Chapitre 2

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  Les heures défilent mais donnent une impression d'éternité. Je suis restée toute la nuit éveillée afin de ne pas rater le départ des deux hommes de la chambre voisine. Il va falloir que je les suive, la curiosité m'y oblige.

  L'aube approche, je descends déjà m'asseoir à une des tables de l'auberge, pour surveiller le départ des deux inconnus. Tapie dans l'ombre, je les vois sortir sans un bruit quelques dizaines de minutes plus tard. Je me lève, dépose une vingtaine de pièces sur le comptoir, et sors sans attendre. Je les aperçois de nouveau, pas très loin, à l'intersection qui mène aux sorties du village. L'un d'eux se dirige vers l'ouest,  en direction de Pigenraw, et l'autre vers le sud, pour Tithenael. Je décide de prendre la route méridionale, et de suivre le plus jeune des deux hommes.
  Il avance vite, je dois tenir un rythme soutenu tout en atténuant au maximum le bruit de mes pas. Nous sortons du village, mais à mon grand étonnement, il ne reste pas sur le chemin balisé, il s'enfonce dans les sombres et hautes herbes qui s'étendent à perte de vue. Combien de temps continuons-nous sur ce terrain, je ne saurais le dire, mais tout à coup il s'arrête. Nous sommes au milieu de nulle part, Caraslond est loin derrière nous et nous ne voyons rien à l'horizon, à part les premières lueurs du jour.
  Puis une intense lumière surgit, me faisant sursauter. Qu'est-ce ? Je me retourne vers l'homme et aperçoit un cercle blanc entouré d'étincelles vertes. Il s'y engouffre. Prise de court, je ne sais quoi faire. Puis, même si j'ai un peu peur de cette magie inconnue, je cours rejoindre l'homme. À mon grand étonnement, je ne sens même pas le passage du vortex. Non, au contraire je ressens sa fermeture, un froid me glace la gorge. Je sais immédiatement ce que c'est, une sensation de métal sur ma peau juvénile, une lame tranchante. Je vois ma courte vie défiler. J'ai peur, comme jamais je n'ai été terrifiée.

-Pourquoi me suis-tu depuis Caraslond? fit une voix cristalline.

-Désolé, désolé, je n'aurais pas dû !déclaré-je apeurée.

-Qui es-tu et pourquoi m'as-tu suivi, je ne répéterai pas éternellement ma question!

-Je m'appelle Iellista, je viens de Coteaubourg, et...

  Avant que j'ai le temps de terminer, il relâche son étreinte afin de me permettre de m'exprimer plus aisément.

-Merci, bredouillé-je. Je séjournais une nuit à l'auberge dans la chambre attenante à la vôtre, et j'ai entendu votre conversation. Ne sachant où aller, j'ai décidé de vous suivre. 

-Tu as de la chance de ne pas avoir suivi mon compagnon, il t'aurait immédiatement tuée.

L'expression effarée de mon visage le fait sourire.

-Tu as l'air étonnée, commente-t-il, mais tu ne sais même pas qui tu suis, tu ne m'aurais pas épié si tu l'avais su.

-Je suis désolée, je changerai mon chemin si vous le désirez.

-Tu ne sais même pas où tu as atterri, et, sachant que tu viens de Coteaubourg, tu ne dois pas connaître la région. Je commettrais une erreur en te laissant ici, seule et vulnérable.

-Rien ne vous oblige à m'emmener avec vous, je retrouverai bien un sentier...

-Non, pas ici, me coupe-t-il.

-Pourquoi ?

-Nous sommes au milieu de la forêt de Tithè. Je t'ai emmenée ici afin que tu ne puisses t'enfuir dans le cas où tu aurais été une ennemie, mais je ne détecte aucune aura négative en toi.

-Comment pouvez-vous détecter une aura?

-Connais-tu l'histoire du monde?

 
-Non, me désolé-je.

-Alors avançons sur le chemin, tu apprendras des choses si je sens que je peux avoir confiance en toi, sinon, dans le prochain village, nous routes se distingueront.

-Bien. Puis-je connaître votre nom? lui demandé-je, même s' il avait l'air de vouloir laisser planer le mystère autour de lui.

-Je m'appelle Dolthir.

Puis après un instant de silence.

-Bien, nous longerons les Emyn Tinnu jusqu'à Sennascaras, puis nous aviserons.

 
-Pourquoi ne pas se déplacer avec le portail?

-Je veux passer du temps avec toi pour savoir si je peux t'accorder ma confiance. Bien, partons sans tarder.

Nous marchons à un rythme rapide, mais aucun de nous deux ne se fatigue. Un long temps passe sans que nous ne parlions. Puis à un moment l'envie lui pris de briser le silence.

-Tu n'as jamais voyagé ?

 
-Non, durant mon enfance, le village le plus lointain où je suis allée est Caraslond, et je connais les collines aux alentours de Coteaubourg, mais jamais l'on ne m'a permis d'aller plus loin.

-Tu ne sais donc pas où on va?

-Si, hier soir j'ai étudié la carte de Cuilamar.

-Bien, au moins tu ne seras pas trop perdue, mais ne te fie pas à ce que tu connais; ici, tu vas découvrir des choses qui t'étonneront.

-Comme quoi? m'étonné-je.

Il ne me donne pas de réponse à cette question. Nous replongeons dans le silence le reste de la journée, jusqu'à la tombée de la nuit où enfin nous nous arrêtons.

-Ce coin est plutôt abrité et personne ne passe ici, même des créatures sauvages. Nous serons tranquilles pour la nuit.

-Où sommes-nous, dis-je essoufflée.

 
-Près de la rivière, au sud-ouest du chemin qui relie Bachorost à Célesty.

-Déjà! m'exclamé-je, mais nous avons parcouru une grande distance!

-Notre condition nous permet de marcher en courant presque, sans nous fatiguer, et puis nous avons marché une journée complète.

 
-Certes mais cela reste un exploit.

-Pas quand tu en as l'habitude. Mais assieds-toi et mange ça, me dit-il en me donnant quelques fruits secs et une pomme.

 
-Merci beaucoup !

-Ce soir, repose-toi bien car demain nous partirons peu après l'aube, afin d'arriver à Sennascaras le soir.

 
-D'accord, mais l'environnement autour du chemin va-il avoir éternellement la même apparence?Enfin, je veux dire que nous n'avons vu ni lac, ni ville, ni rien de nouveau depuis la sortie de la forêt Tithè?

 
-Si justement il va y avoir du changement, prends cette dague, elle pourrait t'être utile en cas d'attaque d'animaux agressifs, nous risquons d'en rencontrer sur cette portion du chemin.

 
-Je vous remercie de ce présent, mais je ne sais m'en servir correctement...

-Ton instinct te guidera, crois-moi.

-Mais je n'en ai jamais tenu.

-Tu n'as pas besoin que je t'apprennes ce soir, et puis ça te fatiguerait inutilement. Justement, allons dormir.

Il sort alors deux couvertures de sa besace et m'en tend une dans laquelle je pourrais me blottir. Je le remercie et me pose près d'un abri rocheux qui me protège du vent, à défaut d'avoir fait un feu de camp pour nous réchauffer. Après de longues minutes de réflexion sur mon devenir auprès de cet homme mystérieux, je plonge finalement dans un sommeil peu réparateur animé de rêves d'éclats de lumière émeraude.

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