Comme un pincement dans mon cœur, imperceptible. Une épine ardente, pour tout avouer. Mon organe s'embrase, tel un buisson de ronces, auprès duquel on venait de craquer une allumette. Cette chaleur m'envahie, m'enivre. La vie m'habite et j'inspire pour ce que je crois être la première fois de ma si petite vie.
J'ouvre mes paupières, dont la peau s'écrase au fur et à mesure que je lutte pour les maintenir éveillées. J'ai l'impression de voir le monde à travers des hublots à double foyer collés à mes pupilles. La lumière blanche m'aveugle mais réchauffe mon corps pelucheux. Oh... c'est un rayon de soleil. Ce dernier cherche à transpercer un nuage imposant. A travers une vitre, souillée par des traces de doigts, j'observe un ciel gris bourré d'inquiétudes, avec un air accablé... il ne demande qu'à laisser ses larmes se répandre au gré de ses nombreux coussins de poussière. Je sais que les nuages sont les éléments les plus tristes qu'il m'est été donné de côtoyer. Comme s'ils portaient la tristesse du monde entier sur leurs épaules.
Une odeur âcre me chatouille la truffe. Comme si j'étais entourée de pins géants. Alors que je reprends peu à peu mes esprits, je distingue l'intérieur d'une maison tapissée de bois. La convivialité et la chaleur, qui ont jadis habitées cette somptueuse demeure, sont désormais bien absentes. Les murs donnent l'impression d'un chalet des Hautes Alpes. Des tableaux y sont accrochés, représentants divers paysages. Les propriétaires devaient avoir l'esprit voyageur, je les imagine comme des aventuriers, à la conquête de nouvelles cultures. Peut-être sont-ils partis en vacances? A l'autre bout du monde? Peut-être vont-ils pouvoir ajouter une nouvelle toile à cet abri qui semble abandonné. Pourtant on peut sentir qu'il y a eu de l'Amour ici.
D'un coup tout me parait plus familier. Les rideaux beiges, accrochés par une boucle dorée. Une tâche au sol, que je déduis être du jus de raisin, l'escalier en colimaçon qui a vu plus d'une chute...J'ai vécu ici... dans cette famille. Car oui, je suppose que plusieurs êtres humains liés par des attachements sacrés ont habité cette maison. Je me remémore alors le doux parfum chaud, d'un délicieux gâteau aux pommes. Préparé dans les règles de l'art, avec cette touche de cannelle que Maman sait rajouter sans que cela ne devienne écœurant. Il y a une Maman...
La chaleur du four, qui tourne à plein régime, envahie nos corps et atteint nos cœurs. J'observe minutieusement la préparation de cette pâtisserie. Le découpage en quartier des pommes dans un seul et même bruit de lame, "Scouitch". Le grondement, se dégageant du fourneau, comme une mélodie de fond, faisant bourdonner mes oreilles. L'attente cuisante d'être le premier à lécher la spatule, immaculée de pâte préalablement mélangée dans un tourbillon vanillé.
Mais Maman nous demande d'être patients. Sa voix, pleine d'affection. Il y a une Maman... Elle est douce, elle prend soin de nous, ses câlins et baisers sont les plus rassurants du monde. Le gâteau sera tout aussi savoureux que de regarder Maman le préparer avec tant d'Amour. Tout me revient en mémoire, comme un ordinateur ayant stocké une multitude de souvenirs précieux.Mon corps s'est relevé, l'esprit plongé dans mes réminiscences, pour parcourir les longs couloirs, en quête d'identité. Qui suis-je? Pourquoi me voilà si seul dans un lieu si familier? Est ce que je fais partie de ces proches? Est-ce MA famille?
Malgré les rayons qui émergent au fil des différentes fenêtres que je rencontre, le ciel reste grisâtre ce qui rend l'atmosphère lourde et sombre. Je me sens si seul à présent. Pourtant en atteignant la cuisine, une effervescence me vient en tête. Les festivités étaient nombreuses autrefois, au point de s'affairer à la moindre tâche confiée par Maman. Je pense avoir mis la main à la pâte plus d'une fois.
