Chapitre 8

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   La voûte suspendue au-dessus de nos têtes, en clair, le ciel nocturne, couvert de sombres nuages, empêchait la lune d'éclairer l'endroit parsemé d'arbres non loin du festival. L'averse inondait presque le sol à tel point que les bouches d'égouts ne pouvaient absorber l'excédent d'eau, le son causé par la pluie battante m'empêchait de réfléchir clairement. Le coton de mes vêtements collait dans une désagréable sensation de seconde peau encombrante. C'était désagréable. En nage dans mes chaussures, j'avançai, sans réel idée de l'endroit où aller, du moment que je pouvais retrouver les autres et que le ciel ne grondait pas, tout ne pouvait que bien aller. A travers branches et feuilles supposément vertes, transcendait de couleur orangé, une lumière artificielle, sûrement celle des mêmes lanternes dont j'avais admiré la beauté plus tôt. Seule au milieu de l'obscurité, je m'avançai à grandes enjambées évitant maladroitement quelques grandes flaques d'eau au milieu du passage pour déboucher sur un parking. Ça aurait pu être un de mes arrêts parmi tant d'autres comme je le faisais depuis quelques minutes mais la vue d'un grand groupe de garçons habillés de blanc dans un uniforme que je ne connaissais que trop bien, m'obligea à arrêter tout mouvement. Au centre de toute l'attention et sûrement la cause de la dizaine de jeunes à terre baignant dans une marre d'eau aux reflets de l'arc en ciel, dépôt d'essence des moteurs de voitures, Draken dont le front était plus couvert de sang que de sueur, se battait à coup de poings. Que lui était-il arrivé ? Nous étions bien à Shibuya, le territoire du Toman alors pourquoi Moebius frôlait-il le sol de ce quartier ?

 
    — Draken, ça va ? demandai-je en m'approchant subitement inquiète de son état.

    — Oh...Livia, c'est toi. T'étais barré où ?

    — Vous vous êtes barrés sans moi, il se passe quoi là ? Pourquoi Moebius est là ?

 
    Mon pied se posa sur quelque chose avant que je ne baisse le regard. Une main.

 
    — Merde, désolé.

    — C'est qui cette nana ? intervint un membre du gang adverse.

    — Recules, je m'en occupe.

    — T'es dingue ou quoi ? Faut surtout que tu te stoppe, t'as vu dans l'état que t'es ?

    Là, au milieu de ces types en uniformes blanc, une tache noire se distinguait et nous fixait avec rancoeur avant de faire un pas en avant.

    — Vous arrêtez pas, il est presque fini, fumez-le !

    — Peh-yan ? Pourquoi t'es là...Avec Moebius ?

    Je ne comprenais pas. Que faisait-il à se tenir parmi la horde d'ennemis, ils étaient au moins une bonne centaine pour se dresser seulement devant Draken ?

    — Bandes de lâches ! hurla Emma à une trentaine de mètres plus loin derrière nous, je ne l'avais même pas remarqué en passant. Vous l'avez attaqué par derrière avec une batte ! Vous avez vu combien vous êtes ?

    Sans même se poser plus de questions, deux ennemis virent à la charge, poings en avant sous cette pluie désormais fine, un coup sur le torse m'obligea à reculer de cinq bons mètres. Perdue, je lançai un regard à Draken, le grand blond au dos voûté par la fatigue me tournait le dos, boum, d'un grand coup, il envoya valsé l'opposant.

 
    — Recules Liv'.

 
    Lui, seul face à une centaine de gars, c'était impossible, de plus, il était blessé, nul doute que cela n'allait plus durer longtemps et je n'étais pas d'une grande utilité non plus. Certe, aux côtés de Baji et Chifuyu, le combat de rue n'avait duré que quelques minutes où ma capacité à me défendre s'était révélé plutôt optimiste mais là...se lancer dans cette bataille revenait à signer son arrêt de mort.

 
    — Et merde ! hurlai-je en contournant mon allié pour, je ne sais comment, balancer un coup de pied dans l'estomac du deuxième garçon plus âgé. Je peux pas te laisser te battre tout seul sous mon nez. Sérieux, vous cassez les couilles à attirer les problèmes, un jour vous allez tous finir par crever. T'as vu le nombre de pelos en face ?

 
    Un rire rauque face à ma réflexion plus que véridique tandis que le pauvre, non, il l'avait mérité, le non-pauvre garçon se tordait de douleur au sol. Encore heureux, j'y avais mis toute ma force. Enfin, c'était sans doute un bien grand mot puisque ma force brute se résumait clairement à ne pas réussir à ouvrir un pot de moutarde. Heureusement que d'autres pouvaient le faire à ma place, mon père par exemple, sans lui a la maison, je ne sais comment je pourrais m'en sortir. Rester deux heures devant un pauvre bocal de confiture, c'était pas une vie. Triste et humiliant mais sans doute devais-je bien avoir d'autres points forts.

 
    — T'es vraiment obstinée, grogna Draken en assommant de justesse un énième adversaire. 

           Je cherchai des yeux le dit parapluie étalé à côté de celui que je venais toute juste de frapper. Celui-ci, voyant clair dans mon intention, mit ses poings en évidence après s'être redressé. Apparemment, j'avais pas frappé assez fort.

  — Si tu le sens pas, vas rejoindre Emma.

  — Ça va aller, c'est plutôt à moi de te dire ça. Forces pas trop.

  Comme pour prouver ma détermination, bien que ma peur était sûrement très supérieure à ma confiance, je m'élançai. Trop de mondes, on en viendrait jamais à bout à nous deux. Pas avec mon niveau actuel et ma seule connaissance de quelques livres d'art martiaux, la pratique était très différente. Le coup de poing lancé frôla le haut de mon crâne, l'eau sur le sol me fit déraper, je manquai de trébucher. Ne sait-on comment, sûrement avec l'élan, il bascula en avant, j'y vis une opportunité et en une petite seconde, sans même vraiment réfléchir, mon épaule vint violemment s'entrechoquer avec ses jambes. Quasiment peu de temps après, je me relevai, parapluie enfin en main puis, face au gang devant nous, pris un visage le plus fermé de toute peur possible.

  — Attention, le prochain qui s'approche, je lui fracasse le crâne !

  Ma réflexion eut sans doute l'effet inverse, ils ne prirent même pas le temps de se méfier et me foncèrent directement dessus. Ça n'était pas ce que j'avais initialement prévu. Infériorité tant numérique que par les compétences au combat, l'esquive me semblait, encore une fois, être la meilleure solution face à ces garçons avides de violences. A y réfléchir, j'étais terrifié à l'idée de ne pas faire le poids et ,d'au final, plus gêner Draken que de l'aider. Battes de baseball, barres de fer et surtout, grande supériorité numérique, les minces chances de s'en sortir ne s'imposaient même pas dans mon esprit tout simplement parce que j'étais persuadé qu'on allait se faire écraser. Soudain, j'eus envie de partir loin. Prendre la fuite mais mes jambes tremblaient beaucoup trop pour espérer me sortir de ce bourbier. Ça valait bien la peine de faire semblant d'avoir confiance en soi...Ce que j'étais pitoyable. Une femme forte, et puis quoi encore si je n'étais même pas capable d'écraser ce foutu parapluie sur le sale visage des gars de Moebius ? Mon rire rauque et sans aucune joie résonna sur ce parking, un rire nerveux.

  — Merde, je suis vraiment inutile. Je suis désolé, je flippe trop. T'es blessé, je devrai pouvoir t'assurer que je peux te protéger mais au final c'est l'inverse.

  — C'est normal d'avoir peur, moi aussi j'ai peur.

  — Arrête de mentir.

  Draken, dont la longue tresse blonde encore trempée voltigea à peine lorsqu'il tourna la tête, m'adressa un fin sourire au travers de son visage taché de sang.

  — C'est la vérité, le tout c'est de ne pas le montrer et de la dominer parce qu'elle sert à que dalle, commença t-il en balayant un énième adversaire. Tu peux avoir peur mais ne te laisse pas contrôler par elle.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 27, 2022 ⏰

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Tsuyoi [Tokyo Revenger]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant