- 5 -

1K 177 231
                                    

Vendredi 2 juillet

Another Round - Elina

John est toujours au même endroit ces derniers jours : derrière son bureau. Il n'est pas ressorti de chez lui de la semaine. Celle-ci a filé si vite. Mais honnêtement, ça fait longtemps qu'il n'a pas autant été inspiré. Éric arrive dimanche soir à l'aéroport de Blagnac et John est soulagé de se dire qu'il ne sera plus seul. Depuis la dernière fois qu'il a eu de ses nouvelles, apparemment les choses s'améliorent. Le scandale commence à se calmer. Il fronce les sourcils. La constriction dans sa poitrine est toujours là quand il pense au fait qu'il ne peut plus sortir sans être en sécurité, quand il sait qu'il ne peut faire confiance à personne à part son staff, à part Éric. Ça lui donne de nouveau envie de pleurer. Néanmoins, il en a vraiment assez de chialer. Il ne fait que ça en ce moment.

Son téléphone sonne et il gronde quand il voit afficher : 아빠 (appa). Cette fois, ça y est, il ne pourra pas y échapper plus longtemps. John déglutit avec difficulté. Si son père l'appelle, c'est qu'il a fini d'attendre que John le fasse.

— Allô ?
— Mon fils, bonjour.

Comme toujours, son père a sa voix de grand patron. John se tend. Ce n'est pas qu'il a peur de lui, c'est juste qu'il a parfois l'impression qu'il n'est plus celui qui lui a donné offert la vie, mais bien son patron. C'est comme ça depuis que John a eu dix-huit ans et a commencé à travailler pour son entreprise.

— Appa.
— Ravi de voir que tu es vivant alors que l'équipe retourne ciel et terre pour régler la situation dans laquelle tu nous as mise.
— Tu sais très bien ce qu'il s'est passé, siffle-t-il entre ses dents. Je n'y suis pour rien. Je n'avais aucun moyen de sa...
— Assez. Tu es un adulte, Jeong-Min. Tu as des responsabilités. Il faut maintenant les assumer.

Les jointures de John blanchissent. Il a bien envie de lui rétorquer la même chose.

Qu'en est-il de tes responsabilités papa? Pourquoi ne suis-je plus un fils à tes yeux? Pourquoi ne voir que ton entreprise à la place de ma tête?

Il tremble. Il savait que ce ne serait pas une bonne idée de discuter avec son père. Celui-ci se fiche de savoir comment lui il va après ce qu'il s'est passé. Il ne veut rien savoir à part ce que John a fait pendant sa semaine loin de la capitale.

— J'assume, répond John, les dents serrées.

Il sait très bien qu'il est inutile de répondre et d'être insolent. À la fin, il ferait quand même ce qu'il attend de lui. Il ne peut pas faire autrement. Ne sait pas faire autrement.

— Bien. Éric arrive dimanche, il s'occupera de tout pour ton retour médiatique la semaine prochaine. En attendant, ne sort pas et ne fait rien que je ne ferai pas.

C'est à dire, « Reste enfermé à double tour dans ta tour d'ivoire, John ! »

— Si la presse apprend que tu es à Toulouse, nous aurons effectué tout cela pour rien.
— Oui, Jungwan-nim.

Si son père pense qu'il va s'empêcher de voir Jimmy demain, il se fourre le doigt dans l'œil.

— Plus de sécurité arrivera avec Éric et à ce moment-là, tu pourras te déplacer, mais en attendant, tu ne bouges pas. Nous sortons un communiqué demain sur le sujet. Je vais te demander d'éviter d'aller sur les réseaux sociaux.
— Entendu.

C'est à peine si John les consulte ces derniers jours de toute façon. Ça l'angoisse. Son père conclut la conversation, raccroche, et à nouveau, John est seul. Il laisse échapper un long soupir. Vivement qu'Éric arrive. Parfois, il aimerait pouvoir tout envoyer chier, mais ensuite, il songe à tous ces gens, ses fans qui l'attendent et comptent sur lui. Et il regrette de penser ça. Il se dit qu'il est égoïste et qu'il a une chance inouïe d'en être là où il est. Que des milliers de personnes rêveraient d'être à sa place. Seulement, ils n'ont aucune idée de quoi il s'agit. S'ils savaient, est-ce qu'ils voudraient toujours cette vie ? Vivre dans des avions, ne pouvoir compter sur personne, ne pas avoir de vie privée... Comment faire ?

PAPER PLANES - Quand tu plies tes avions en papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant