Avril 1998
Suite à un hiver rude et un mois de mars pluvieux, le printemps fait enfin son grand retour. Après s'être éteinte pendant de long mois, dame nature reprends vie. Les arbres retrouvent peu à peu leurs feuillages et leurs verdures. Les oiseaux se remettent à chanter dès le réveil et les rayons du soleil commencent doucement à nous réchauffer. C'est aussi le moment où les premières fleurs de la saison dégagent leur délicieux parfum et forcent le passage à travers les feuilles mortes qui tapissent le sol. Magnifique leçon de vie où la naissance reprend ses droits sur la mort. Jérémy et moi adorons passés du temps en forêt et la cueillette de ces clochettes dorées et le point de départ à la saison de nos balades en nature.
Forcément avec la réapparition du soleil, les jupes font aussi leur grand retour dans la cour du collège. Ce n'est pas la gent masculine et ses hormones en ébullition qui s'en plaindra ! Moi-même, je me suis laissé tenter par ce style un peu plus féminin qu'à l'accoutumé. Après plusieurs mois à me plaindre que mes vêtements étaient trop enfantins, ma mère a fini par nous organiser un après-midi shopping afin de revoir ma garde-robe. Évidemment, j'ai vite déchanté quand elle m'a conduite dans une boutique de fripes. Des montagnes de vêtements étaient vulgairement mélangées sur des étals et dans de grands bacs qui à la base devaient les trier par taille. Elle me disait qu'en fouillant, il était possible de dénicher des merveilles. Je n'étais pas aussi optimiste qu'elle. Pour être bas, les prix l'étaient, mais les fringues n'avaient aucun style, ni aucun logo et la plupart des matières étaient rêches. L'horreur à porter. Moi qui rêvais d'un sweat noir à capuche Dready, de baskets bleues Caterpillar et de slips Dim, nous étions bien loin du compte. Ma mère n'a pas perdu espoir et a continué à fouiller les rayonnages. Au bout d'un moment, elle est revenue fièrement avec un sweat noir sans capuche, des baskets blanches à lacets bleus et des culottes à fleurs ornées d'un petit flot sur l'avant. Un sourire grimacé en guise de remerciement, je lui ai demandé de tout reposer. Impossible que je porte ça ! Après une heure de recherches, elle m'a quand même déniché quelques T-shirts basiques, une jupe et deux jeans.
En retournant à la voiture, ma déception devait se lire sur mes traits. Ce qui n'est pas passé inaperçu aux yeux de ma mère qui m'a demandé des explications. Consciente de nos soucis financiers, il était hors de question de la faire culpabiliser. Elle a alors refusé de démarrer la voiture tant que je ne viderais pas mon sac. Vu son insistance, j'ai fini par lui expliquer le malaise lié à mon apparence et la peur qu'on me traite de pauvre fille. Puis, j'ai continué sur l'importance liée aux marques et à la réputation des élèves au collègue. Mon intention n'était pas de passer pour une gosse de riche, mais un petit sweat pourrait changer tellement de chose dans ce monde de paraître...
Forcément, ça l'a surprise que je puisse être toucher à ce point étant donné que quelques mois auparavant, je me fichais royalement de mon apparence. Face à ma mine déconfite, elle a fini par craquer et m'a conduite devant un magasin nettement plus réputé. Partagée entre la raison et l'envie, il m'était difficile de passer le portique d'entrée. Sourire aux lèvres, elle m'a alors attrapé la main et entrainé à l'intérieur. L'éclairage éblouissant et l'odeur du neuf m'a aussitôt surprise. Des portants et de nombreux étals, parfaitement rangés, étaient remplis des dernières tendances en matière de fringues. On était loin du magasin précédent. Là, c'était le rêve...enfin, jusqu'à ce que je découvre les prix affichés sur les étiquettes. Ma raison s'est aussitôt rappelée à moi, comment pourrais-je mettre la moitié du budget course de la semaine dans un pull ? Déçue, j'ai demandé à ma mère de rentrer. Mais celle-ci a refusé de sortir du magasin sans un sachet sous le bras et comme toujours elle a su trouver les mots.
— Ne t'inquiète pas, j'ai encore le droit de gâter ma princesse de temps en temps... nous mangerons un peu plus de pâtes les prochaines semaines, c'est tout, avait-elle plaisanté.

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Save Your Tears
RomanceBonnie Perrini va faire son entrée au collège. Angoissée à l'idée de quitter l'enfance pour l'adolescence, ce premier jour va s'avérer difficile, émotionnellement parlant. Heureusement, elle pourra compter sur son meilleur ami, Jérémy, pour lui remo...