Je me remémore entre autre le récit d'une bataille de farine, le sol recouvert d'un lit de neige poudrée. Un flash dans mon esprit lorsque j'aperçois mon reflet dans la vitre du four. Me voilà dans une condition peu rajeunissante. Mes boutons, toutefois toujours en place, supplantant mon veston émeraude. Ma chemise blanche délavée, rentrée dans un blue-jean légèrement troué. Je suis pratiquement intacte, mais portant encore les séquelles de cette guerre familiale et bon enfant. Papa dans la précipitation, et dans un moment d'égarement, m'avait oublié au sol et m'a aspiré avec l'objet de l'enfer dont les humains se servent pour faire un brin de ménage. Avec horreur il s'était dépêché de me rattraper, m'arrachant de la gueule de l'engin, laissant une de mes oreilles dans un bien triste état.
Mais Maman était là, heureusement. Ses petits doigts de fée m'ont rafistolé. J'ai désormais une oreille recousue, elle donne l'impression d'être cassée. Toujours en observant mon image, je palpe ce pavillon raccommodé. Mon aspect paraît plus abîmé, vieilli, néanmoins je sens que l'on m'a toujours aimé, avec beaucoup de tendresse et d'innocence. Peu importe mes imperfections et les traces du temps qui ont raison de toute chose... Toujours est-il que c'est ce qui forge les souvenirs d'une vie passée. Ma vie.
Les bribes se rassemblent et mon passé réintègre doucement l'Histoire.Allons plus loin, bien avant tout cela.
- Réfléchis, réfléchis!
Un éclair traversant ma tête, une douleur lancinante, tout est là, aussi fraichement que la bise du matin.Ma création est une histoire assez fascinante, pour ne pas dire insensée. Je suis né pendant une belle soirée de Printemps. Mais laissez-moi avant tout vous parler de mes origines, de mon ciel étoilé. Plus tôt dans la journée, le soleil était à son apogée, mais fatigué et las de tant d'efforts. Il avait décidé de briller de milles feux, car il aurait fallu, selon lui, une lumière éclatante pour accueillir et honorer un événement tel que celui qui allait s'annoncer. Il était présent, attentif et impatient du moindre bouleversement. Finalement, l'attente étant trop longue, il laissa sa place à Morphée. Le soleil disparu dans un dernier coup d'œil, une dernière étincelle, un dernier espoir... Mais rien. Les étoiles pointèrent le bout de leurs branches pointues. Plus agressives, plus désireuses encore que l'astre doré. Et elles comprirent que le moment était venu. Celui de me faire naître, car le monde des humains accueillait lui aussi la plus belle chose qui soit, un bébé. Nous étions crée en vue de la naissance imminente d'un Bébé. La lune, dans toute sa bonté, m'envoya telle une comète de l'âme. Mon spectre traversa une galaxie enchantée dans ce qui serait finalement mon corps de vie. La vie sur Terre... endroit merveilleux où j'aurais une seule et unique mission à accomplir: aimer autant que l'on m'aimera.
Je me suis éveillé en petit ourson tout rempli, tout joyeux, tout neuf. A mes côtés, se trouvait alors la plus belle personne qu'il m'est été donné de rencontrer. Belle par son âme, si pure. Nous nous retrouvions tous les deux, allongés dans un berceau. Cette enfant et moi étions désormais liés à jamais par un secret... un secret qui transcende le ciel.Elle s'appelle Charlie et elle vient, tout comme moi, d'arriver dans un monde que certains jugent dangereux et insécure pour des êtres tels que nous. Mais à cet instant je suis certain d'une chose... tant que nous serons présents l'un pour l'autre, alors Charlie arrivera à surmonter toutes les épreuves d'une vie Ô combien fragile, mais qui mérite d'être vécue plus que trois fois mille.
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Mon âme étoilée.
Phiêu lưuUn ourson pelucheux se réveille dans une grande maison bien vide. Qu'est ce qu'il fait là? Pourquoi se retrouve t-il tout seul? Que doit-il accomplir? C'est en tout cas ce que va chercher à découvrir ce doudou rempli de courage, en se lançant dans...