Faithless

Chapitre 2

Le soleil s'élevait sur Vermes, donnant au ciel et aux quelques nuages effilés qui le parsemaient une teinte orange et flamboyante. Les oiseaux ne chantaient pas, ils ne chantaient jamais ici, probablement parce que tout ce qui est beau était attrapé et vendu dans ces terres reculées. Ainsi on retrouvait principalement des charognards aux alentours, même si la majeure partie des vautours se situait plutôt dans la population.

Profitant de ces chaudes lumières matinales, Kelp admirait de ses yeux d'ébène ce tas de ruine et de peste qu'il dirigeait dans l'ombre. Le jeune korrigan était fier de cet endroit, de ce repaire de truands, d'escrocs et de trafiquants, car tous avaient compris leur rôles et celui de cette cité, tous étaient de dignes émissaires de Cupidité. Bien plus dignes que ces imbéciles de la capitale et leur balais dans le derrière, primant toujours "la recherche du bonheur individuel, mais-sans-pour-autant-gêner-celle-des-autres", qu'ils étaient niais et crédules... Pour lui la recherche du bonheur n'était autre que celle du pouvoir, et s'il ne s'exerçait pas sur les autres, quel intérêt ? Ce monde reposait sur la loi du plus fort, il lui était inconcevable que de pauvres naïfs comme ceux qui vivaient au cœur du Second Vice puissent se permettre de le prendre de haut.

Il sortit de ses réflexions et s'éloigna de sa terrasse pour s'assoir à son bureau, la vue avait beau être superbe il ne fallait pas qu'elle le distrait de son travail plus longtemps. Il avait une ville à superviser et orchestrer. En théorie, le système était simple, la population était divisée en deux catégories : Les forts, et les faibles. Les faibles doivent tout aux forts et quand ce n'est pas assez, il doivent travailler pour d'autres forts pour rembourser leurs dettes. Pendant ce temps les forts s'organisent, ils créent des groupes pour mieux exploiter les faibles, et quand un de ces groupes n'exploite pas assez, alors il devient un groupe de faibles et le cycle continue.

Et puis il y avait lui et sa milice. Techniquement il n'était pas censé être celui qui régnait sur la ville, mais en pratique c'était lui que les forts tout comme les faibles craignaient et respectaient. C'était lui qui permettait au divers groupes d'organiser leurs magouilles, et en échange il attendait du respect et de l'obéissance quand les circonstances le demandaient.

On frappa à sa porte; sans attendre de réponse, un jeune homme entra, lettre à la main.

"-Message à remettre à Maître Gosb, mains propres uniquement." Dit-il froidement, le regard fixe.

"-Deux couloirs plus loin, mais laissez le moi je lui donnerai.

-Je regrette mais ce message doit être remis en mains propres.

-J'ai bien compris, je lui remettrai des miennes. Donnez moi la lettre."

Alors qu'il finissait sa phrase, Kelp se leva. Malgré sa taille guère plus grande que celle du messager, il restait imposant. Ses yeux opaque rivés dans ceux de l'effronté, il se répéta.

"Je lui remettrai. Vous pouvez me faire confiance."

Son ton était devenu lourd, menaçant. Le messager poussa un soupir, lui tendit la lettre et retraça son chemin, jugeant qu'il ne valait mieux pas mettre sa santé en jeu pour un simple travail aussi bien payé soit-il.

L'idiot disparu, le Korrigan ouvrit la missive pour y découvrir une opportunité, le genre que Gosb et ses deux neurones n'auraient jamais saisi sans la certitude qu'une récompense était à la clé. Stupides Séraphins et leurs lois narcissiques. N'autoriser qu'aux ressortissants de leur propre races de régner quand de talentueux et prometteurs individus tel que lui étaient à portée ! Surtout pour qu'un crétin de démon comme Gosb se retrouve en charge de Vermes... Il avait toujours pensé qu'ils avaient tous un complexe de supériorité de toute façon. Pour Kelp c'était différent, il avait toujours su qu'il était supérieur, de plus personne n'avait jamais osé ne serait-ce qu'essayé de lui prouver le contraire , preuve absolue de sa supériorité à ces pauvres pions !