Environ cinq minutes s’étaient écoulées, Constantin était toujours en train de chercher son CV. Quant à la dame, elle était là, complètement passible, à regarder le jeune homme qui se démerdait comme jamais. Elle n’avait l’air aucunement navrée. Qu’est-ce que cela pouvait lui faire que ce type vienne ou pas avec son curriculum ? Elle n’allait quand même pas perdre son travail à cause de ça. Au bout de quelques temps, la dame reprit ses travaux et pria Constantin de dégager. Ce dernier n’avait toujours pas trouvé ce qu’il cherchait. Alors, il sortit, désespéré et en colère. Ce n’était pas la fin du monde, dirait-on pour l’encourager. Mais c’était tout de même un énième échec puisque ce n’était pas la première fois qu’il se présentait pour un entretien.
Comme demandé, Constantin vida les lieux. La prochaine fois, il devrait faire gaffe. S’il y en aurait une, toutefois. Parce qu’il en avait déjà marre de tout ça. Marre de cette vie de merde qu’Haïti lui offrait en tant que jeune licencié, au moins. À la base, il voulait être danseur. Mais comme le lui avait maintes fois répété son daron, ça n’allait le mener nulle part. Surtout en Haïti. Alors, il avait été obligé d’abandonner pour finalement faire des études en économie. Et voilà qu’à présent, complètement fini avec ses études, il était toujours là, à ne rien faire. Il n’y avait aucune autre issue. À part faire comme tous ces jeunes qui établissaient leurs gangs un peu partout dans le pays. Mais non, Constantin n’était pas du tout intéressé par cette dangereuse facilité. Il préférait plutôt un boulot normal normal.
Sorti de l’entreprise qu’il maudissait sans cesse, le jeune homme repéra un endroit où il pourrait prendre un peu d’air. C’était une place publique où il n’y avait pas beaucoup de gens. Il était à présent dans les neuf heures. Par contre, tout près de la place, il y avait foule de gens. Il y avait des marchands de toute sorte ainsi que d’autres personnes qui achetaient. Constantin, dans son coin, pensait à ce qu’il allait donc faire de sa journée. Lui qui n’était pas habitué à se lever de si bonne heure ! Le voilà déjà en pleine rue alors qu’il était à peine neuf heures.
Constantin vérifiait sa messagerie — il était tellement pressé qu’il n’avait pas eu le temps de le faire — lorsqu’une voix l’interpella.
—Bonjour monsieur, je peux m’asseoir ?
Le monsieur en question releva la tête et remarqua une femme. Une jolie dame, pour être précis. Constantin avança aussitôt avant de répondre :
—Mais faîtes donc, chère madame, ce banc est à tout le monde.
À ces mots, l’inconnue prit place à côté de Constantin. Quelques centimètres seulement les séparaient. Le jeune homme pouvait même prendre en compte le parfum de la jeune femme. Du Yves Saint Laurent à lui exciter les narines. Après quelques moments de gênes et de regards, ils se décidèrent à ouvrir une discussion.
— Qu’est-ce qu’une jolie femme comme vous peut bien faire dans les rues de Port-au-Prince à une heure pareille ?
Constantin avait lancé l'initiative.
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