Chapitre 1

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Septembre 1997

Bonnie

— Arrête de t'agiter comme ça, tu vas finir par te tacher, me sermonne ma mère.

Elle a raison, malgré mon retard, il faut que je me calme. J'avale rapidement une grande gorgée de chocolat chaud, puis pose délicatement le bol devant moi. Il ne manquerait plus que j'en renverse sur mes habits. Revoir toute ma tenue maintenant ? Impossible ! ça conduirait à un retard irrattrapable qui me ferait rater le seul bus de la journée. Je sors de table sans prendre la peine de débarrasser. Le temps me manque, ma mère pourra s'en occuper. La moue boudeuse qu'elle affiche confirme qu'elle n'est pas de cet avis. Tant pis, je la contre par un sourire désolé avant de me précipiter dans l'entrée pour enfiler mes chaussures.

En retard un jour de rentrée... je ne pensais pas ça possible, mais vu la courte nuit que j'ai passée, ça ne m'étonne qu'à moitié. Tout à l'heure quand le réveil s'est enclenché, mon corps a littéralement refusé de se lever. Heureusement, ma mère est toujours là pour veiller sur moi et me sortir du lit. D'abord, elle a pris le temps d'ouvrir mes volets et avec sa voix la plus douce, elle a accompagné mon réveil en tendresse. Mais quelques minutes plus tard, lorsqu'elle a compris que je repartais du côté de chez Morphée, sa voix s'est faite plus virulente et ma couette s'est envolée d'un revers de main jusqu'au pied de mon lit. Bon, il est clair que cette méthode n'est pas la plus douce, mais elle s'avère très efficace.

Mes bottines à petits talons aux pieds, je décroche mon gilet noir du porte-manteau. Il parait que c'est la couleur préférée des ados. Je l'enfile et retire d'un revers de main mes cheveux du col. Enfin, je ramasse mon nouveau sac que j'envoie se suspendre à mes épaules. Quand je l'ai vu en rayon au supermarché, j'ai aussitôt flashé. Bleu foncé avec sur le dessus, deux cygnes dont les cous se rejoignent pour former un joli cœur pailleté. Mais ce qui m'a le plus botté, c'est qu'il regorge de poches à trésors que je n'ai pu m'empêcher de remplir de bêtises. Des sucreries, des biscuits, mais aussi ma petite collection de POG. Par pur plaisir de les montrer dans la cour de récréation, car je n'y joue jamais. Trop peur de perdre mes préférés ! Sur le côté, une poche dissimule mon tamagotchi. Ce rôle de maman virtuelle que j'affectionne tout particulièrement me fera passer le temps pendant les trajets en bus. Et enfin, une super balle rebondissante multicolore est cachée dans une dernière poche sur le côté. Elle pourra toujours être utile en cours de sciences, on ne sait jamais qu'il faille illustrer la force de gravitation.

— Bonnie ! m'interpelle ma mère alors que j'ai la main sur la poignée de la porte d'entrée.

Elle s'approche de moi et pose son index et son majeur sous mon menton, accompagnant mon visage à se lever vers le sien. Ses yeux plissés en analyse chaque détail, jusqu'à ce que des rides moqueuses éclairent le bord de ses paupières.

— C'est bien ce que je pensais. Repasse par la salle de bains avant de t'en aller.

— Mais j'ai pas l'temps maman, râlé-je. Jérémy m'attend.

— Comme tu veux, mais tu vas faire une sacrée impression pour ton premier jour avec ta moustache de lait, grimace-t-elle.

Automatiquement, je passe ma langue sur mes lèvres et comprends qu'elle a raison.

— Merde !

— Pas de grossièreté jeune fille !

— Oui, oui, grommelé-je en laissant tomber mon sac pour foncer vers la salle de bains.

Je tape violemment sur l'interrupteur et me hisse sur la pointe des pieds au plus près du miroir suspendu au-dessus du lavabo. Je constate l'étendue des dégâts et me débarbouille rapidement. Merci, Maman, de toujours veiller sur moi ! Déjà que cette rentrée m'angoisse, ce n'est pas le moment de se faire remarquer. En plus, un pied à peine posé dehors, Jérémy ne se serait pas gêné pour se moquer de moi. Un sourire grimacé dans le miroir confirme qu'aucun résidu de tartine n'est coincé entre les bagues de mon appareil dentaire. Tout semble parfait. Avant de quitter la pièce, je m'accorde une poignée de seconde pour inspecter mon reflet dans le miroir en pied, collé à la porte. Sous les conseils de ma mère, j'ai noué ma longue crinière blonde en une queue de cheval et attaché les petits cheveux frisottants sur les côtés à l'aide de barrettes multicolores. Ne serait-ce pas trop enfantin ?

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