Prologue

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Malgré les battements de mon cœur qui s'accélèrent, je tente de garder un air indifférent et un souffle tranquille. Au sein de la foule, personne ne pourrait me repérer, mais mon tempérament me force à prendre toutes les précautions nécessaires. Je déambule ainsi, prenant soin de ne heurter nul passant, afin de ne pas attirer l'attention. Je traverse donc le petit marché de notre village, un des seuls événements qui réunisse autant les habitants, aucun d'eux ne se serait permis de le manquer! C'est une institution depuis un temps immémorial! Je passe donc devant de nombreux étals avant de m'arrêter près de celui que je convoite, celui du maraîcher. Je ne m'approche pas immédiatement, prenant soin de surveiller que personne ne verra la faute que je m'apprête à commettre. Une fois confiante, je m'avance rapidement, et subtilise discrètement trois pommes, puis m'éloigne en gardant mon air impassible. Tout en espérant ne pas m'être fait repérer, je serpente dans les ruelles en direction de ma maison.

Coteaubourg est un joli petit village très authentique. Peu d'habitants, des petites bâtisses de pierres grises et roses et de bois, ses bocages, ses collines, et son argentine rivière; tant d'éléments marquant le charme de cette bourgade et qui inspirent la sérénité! De part sa taille et son emplacement, il ne s'y déroule naturellement presque aucun événement; les seuls centres d'intérêts étant l'auberge, le marché et les fêtes de villages, toutes regroupées sur la place centrale, un grand espace entouré de magnifiques demeures où trône, au centre, une sublime fontaine où toujours coule l'eau cristalline.

Je m'engouffre rapidement dans d'étroits passages, à l'abri des regards indiscrets. Ces allées, si familières, me permettent de vite rejoindre mon logis situé dans un petit quartier en amont du village. Après de longues minutes de marche et d'attention, j'ouvre le portique de mon jardin, entre dans la maison, et ne me détends qu'une fois la porte refermée.

Là, je me sens en sécurité. Cette demeure est chaleureuse dès que l'on en passe le seuil. Dans l'entrée toute de chêne faite se réverbèrent les couleurs chaudes de l'âtre situé dans la pièce de gauche, un séjour simple où ne se trouvent qu'une table, des fauteuils, une petite bibliothèque, et la porte menant dans la chambre de mes parents. En face du vestibule se trouve la cuisine, et à droite, un escalier qui mène à la salle de bain, un petit bureau et enfin ma chambre, pièce que j'affectionne particulièrement de part les heures que j'y ai passées à rêvasser, dessiner, philosopher et m'évader dans mes idéaux.

Je range ma veste légère et prends le temps d'observer une photo de famille encadrée et posée sur une commode. On me voit, moi, la petite Iellista plus jeune, aux côtés des mes parents, ou plutôt parents adoptifs. Ils m'ont recueillie lorsque j'avais environ cinq ans, j'étais seule, abandonnée dans les bois, amnésique. Ils m'ont élevée et se sont à merveille occupés de moi, je ne pouvais rêver meilleure enfance. Malgré nos faibles moyens, nous avons été une famille soudée et aimante durant ces quatre belles années. Tant de tendresse et d'amour qui se sont brutalement arrêtés, un triste jour d'automne. Lorsque j'ai appris leur disparition éternelle, j'ai été dévastée, les larmes ont coulé en abondance sur mon visage juvénile. J'ai été d'autant plus triste quand tout le monde a refusé de s'occuper de cette jeune enfant orpheline. Je vis donc -ou survis plutôt- en solitaire depuis six années désormais. Avec le temps, j'ai compris que je ne pourrais avoir une vie paisible, étant obligée de dérober quelques pièces ou vivres de ci de là. Je sais que cela me créera des ennuis un jour.

Mais je fais fi de tout ça, cesse d'y penser, et reprends mon rangement. Après avoir posé le sac dans lequel se trouve mon maigre butin de la journée, je prends un des fruits juteux et gorgé de soleil puis m'installe sur la terrasse, face à la vallée. Ah! que je suis bien dans ma maison nichée au cœur des collines. Cette propriété et ce qu'elle contient sont les seules choses qui m'appartiennent réellement, grâce à mes parents. Mais ai-je vraiment une attache dans ce pays-ci? Je n'en suis pas si sûre. En effet, j'ai toujours cru -et continue toujours de croire- que mes origines sont dans un autre village. Souvent, la nuit, je rêve avoir mes réels parents à mes côtés tandis que l'on voyage de bourg en bourg à la recherche d'un lieu où poser notre étal de denrées. Ils sont courageux, beaux, ma mère me ressemblant en tous points, des cheveux châtains soyeux, un corps svelte, gracieux, une voix mélodieuse mais mon père m'aurait fait hériter d'une grande taille,et surtout de ses yeux azur. Nous étions heureux sous le soleil ardent, cheminant à travers la contrée, faisant de nouvelles rencontres et découvrant de nouveaux paysages sans cesse; en clair, une famille parfaite. Voici l'image qui s'est formée dans mon esprit au fil des années. Mais ce n'est qu'un tableau, sûrement trop idéal pour être réaliste. Quand cette fatalité se rappelle à ma conscience, un accablement s'empare de moi; jamais je ne connaîtrai la vérité sur mon identité et mon passé; dix ans après, personne ne peut me reconnaître. En bref, ma vie n'est forgée que d'illusions. Mais tandis que je pense à tout cela, le sommeil me gagne; et je finis par m'endormir profondément.

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