Chapitre 2

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Septembre 1997

À l'arrêt de bus, Jérémy m'informe que nous avons encore cinq bonnes minutes avant l'arrivée du car... et moi qui pensais être en retard  ! Il me propose de rejoindre ses potes sous l'abri, seulement mes jambes tremblantes refusent de me porter jusque là-bas. Pourtant, je connais la plupart d'entre eux, mais aujourd'hui ils m'intimident. Je ne peux pas me mêler comme ça à des « grands », pas dès le premier jour et peut-être même jamais d'ailleurs. Je suis irrécupérable...

— Vas-y toi si tu veux, moi, je préfère rester là, avoué-je bloquée sur place.

J'essaye de dissimuler mon malaise en serrant mes mains autour des lanières de mon sac et en baissant le regard vers mes pieds, mais ce garçon me connait par cœur.

— Non, c'est bon. Je ne te laisse pas toute seule.

En remerciement, je lui adresse un léger sourire pincé.

Autour de nous des petits groupes se forment. La plupart sont des camarades d'école primaire qui ont l'air aussi angoissés que moi. Ils sont tous beaux et bien coiffés. Certains sont même venus accompagnés de leurs parents. Un rapide coup d'œil à mes habits me rend morose. Je me sens moche et ridicule. Un peu honteuse, j'ose demander son avis à mon ami.

— Tu me trouves comment  ?

Étonné par ma question, il fronce les sourcils en analysant silencieusement mon degré de sérieux. Comprenant que je ne plaisante pas, il recule d'un pas et caresse son menton du bout de son index et de son pouce. Il m'observe de bas en haut, s'en est presque gênant. Je n'ose plus bouger de peur de son verdict.

— Ben, t'es jolie, balance-t-il en haussant les épaules, comme si c'était l'évidence même et qu'il n'y avait pas à se poser la question.

Je le connais assez pour comprendre qu'il n'ose pas me dire ce qu'il pense vraiment et puis ça veut dire quoi ça : « t'es jolie »  ?

— S'te plait Djé, dis-moi la vérité. Je suis si horrible que ça  ?

— N'importe quoi  ! C'est la vérité. Moi, je te trouve jolie, mais c'est vrai que...

— QUOI  ? C'est vrai que quoi  ? le coupé-je en redoutant déjà sa réponse.

— C'est vrai que tes habits...

— Ils font pitié c'est ça  ?

— Ben, je ne veux pas te vexer, mais un peu, avoue-t-il gêné.

J'en étais sûre  ! J'apprécie sa franchise, mais sur le coup elle fait mal. Je vais tuer ma mère et ses gouts de chiottes. Les larmes me montent aux yeux et une lutte intérieure démarre afin qu'aucune ne dégringole sur ma joue. Saleté de sensibilité trop prononcée  !

— J'aurais dû mettre quoi  ? l'interrogé-je en couvrant instinctivement mon chemisier à l'aide de mon gilet.

— Des habits de marque... C'est simple, plus tu en portes, plus tu as la classe et plus tu as la classe, plus tu te fais respecter. C'est comme ça que ça marche au collège  !

Abasourdie, j'ouvre de grands yeux devant la stupidité de sa réponse.

— C'est complètement débile. On s'en fout de la marque, non  ?

— Ben, pas vraiment. Mais tu sais quand je suis arrivé en sixième, j'étais comme toi, je ne connaissais pas encore tous les codes. Tu les comprendras au fur et à mesure.

— Je n'en connais même pas de marque. Tu en portes toi  ?

Ses sourcils se froncent comme si c'était un affront que je n'ai pas remarqué ce détail sur lui. Fièrement, il me montre le logo de son pull, puis les bandes noires et blanches sur son jogging à pressions et il termine par ses baskets. Le mec en est couvert de la tête au pied.

Save Your TearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant