain silence, ma proie en profite pour se dégager prestement. Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Je n'ai pas le temps d'analyser la situation que mon corps me crie de prendre la fuite. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Cependant, je n'ai aucune envie de représailles. Alors je n'écoute que mon instinct et fuis.

Seven Tome 3 - Les liens du sang [publié avec KDP]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant