Chapitre 1

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  Le concept de femme forte n'existait pas à l'époque de mon adolescence, du moins sauf si on était riche ou épousait un homme influent. Sans ça, nous n'étions bonne qu'à rester dans l'ombre des hommes, regarder la vie continuer son cycle et n'être qu'un simple personnage secondaire de son histoire. Trop faible, moins grande, rester à la maison pour faire les tâches ménagères et ne servir qu'aux distractions de ces monsieur, voilà à quoi ressemblait la vie des femmes à mon sens.
 Sincèrement, mon plus grand souhait était de casser cette vision, devenir la femme que tout le monde respecterait, être en mesure de protéger ceux que j'aimais et bien évidemment, aucune histoire ne commence sans quelque chose de fort. Celle-ci débute lors d'une fin d'après midi en plein milieu de la place d'un parc de Shibuya.

  Comment avions-nous pu en arriver là ? Tout était partit d'une simple altercation avec Kiyomasa, un lycéen, et son groupe d'amis. Ce jour-là, Takemichi et les autres s'étaient totalement fait battre par ces malfrats que je détestais de toute mon âme, depuis, les garçons se retrouvaient mêlés a des combats dont leurs victoires déloquaient les fonds des paris posés sur leurs têtes. Moi aussi je me détestais, j'étais toujours derrière eux, effrayé à tel point que je n'osais même pas respirer de peur que l'on me blâme pour ma simple présence. Entourée par la foule et les cris d'encouragement à l'encontre du bourreau de mes amis, apercevoir l'issu du combat par-dessus tant d'épaules me demandais bien des efforts mais ça n'était rien à côté de ce que subissait Takemichi qui avait délibérément provoqué Kiyomasa en duel pour éviter que Takuya ne se retrouve à sa place. Les autres lui criaient d'arrêter, d'abandonner avant de ne finir encore plus blessé et pourtant, malgré tous les coups qu'il a pu se prendre, tous plus puissants les uns que les autres, Takemichi Hanagaki restait debout. Certes couvert de bleus et de sang mais doté d'une volonté sans faille dont je ne soupçonnais même pas l'existence, mon cœur battait la chamade comme si, à tout moment, il pouvait s'échapper.
   — Tue-le Kiyomasa. A mort, à mort ! hurlait la foule.
   — C'est bon tu peux arrêter, s'il te plait !
  Là, prêts à intervenir, Atsushi, Takuya, Kazushi et Makoto semblaient dans le même état que moi, terrifiés. Terrifiés de ce qu'il pouvait lui arriver si jamais le combat continuait sur cette lancé, mené par Kiyomasa.
  — J'ai toujours esquivé, encore et encore...Je peux pas laisser tomber ! Y'a quelque chose qui m'empêche de lâcher l'affaire. Ecoutes moi, si tu veux me battre, il faudra me tuer.
   — Passez-moi une batte, je vais te crever comme un rat.
  Sur le moment, je ne sus pas si c'était les paroles incompréhensibles de mon meilleur ami ou seulement la réflexion du bourreau qui me fit réagir mais toujours était-il que mon corps venait de surpasser la peur qui me clouait sur place. Je ne pouvais pas assister à ça sans rien faire, effectivement, je n'étais pas bien imposante, d'ailleurs mes connaissances en matière de combat se résumaient à de la simple observation mais c'était tout ce que j'avais. Moi non plus je n'avais pas le droit de me défiler, de rester caché dans l'ombre des garçons et être réduite à une spectatrice, j'allais devenir un personnage actif de notre misérable histoire.

      Jouant des coudes pour me frayer un chemin à travers la masse de collégiens ou lycéens, je ne récoltais que des grognement ou injures plaintives, il ne me restait que deux garçons à passer pour rejoindre le centre du combat.
  — Qu'est-ce qu'une fille fait là ? demanda l'un d'eux en me stoppant par le bras.
   — Ca serait pas la copine d'Hanagaki ? Peut-être qu'elle s'est rapprochée pour mieux voir la défaite de son ami.
  Le fou rire qui les prit ne fit que me mettre davantage en colère, en effet, j'étais une fille mais ma place en ces lieux n'avait pas besoin d'une quelconque justification.
  — Bougez-vous de là, j'ai besoin de passer.
  Je me surpris moi-même à avoir eu un ton si froid que si j'avais pu, j'en aurait frissonné mais à la place, mon genou vint rapidement se planter dans l'entre jambe de celui qui me retenait. Désormais libre, j'aurais pu m'arrêter là mais ce sentiment qui me faisait grincer des dents, lui, n'en était pas satisfait alors d'un coup de coude sur son dos courbé, il s'écroula par terre.
  — Quelle connasse, attrapez là ! hurla le deuxième garçon.
 Non sans manquer de trébucher dans la précipitation, je vins violemment bousculer Kiyomasa d'un coup d'épaule pour venir faire rempart de mon corps à Takemichi.
  — Liv', qu'est-ce que tu fais ?
  — J'en sais rien mais t'inquiète pas, je gère.
 Mensonge, maintenant que je me retrouvais, du haut de mon mètre cinquante deux devant l'imposant lycéen, la place dans la foule me manquait.
  — Livia ! Pousse-toi de là !
  — Maintenant, si tu veux frapper quelqu'un, que ce soit avec une batte ou non, ça sera moi et personne d'autre, assurai-je en ignorant délibérément les cris de mes amis qui avaient le don de me faire de plus en plus regretter ma décision.
   — Pour qui tu te prends à jouer aux héroïnes, restes à ta place de fille et va pleurer pour cette tapette plus loin.
  Bras écartés comme signe de total bouclier, je soutenais le regard assassin du bourreau. Les tremblements qu'émettaient mes jambes témoignaient de ma peur mais une seule chose importait, protéger Takemichi.
 — Ça te plait de blesser les gens pour de la merde ? Ton égo de mec en prend un coup qu'une fille se dresse devant toi ?
  — Toi...
  — Vas-y, frappes moi, ça ne fera que prouver la véracité de mes propos. Fais-le mais laisses mes amis en dehors de ça, tu leur a déjà fait assez de mal. Je m'engage à prendre toutes les responsabilités de leurs actes.
 Le poing ferme se leva cachant la lumière du soleil, je fermai les yeux attendant le coup que j'avais provoqué de par mon insolence voulue mais rien ne vint. Non pas que je m'en plaignais mais Kiyomasa n'aurait pas interrompu son petit spectacle pour rien.
   — Tu vas faire fuir les clients connard, surgit une voix. C'est toi l'organisateur de tout ça ?
  Lentement, j'ouvris les paupières avec appréhension. Deux autres garçons avaient fait leur entré, le premier était encore plus grand que celui qui voulait me frapper, possédait des cheveux blonds rasés sur les côtés et joint en une natte. Le plus impressionnant était le tatouage de dragon présent sur son crane du côté droit. Juste derrière lui, un autre, plus petit aux cheveux blonds mi longs avançait d'un pas nonchalant. Aussitôt, toutes les personnes présentes se courbèrent en avant dans un signe de total respect.
  — Mes respects chef !
   La question que je me posais venait de m'être arrachée, l'un de ces deux gars était le chef du gang dont le nom m'échappait. S'ils étaient de la même trempe que Kiyomasa, nos chances de survie allaient considérablement baisser. Le type que j'avais frappé s'approchait du plus petit et pendant un court instant, je crus qu'il allait se plaindre de ce que je lui avais fait mais à la place, il ne tenta qu'a se présenter à son supérieur qui l'ignora d'une force que j'aurais pu en rire si la pression qui régnait en ce lieu n'était pas aussi pesante. Ce fut ensuite au tour du bourreau de se présenter à lui mais encore une fois, le dit Mikey dont j'entendais Atsushi clamer le nom en pensant être discret, l'évita et c'est le pied de son accompagnant qui vint violemment s'abattra dans son estomac.
  — Depuis quand tu te la racontes autant Kiyomasa ? On s'incline devant le patron.
  Celui-ci marmonna de brèves excuse le souffle coupé tandis que je me sentais totalement satisfaite de son malheur qui n'était qu'un retour de flamme évident. Une pression frêle sur mon poignet me tira en arrière, désormais avec une vue sur le dos de mon meilleur ami, un long silence prit place dans l'assemblé. Le blond tomba à la renverse manquant de me bousculer.
  — Tu t'appelles comment ?
  — Ta-Takemichi Hanagaki.
  — Ah, d'accord Takemichou.
  — Si Mikey a décidé de t'appeler comme ça, tu la ferme Takemichou, intervint le grand devant la mine déconfite de mon ami.
   La situation était des plus improbable, un type dont le charisme dépassait celui de toutes les personnes présentes était penché juste au-dessus de Takimichi, les mains dans les poches et venait tout juste de lui donner un surnom étrange.
  — Et toi ? C'est quoi ton prénom.
  — Moi ? Livia, Livia Blanc.
  — T'es pas Japonaise, tu viens d'où ?
  — De France, excuse-moi mais qu'est-ce que tu...        
  — Liv'chou...Ça te va bien.
   Sans m'en rendre compte, j'avais posé mes deux mains sur les épaules du blond, Mikey nous observait avec un sourire indescriptible. Voilà que j'avais moi aussi droit à un surnom étrange.
   — Vous êtes encore au collège ? On dirait pas, songea-t-il en apposant une main sur l'arrière du crâne de Takemichi puis de sa main valide, me saisit le poignet. A partir de maintenant, vous êtes mes amis.
  Sa poigne n'était pas brutale, il y avait une certaine douceur dans ce geste, son regard terne considéra quelques instant la belle marque que m'avait laissé Akaishi l'ami de Kiyomasa puis lentement il nous lâcha pour faire demi-tour.
  — Il se passe quoi là ? C'est qui ces deux gars ?    
  — Même moi je sais pas trop, m'avoua mon ami aussi perdu.
  Se saisissant de l'avant-bras que je lui tendais, il fronça les sourcils malgré sa figure couverte de blessure, derrière, notre « nouvel ami » s'adressait au bourreau.
  — C'est toi qui gères les paris ? Tu te prends pour qui ?
  Mikey lui assena un coup de pied dans le menton, pas n'importe quel coup, un coup de pied magistrale avec une puissance effrayante.
  — Oh putain, si c'est pas un kick de qualité ça, je sais pas comment ça s'appelle, soufflai-je.
 Il n'avait pas l'air d'adhérer aux pratiques de Kiyomasa ce qui me rassurait grandement, même si je ne le connaissais que depuis quelques minutes, il était clair que ce garçon avait des principes en adéquation avec les miens.
 — Jouer les Bookmakers c'est pour les crevards.
  — Le Tokyo Manjikai ne s'abaisse pas à ce genre de conneries bande de bouffons, compléta l'accompagnant de Mikey.
 Effondré au sol, l'ancien persécuteur de mes amis gisait dans un état de coma et cela en seulement deux coups du chef de gang, un vrai monstre. Cette vision eut pour effet de me soulager même s'il n'était jamais bien de se réjouir du malheur d'un autre, ce type là le méritait amplement.
  — Takemichou, Liv'chou, a plus.
 Après un dernier sourire sur son visage taché de quelques gouttes de sang appartenant à sa victime, Mikey disparu accompagné de celui que j'avais cru entendre s'appeler Draken.

  Aussitôt que la foule fut dispersé, Kazushi et Makoto se jetèrent sur nous.
  — Takemichi, t'as été incroyable !
 — Vous avez tapé dans l'œil du chef du Tokyo Manjikai !
   Le visage du blond devint alors livide comme un cadavre, ses mains vinrent se poser sur son crane de manière dramatique.
  — C'est si terrible que ça ? Ne me dites pas que ce type est un psychopathe sanguinaire qui aime tuer des gens.
  Un court blanc s'en suivit de ma réflexion.
  — Takemichou, Liv'chou.
  — Mikey à decider de vous appeler comme ça, ce sont vos noms maintenant.
  Le brun aux lunettes mit les mains dans ses poches tandis que Makoto bombait le torse pour se grandir dans le but d'imiter ridiculement Mikey et Draken.
  — Vous avez vraiment l'air débiles, pouffai-je malgré moi en les voyant reconstituer la scène qui s'était déroulé plus tôt.
  Je ne comprenais que trop bien leur euphorie, je la partageais, désormais, ils n'étaient plus les esclaves de Kiyomasa, désormais, tout ira mieux.
 — Tu sais Liv', tu nous as vraiment fait flipper en te jetant dans le tas. T'aurais pu te blesser.
 — Ta gueule Takuya ! T'as pas vu comment elle a défoncé Akaishi, c'était trop cool ! affirma Kazushi.
 — J'avoue que j'ai grave géré, vous inquiétez pas, maintenant c'est moi qui vous protégerais.
  Tous les garçons prirent une mine outrée avant de rire. Ma réplique avait été très frimeuse et surjouée mais au fond, je comptais vraiment les protéger comme Takemichi venait de les sauver.
 — Plus sérieusement, comment t'as fait ça ? me demanda ce dernier. C'était pas vraiment comme la fois avec Shirai.
  — Je pense que c'est à force de vous observer vous battre mais surtout une bonne dose d'adrénaline. J'aimerai bien le refaire à l'avenir mais bon, on verra bien ce que ça va donner. D'ailleurs, y'a moyen d'en savoir un peu plus sur ce gang ?
  Remontant ses lunettes sur son nez dans une mimique connaisseuse, Kazushi se planta devant moi.
  — Le gang Tokyo Manjikai abrégé Toman, est le gang qui domine tout Shibuya. Mikey aussi surnommé Mikey l'invincible, c'est leur chef et le type hyper grand qui est avec lui s'appelle Draken, c'est son bras droit.
  — Mmh, d'accord. C'est pas un truc de drogue et tout du coup. Vous pensez vraiment qu'on va le revoir ? Je veux dire, je vois pas trop ce qu'on pourrais lui apporter.
  Pour toute réponse, tous se terrèrent dans un silence de mort avant de continuer à jouer à leur jeu d'imitation qui eut le don de me fatiguer. De ce fait, après les avoir salués et parce que la nuit commençait déjà à tomber, je rentrai chez moi exténué de cette journée mais pas mécontente de ce qu'il s'était produit. Enfin, après plusieurs mois, nous allions pouvoir revivre tranquillement. Malgré ça, la sensation de ne pas comprendre les intentions de ce Mikey envers nous ne me quittait pas. Avait-il eu pitié de voir un garçon couvert de blessure à cause d'un de ses subordonné ?

Tsuyoi [Tokyo Revenger]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant